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    1. PLATONISME##


PLATONISME. LES CONCEPTIONS PLATONICIENNES

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Les Idées et la dialectique.

1. Les réalités supérieures

auxquelles la philosophie se donne pour tâche de conduire hs âmes, ce sont les Idées, exemplaires immatériels de toutes les choses dont est composé le monde sensible. Si l’on ne veut pas admettre qu’il

a des Idées des êtres Idées stables, permanentes,

toujours les mêmes, il n’y a plus rien que nous puissions connaître par l’esprit, car tout ce que nous voyons est dans un changement perpétuel. » Parm., 135 b. Puisque l’intellect ion et l’opinion sont deux genres de connaissance distincts, leurs objets doivent être distincts aussi, et réels. C’est un argument qui sera souvent repris dans l’école platonicienne. « Quiconque connaît, connaît quelque chose, c’est trop clair. — Quelque chose qui est, ou quelque chose qui n’est pas ? — Évidemment, quelque chose qui est. Comment ce qui n’est pas pourrait-il être connu ? « Rép., Y. 171}}e ; Tim., 51 d. Il y a donc des êtres véritables, existant en soi, accessibles à la seule intelligence. Sur ce point, Parménide avait raison. Parler de ces êtres auxquels participent toutes choses, c’est parler creux et se contenter de métaphores, devait dire Aristote. Metaph., i, 9, 991 or. Platon a vu les difiicultés qu’on peut faire à la théorie des Idées, et il lui est resté fidèle. Parm., 135 bc. Quelle qu’ait été l’évolution de ses vues sur ce sujet (voir Constantin Ritter, Platon, t. ii, Munich, 1923, p. 287-308), il tient aux Idées, comme il tient à la science. Ne lui demandons pas trop de précisions sur les rapports qu’elles ont entre elles ou avec Dieu ou avec les choses sensibles ; une chose certaine est que, si l’on refuse de les admettre, c’en est fait du platonisme, dont le dogme premier est, qu’au-dessus de ce monde qui passe, il y a des réalités immuables et éternelles.

2. Comment arrive-t-on jusqu’à ces Idées ? Par la dialectique, qui s’élève du singulier au général, du conditionné à l’inconditionné, mais aussi divise et descend méthodiquement du général au particulier en révélant les concepts qui peuvent s’unir et ceux qui ne le peuvent pas. Elle distingue les formes comprises sous le même genre. Sophiste, 253 c, mais aussi, dans le divers, elle découvre le même et, faisant abstraction des différences, ne retenant que l’identique et l’immuable, elle arrive aux types éternels.

Ainsi, par la méthode dialectique et par l’amour qu’elle suppose, comme le ressort inconscient qui déclenche l’effort, l’œil de notre âme qui était comme enfoui dans un bourbier « doucement est tiré et levé en haut », et s’évade du monde sensible. Rép., vii, 533 cd. Cf. Zeller, op. cit., p. C14 sq., 043 sq. ; voir aussi J. Souilhé, La notion platonicienne d’intermédiaire dans la philosophie des « Dialogues », Paris, 1919.

3. Dans cette doctrine, les chrétiens platonisants ont remarqué surtout : a) l’affirmation d’un monde suprasensible dont ce monde changeant est l’image.

La philosophie barbare, elle aussi, connaît ces deux mondes, dira Clément d’Alexandrie (après lui, Origène et Eusèbe de Césarée le diront aussi), l’un perceptible à l’intelligence, l’autre aux sens, le premier étant l’archétype, Je second l’image de l’exemplaire. » Strom., Y, P. (, .. t. ix. col. 137 Al’..

b) Notre parenté avec ce monde invisible ; aussi le désir de nous élever jusqu’à lui n’est-il point un rêve chimérique : et pour mener à bien cette ascension, la nécessité d’une préparation purifiante, où l’amour joue un rôle important. Ici peut-être, l’influence de Platon est moindre que celle de flot iii, qui systématisa les idées parsemées dans le Phèdre et le Banquet, le Phédt n et le Théétète.

ci Certains conservent la méthode dialectique (qui fut dans la suite modifiée par des influences stoïciennes), et le procède— d’analyse, avec sa prétention d’atteindre la ((imposition essentielle des choses. Ils

conservent même, dans une certaine mesure, le principe qui autorise ces prétentions, un réalisme selon lequel les degrés de l’abstraction logique sont aussi des degrés d’être ; donc, puisque les choses sont dans l’existence comme elles sont dans notre pensée, il suffît d’analyser nos concepts pour connaître le réel et sa manière d’être. On retrouverait ici, dans la descendance de Platon, parmi plusieurs autres, Origène, les Pères cappadociens, le pseudo-Denys, Jean Scot Érigène ; plus tard, lors des discussions sur les universaux, les réalistes exagérés ; plus tard encore, Descartes, Malebranche, Spinoza, Leibniz… Voir ce qui est dit ici sur le monde intelligible et les Idées (col. 2338 sq.), et sur la théologie négative (col. 2372 sq.).

Dieu et les dieux.

1. Le Dieu de Platon. — Le

meilleur, il faut le mettre le premier, à l’origine de tout, comme la cause de toute naissance, car, contrairement à ce que prétendaient" les physiciens qui plaçaient au principe des choses des éléments aveugles, le plus ne peut sortir du moins. Or, l’intelligible est meilleur que le sensible, l’unité meilleure que le multiple. Donc, sous peine d’être comme Anaxagore « un homme qui ne sait tirer aucun parti de l’intelligence », Phédon, 98 b, il faut dire que le meilleur, et par conséquent le premier, est l’Intellect qui organise et conserve l’univers, comme fait un bon artisan, disposant les parties pour le bien du tout. Lois, 903 c. Primauté de l’intelligible, conception finaliste du monde, ce sont des traits essentiels du platonisme.

2. L’intelligible immortel, indissoluble, éternellement identique, l’être invisible et véritable, sans couleur ni figure et qui ignore le devenir, est aussi l’être divin. Exemplaires des choses, les Idées sont divines ; et l’Idée du Bien, la plus élevée de toutes, peut être appelée Dieu par excellence, puisqu’elle est cause de toute perfection, de tout être, de toute connaissance, donnant à ce qui est sa réalité, et à ce qui connaît la raison et le savoir.

Est-ce bien la pensée de Platon ? Les critiques ne sont pas d’accord. Yoir Ueberweg-Prœehter, Die Philosophie des Altertums, 12e éd., p. 333 ; Zeller, Die Philosophie der Griechen, IIe part., t. i, 5e éd., p. 709 ; Ritter, Platon, t. ii, p. 755 ; Taylor, Plato, p. 442 ; Rivaud, Timée, introduction, éd. Les belles-lettres, p. 32-38. Cette déception trop souvent nous guette à la suite de Platon. Il remplit le cœur d’ambitions sans mesure, il montre dans le lointain de resplendissantes images, mais ces images restent lointaines ou, quand on veut les étreindre, elles échappent. Il faut en convenir, ce qui le préoccupe, c’est moins le problème de Dieu que le problème de la science : l’affirmation essentielle est celle de l’Intelligible immuable. Quel est le rapport de cet Intelligible avec Dieu ? Dieu est-il l’Idée du Bien, source de l’être et de l’intelligibilité, Rép., vi, 508e ; vii, 715 bc, ou le Démiurge du Timée qui organise la matière, ou l’Ame du monde, cette » âme royale » qu’il identifie avec Zeus, Philèbe, 30 d ? Ces divers points de vue ont-ils été unifiés ? Si Dieu est l’Idée du Bien, est-il une personne ? S’il est l’Ame du monde, comment concilier son immanence avec la transcendance ailleurs affirmée ?

Il est certain que, dans ses derniers ouvrages, surtout dans le 1. X des Lois, Platon apparaît convaincu que certaines vérités sur Dieu sont rigoureusement démontrées (on a pu le nommer le « créateur de la théologie naturelle », Taylor, Plato, 1926, p. 189) et que la négation de ces vérités entraîne des conséquences graves pour la pratique : c’est pourquoi il reconnaît aux magistrats le droit et le devoir de punir, comme’perturbateurs de l’ordre social, et les ni liées qui nient l’existence des dieux et ceux qui pensent que la divinité est indifférente à la conduite des hommes, ou qu’on peut, sans se soucier de mener