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PLATON LEVCHINE — PLATONISME DES PÈRES

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En 1781, Platon se donna un vicaire pour l’administration diocésaine et habita désormais, d’une manière ordinaire, à la laurc Troïtskii, ou Saint-Serge, et à l’ermitage voisin, appelé « Béthanie ». Ses dernières années, à partir de 1800, furent assombries par une longue maladie. La pensée de la mort le rendit bientôt indifférent aux choses de ce monde. Il fit préparer sa tombe de son vivant et s’y allongeait souvent dans l’attitude du dernier sommeil.. Il se trouvait à Moscou lorsque Napoléon y entra, en 1812 ; mais, loin de songer, comme on l’a dit, à organiser la défense de la ville contre l’envahisseur, il était, à ce moment, dans un état de complète décrépitude, et la paralysie l’empêchait de parler d’une manière intelligible. Le. Il novembre de cette année, il s’éteignit à « Béthanie », où il fut enseveli. De’son vivant, il avait distribué sa fortune aux monastères et à l’Académie de Moscou.

Les biographes de Platon louent sa droiture et sa franchise, son équité, sa bonté, son amour de la simplicité. Ennemi du faste et de la prodigalité, il ne trouvait rien de trop beau dès qu’il s’agissait de l’ornementation des églises et de la splendeur du culte divin, car c’était une âme foncièrement pieuse. A côté de ces qualités, on remarquait chez lui l’amour des honneurs et le désir d’exceller en tout. Il supportait mal la critique et la contradiction, était prompt à la colère, mais ignorait la rancune.

II. Écrits et doctrine.

Platon Levchine a surtout composé des sermons et des harangues politicoreligieuses. Ils sont au nombre de 500 et ne remplissent pas moins de vingt tomes. Huit harangues à l’adresse de l’empereur Alexandre I er furent publiées à Moscou en 1801. Quelques-unes furent traduites en grec, en allemand, en français, en italien, en anglais et en arménien. Les critiques russes en font à la fois le Chrysostome et le Bourdaloue russe. Il a de l’entrain et de la flamme comme le premier. Il se rapproche du second par son amour des développements moraux. Le dogme tient peu de place dans sa prédication. D’abord fleuri . et recherché, il abandonna bientôt ce genre faux, ne visant plus qu’à la clarté et à la simplicité du style. Il appartient à la catégorie des orateurs qui charment plus les lecteurs que les auditeurs.

Comme théologien, il n’a guère écrit que des catéchismes plus ou moins développés. Le principal, qui l’a rendu célèbre à l’étranger, est celui qu’il composa pour son impérial élève, Paul Pétrovitch, sous le titre : Pravoslavnoe outchenie ili sokrachtchennoe khristianskoe bogoslovie, se pribavleniem molitv i razsougdeniia o Melkhisedekie (Enseignement orthodoxe ou théologie chrétienne abrégée, avec un supplément comprenant des prières et une dissertation sur Melchisedech), l re édit., Moscou, 1765, avec dédicace au tsarévitch. En dehors d’une introduction historique sur l’enseignement catéchétique dans l’ancienne Église, l’ouvrage comprend trois parties. La I re traite de la connaissance naturelle de Dieu et de ce que nous appelons les preeambula fidei. La IIe est un résumé de dogmatique chrétienne. La IIIe est consacrée à l’étude de la loi divine : nécessité des bonnes œuvres ; étude du Décalogue ; la prière en général et l’oraison dominicale en particulier. L’exposé est simple et clair, d’une lecture agréable, parfois émouvant. Il n’a rien de la sécheresse d’un catéchisme ordinaire. Point de questions et de réponses ; mais des titres et sous-titres multiples. Le tout est assez logiquement ordonné et nourri de textes scripturaires.

Au point de vue doctrinal, on y découvre une certaine tendance protestantisante, par exemple sur la définition de l’Eglise, sur le rôle des bonnes œuvres dans la justification. Rien de bien grave cependant. Au moment où Platon écrit son ouvrage, l’influence de la théologie de Théophane Procopovitch sur les théo logiens russes commence à peine. Aussi, dans la série des théologiens russes de la seconde moitié du xviiie siècle, profondément imbus des théories protestantes, fait-il figure de modéré, tenant plus de l’ancienne orthodoxie que de la nouvelle.

L’ouvrage de Platon a été traduit en de nombreuses langues : en latin, Pétersbourg, 1771 ; en français, 1770 ; en allemand, Leipzig, 1770 ; en anglais, Edimbourg, 181 1 ; en grec, par A. Coraïs, avec des notes du traducteur, Vienne, 1786. On signale également des versions en arménien, en grégorien et en hollandais. Avant l’apparition du catéchisme de Philarète, il fut le manuel le plus répandu d’instruction religieuse et de théologie en langue russe, les autres manuels de théologie de cette époque étant encore écrits en latin.

A Platon revient la gloire d’avoir publié la première histoire de l’Église russe sous le titre : Kratkaiia tserkovnijia rossiiskuiia isloriia. divisée en deux parties, Moscou, 1805 ; 2e éd., 1821 ; 3e éd. abrégée, en 1834. Il en a paru une traduction allemande. L’ouvrage servit pendant quelque temps de manuel dans les écoles.

Signalons encore, parmi les ouvrages de notre auteur, une Vie de saint Serge de Radonège, qui n’a pas eu moins de cinq éditions, et une Autobiographie, composée en 1807 et éditée après sa mort. Avec Gabriel, métropolite de Pétersbourg, il collabora au recueil intitulé : Instructions pour les dimanches et fêtes, à lire dans les églises, 1776.

Platon n’a pas manqué de biographes. Voici les principaux : 1° J.-M. Sneguirev, Vie du métropolite Platon, avec portrait, Moscou, 1856, avec un tome de suppléments, parmi lesquels quelques opuscules inédits de Platon ; 4e éd., Moscou, 1891 ; 2° V. Novakovskii, Esquisse biographique de Platon, métropolite de Moscou ; 3° A. Barsov, Esquisse de la vie du métropolite Platon, Moscou, 1891 ; 4° Th.-V. Tchetyrkine, Platon, métropolite de Moscou, 2e éd., Pétersbourg, 1899 ; 5° D.-S. Dimitriev, Platon, métropolite de Moscou et son couvent, Moscou, 1898 ; 6° A. —A. Bieliæv, L’activité économique du métropolite Platon. — L’Autobiographie a été publiée par l’archiprètre S.-K. Smirnov, Moscou, 1887. Voir aussi la notice biographique donnée par S. Rounkévitch, dans le Rousskii biographitcheskii Slovar, t. viii, Pétersbourg, 1905, p. 49-54, et celle du Dictionnaire encgclopédique, Brokhaus-Ephron, t. uni, Pétersbourg, 1898, p. 850-852.

M. Jugie.

    1. PLATONISME DES PÈRES##


PLATONISME DES PÈRES. — I. En

général, ce que les premiers écrivains chrétiens ont retenu du platonisme ; par quelles voies ils l’ont connu. IL Examen spécial de quelques doctrines platoniciennes et de leur influence sur les Pères.

Préliminaires. — Que faut-il entendre ici par « platonisme » ? — 1° Raphaël, dans l’École d’Athènes, représente Platon tenant le Timée d’une main et de l’autre montrant le ciel ; c’est ainsi qu’est apparu aux premiers docteurs de l’Église « le plus théologien de tous les Grecs », presque comme un ancêtre égaré dans la gentilité. Il enseigne, dit saint Augustin, que le monde vient de Dieu et doit retourner à Dieu, que Dieu est le Créateur et la Lumière et le Bien suprême, causa constitutse universilatis et lux percipiendæ veritatis et fons bibendæ felicitatis. En cela se résume la doctrine des platonici. De ctvilale Dei, t. VIII, c. v, P. L., t. xli, col. 230 ; c. x, col. 235, et c’est pourquoi elle est préférable à toute autre. La plupart des anciens Pères ont pensé comme saint Augustin. A l’influence des stoïciens, des péripatéticiens, des néopythagoriciens, ils n’ont pas entièrement échappé ; mais à celle de « Platon », ils se sont livrés souvent, dirait-on, avec complaisance.. Aristote, pour eux, est le « physicien », quand il n’est pas l’athée ; Platon est le « philosophe », un voyant supérieur chez qui on se plaît à retrouver l’écho des croyances chrétiennes.