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    1. PLATONISMK##


PLATONISMK. LES CONCEPTIONS PLATONICIENNES

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monter et s’unir à Dieu. » Carm. theol., sect. ri, poem. moralia, x. P. G., t. xxxvii, col. 085. vers 59-65.

Les paroles de Platon pouvaient être interprétées dans un sens panthéiste ; à tout le moins elles menaçaient la distinction de la nature et du surnaturel ; on ne fut d’abord sensible qu’à leur accent, religieux, aux promesses d’immortalité dont elles enchantaient le cœur, au secours qu’elles apportaient dans la lutte contre les passions et dans la recherche de Dieu.

2. Par sa partie la plus haute, l’âme appartient donc au ciel, et pourtant elle anime un corps ; l’âme du monde est la source de tout mouvement dans l’univers. Intermédiaire, elle pose le problème que posent tous les intermédiaires : quelles sont leurs relations avec les extrêmes que tout à la fois ils unissent et ils séparent ? Aux contins de l’esprit et de la matière, dans quelle mesure l’âme participe-t-elle à l’un et à l’autre ? Platon paraît reculer la difficulté plutôt que la résoudre ; il décompose l’intermédiaire lui-même et distingue la raison immortelle (voûç, Xôyoç, XoyKTTixôv ) qui est le pilote de l’âme. Phèdre. 247 c, et deux autres parties, mortelles celles-là et plus proches de la condition des choses matérielles, la colère ou le courage, 0uji.O£tSsç, et le désir, S7r16uu.v ; 81xôv.

L’âme, avant d’animer un corps, était en contact avec les réalités intelligibles ; de ce qu’elle a vu alors, elle se souvient obscurément et c’est pourquoi elle a le désir de la science ; sinon, comment chercherait-elle ce qu’elle ne connaît pas et même, si elle le trouvait, comment pourrait-elle le reconnaître ? Ainsi, l’acquisition de la science suppose comme condition nécessaire la réminiscence et la réminiscence requiert une préexistence.

3. Ces théories sont caractéristiques du platonisme. La préexistence des âmes qui était « pour une intelligence antique, un substitut et peut-être l’unique substitut possible de la création », Diès, Platon, p. 107, fut reprise par diverses sectes gnostiques et même audacieusement combinée avec la création par Origène et les origénistes. Némésius, Didyme, Évagre. Prudence en héritèrent ; Priscillien aussi, avec cette différence que, pour lui, les esprits ne sont pas créés, mais émanent de l’être de Dieu (Fr. Diekamp, Katholische Dogmatik, t. ii, 3e écîit., p. 106). Saint Augustin, saint Jérôme dans la première partie de sa carrière, la prirent en considération, du moins en ce qui concerne l’âme d’Adam, et Augustin soutint, à propos de la réminiscence, une opinion que, dans la suite, il rétracta.

La division de l’âme en trois parties fut accueillie par Origène aussi, qui fondait même sur cette trichotomie sa méthode allégorique et son explication des sens divers de la sainte Écriture. Sicut ergo hnmo constare dicitur ex corporc et anima et spiritu, ainsi, il faut distinguer, dans la parole de Dieu, la lettre, l’âme et l’esprit ; c’est pourquoi chacun, selon son degré de perfection, peut y trouver son aliment. De princip., IV. iv, 11, P. G., t. xi, col. 365 A ; Kœtschau, p. 312 ; cf. Philon, De migratione Abrah., 93. Bien qu’Origène assure tenir cette division de saint Paul, I Thess., v, 23, ses idées sur le voûç et la fyuyr) montrent qu’il subissait aussi d’autres influences (cf. cependant De princ., III. iv. 1-5, P. G., t. xi, col. 319-325 ; Kœtschau, p. 203-270).

Grégoire de Nazianze et Grégoire de Nysse inclinent parfois à la même manière de voir sur la composition de l’âme ; ce dernier la rejette pourtant explicitement comme frayant la route à l’hérésie. Antirrhelirus adv. Apollinarem, 35, P. G., t. xi.v. col. 1200 BC. Et, en effet, parce que celle théorie relâchait l’unité du composé humain, certains pensèrent que la nature divine pourrait, à la place de l’intelligence, s’y insérer sans rompre l’unité du Christ : ce fut l’apollinarisme.

Autre conséquence : l’âme n’étant unie au corps,

peut-on dire, que par accident, l’élément principal peut se dégager soit pour remonter à son premier état (d’où la possibilité de la vision de Dieu), soit pour descendre jusque dans le corps des bêtes. On reprocha ces erreurs à l’origénisme.

La destinée.

1. La parenté de l’âme avec les

réalités intelligibles fait plus que suggérer, elle impose l’immortalité de celle-ci. Que ce fût la pensée de Platon, ses disciples chrétiens n’en ont pas clouté. Ce n’est point seulement une probabilité précieuse pour faire la traversée de l’existence ; c’est une certitude qui commande notre attitude pendant la vie et devant la mort. Le philosophe « prend le vrai, le divin, ce qui échappe à l’opinion, pour spectacle et pour aliment », convaincu que son âme, après la vie présente, s’en ira « vers ce qui lui est apparenté et assorti, se débarrassant ainsi de l’humaine misère ». Phédon, 81 ab, trad. Robin, p. 46. Aussi, loin de craindre la mort, il la voit venir avec sérénité ; sa grande occupation est de la préparer en se détachant.

Le sage doit fuir le monde, dit le Théétète ; il doit fuir le corps, dit le Phédon. « Voilà l’effort qui s’impose : d’ici-bas vers là-haut fuir au plus vite. » Théétète, 176 a. Cet idéal, en apparence tout négatif, ne condamne pourtant pas celui qui s’en est épris à une abstention proche de l’anéantissement ; dans une société bien ordonnée, le sage serait même chargé de diriger les affaires publiques et de reproduire, dans ses concitoyens, le modèle d’immuable vérité qu’il s’est rendu digne de contempler. V. Brochard, Eludes de philosophie ancienne et de philosophie moderne, Paris, 1912, c. x : la morale de Platon.. Il n’y a de salut pour la cité, pense Platon, que si le roi devient philosophe ou si le philosophe est roi. Même lorsque les circonstances l’empêchent de faire part aux autres de son idéal, la contemplation des vérités éternelles, au lieu de diminuer ou de ralentir en lui la vie, exalte, au contraire, l’activité de sa faculté la plus haute et, dans la ressemblance à Dieu, lui fait trouver la perfection de son être.

2. Fuir, c’est donc s’assimiler à Dieu autant que possible ; et « on s’assimile à lui en devenant juste et saint ». Théétète, 176 b. C’est la conduite qui nous rend agréables à ses yeux. Car une loi inéluctable veut que « les semblables fassent à leurs semblables et en reçoivent tous les traitements qu’ils doivent naturellement en attendre ». A cet ordre « tu n’échapperas jamais, quand tu serais assez petit pour pénétrer dans les profondeurs de la terre, ou quand tu serais assez grand pour t’élever jusqu’au ciel ». L’iis, X, 905 a. Eusèbe, Præp. evang., t. XII, c. lii, 32, relève la ressemblance avec le psaume cxxxviii.

Il faut donc par la justice, dans la mesure du possible, s’identifier avec « ce qui est invisible, divin, immortel et sage ». Phédon, 81 a. C’est la loi du développement moral et la voie du bonheur. C’est là qu’est portée l’âme avide de science, de justice et de purification. Elle ne peut rester au milieu des opinions et de la multiplicité, mais son désir l’entraîne et ne cesse que lorsqu’elle a touché, par la partie d’elle-même qui lui est apparentée, la nature de ce qui est véritablement. Elle s’approche de cet être, se mêle à lui ; elle engendre l’intelligence et la vérité ; elle vit vraiment et trouve là sa vraie nourriture. Alors sa passion s’apaise, pas avant. Rép., VI, 490 b ; Banquet, . Il d212 c. Alors, plus d’errements ni de terreurs, plus de sauvages amours ; mais c’est dans la compagnie des dieux qu’elle passe le reste du temps. Phédon, 81 a.

De même, l’âme qui a vécu dans le vice habite une demeure conforme à son état, Lois, X, 901 de ; parce qu’elle s’est complue dans le corps, elle reste contaminée par le corps, même quand elle parvient chez Hadès, et c’est pourquoi elle ne tarde pas à retomber