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PITRA (JEAN-BAPTISTE)


grecque. Rome, 1867, complétée par l’énoncé des seize règles poétiques dans Analecta sacra, t. 1, p. i.xxxix. Après le concile du Vatican, dont les préparatifs et

les suites, sans parler des travaux courants des congrégations romaines, absorbèrent alors presque tout son temps, le cardinal Pitra revint avec ardeur à ses deux champs d’exploration : les Pères grecs anténicéens et les mélodes byzantins : c’est à ces inédits qu’il consacra les quatre premiers tomes des Analecta sacra Spicilegio Solesmensi parafa, Paris, Tusculum et Venise. 1871Î-1883. Le t. i présentait au public le Tropologe ou recueil d’hymnes de l’Église grecque, plus de deux cents petits cantiques sur les fêtes de l’année, qui ont pour auteurs Romanos et vingt-quatre autres mélodes. Pour le jubilé de Léon XIII. le cardinal devait donner à Rome, en 1888, quelques nouveaux poèmes de Romanos : Sancti Romani canlica sacra, et une préface à l’édition, par Stevenson, des commentaires théologiques de ces cantiques par Théodore Prodrome : Theodori Prodromi cnmmerllarios in carmina sacra melodorum. Dans ses notes et ses préfaces, l’auteur résumait la doctrine, souvent assez profonde et toujours très orthodoxe, de ces poètes théologiens, sur tous les articles du symbole de Nicée ; et même « sur tous les points de séparation entre Grecs et Latins : la primauté de Pierre et du pape romain, la procession du Saint-Esprit, le purgatoire, etc., il y a toujours eu. dans les hymnes les plus vulgaires, d’éclatants témoignages qui confondent le schisme, en dépit du fanatisme des patriarches et des chefs de l’empire », par suite de l’attachement des fidèles à ces vieux cantiques, et par le fait même que leur rythme isosyllabique les gardait intangibles. Ces publications du savant cardinal suscitèrent de nombreux travaux, où le P. Gagarin, Lamy, Ut. Chevalier, H. Stevenson et le P. Bouvy, discutaient ou précisaient ses conclusions, où Nilles et d’autres commençaient à mettre en valeur ce filon inépuisable d’arguments liturgiques.

Les Pères anténicéens, surtout les auteurs grecs, ont les honneurs des volumes ii, ni et iv des Analecta sacra, avec des inédits du juif Philon, de saint Clément Romain, saint Justin, Théophile d’Antioche, Grégoire le Thaumaturge, saint Cyprien, Jules Africain, Origène, Malchion, Pierre d’Alexandrie et saint Méthode. La plupart de ces fragments sont assez courts et extraits d’ouvrages authentiques aujourd’hui perdus ; mais beaucoup sont d’une haute portée théologique, car ils avaient été retrouvés dans les Calenæ Patrum, ou recueils de textes des Pères constitués par les évêques orthodoxes pour discuter contre les hérétiques dans les conciles du vii c siècle. Les deux principales chaînes utilisées par Pitra sont celles de Victor de Capoue et de Jean Diacre, sur lesquels il avait disserté longuement dans le Spicilegium Solesmense, t. i, p. i.

Depuis le 23 janvier 1869, le cardinal avait reçu de Pie IX la haute dignité de bibliothécaire de la sainte Église romaine : il trouva dans cette nomination matière à reprendre ses anciennes recherches sur les lettres des papes (1852) et sur la bibliothèque Vaticane ; tel est l’objet du I er volume des Analecta novissima : De epistolis et regrstis romanorum pontificum, Tusculum, 1885, causerie sans apprêts sur cette matière qu’il contribua à mettre à l’ordre du jour, et à faire approfondir par la jeune école française de Rome. C’était la manière la plus pratique de répondre aux désirs de Léon XIII — dans sa lettre aux trois cardinaux Pitra, de Luca et Hergenrother (1883) — de voir restaurer dans l’Église les études historiques.

IV. Le cardinai.-kvf.quk. — Cardinal-prêtre jusqu’en 1879, il opta cette année-là pour l’évêché de Frascati, et y fut bien accueilli ; en 1884, il dut le quitter pour celui de Porto et Sainte-Rufme, auquel

est attachée la charge de sous-doyen du Sacré Collège. Après avoir défendu, dans sa lettre pastorale, la mémoire de saint Hippolyte, son prédécesseur sur ce siège ( ?), il revint par la pensée et le regret à son premier siège, la perle des évêchés snburbicaires, Frascati, l’ancien Tusculum, et ses Tusculana contiennent les œuvres inédites de quatre prélats français, évêques de Frascati des xii e, xme et xive siècles : c’est le il 1’volume, un peu négligé, des Analecta novissima, Spicilegii Solesmensis altéra continuatio, t. ii, Frascati, 1888.

Cependant, ce ne devait pas être le dernier ouvrage de l’infatigable vieillard ; miné par la maladie, il prépara encore trois volumes d’inédits, sur les trois sujets qui l’avaient occupé successivement : les Pères de l’Église, les canonistes byzantins et les mélodes grecs. Les Pères anténicéens des volumes précédents étaient continués, dans un t. v intitulé : Analecta sacra et classica, par des auteurs chrétiens des ive et v c siècles, tirés des chaînes : saint Athanase, saint Basile, Macarius Magnés, saint Cyrille d’Alexandrie, Titus de Bosra, puis Osius, saint Hilaire, Juvencus, et un pseudo-Augustin : Liber testimoniorum, qui était de Fauste de Riez ; Philon était continué par un long commentaire inédit du philosophe Proclus sur la République de Platon, mais sans traduction latine et avec une préface en français. L’éditeur vieilli y apporte, avec une certaine mauvaise humeur, des rectifications aux précédents Analecta, se lamente de ne pouvoir donner une édition expurgée de Dracontius, et fait mention de nombreux inédits patristiques postérieurs : Rhaban Maur, Lanfranc, et d’autres, qui ne sont pas encore sortis de ses cahiers de notes. De même, il réservait au t. vi de ses inédits des hymnes de mélodes grecs qu’il ne put mettre au net. II eut cependant la force de préparer encore un viie volume d’Analecta, qui fut publié après sa mort par son secrétaire, Mgr Battandier : Juris ecclesiastici Grœcorum selecta paralipomena, Paris, 1891 : il contient, sans traduction latine, le texte d’un canoniste grec, Démétrius Chomatiauus, dont les œuvres complètent les travaux du cardinal sur le droit canonique de l’Église byzantine.

Le t. vin des mêmes Analecta, préparé hors série pour le centenaire de saint Benoît au Mont-Cassin, avait paru dès l’année 1881, et présentait au public et à ses confrères en saint Benoît une partie considérable des écrits d’une célèbre moniale du xiie siècle, sainte Hildegarde, cent cinquante lettres d’elle ou de ses correspondants, des hymnes liturgiques de facture très curieuse, des conférences à ses moniales sur l’Évangile, et le Liber vitse meritorum, qui complétait la vaste trilogie dont on n’avait jusque-là que deux parties : le Scivias et le Liber divinorum operum.

C’est le seul ouvrage où le savant éditeur ait cru devoir aborder des écrivains du bas Moyen Age ; tous ses autres recueils d’inédits, bien que nés eux-mêmes de rencontres qu’on peut appeler providentielles et de découvertes qu’on pourra croire fortuites, se rangent sous les trois ou quatre rubriques qu’il avait mises dès le début au dos de ses cahiers de notes : écrivains symbolistes, Pères de l’Église ancienne, canonistes byzantins et mélodes grecs. Il a même tenté, autant qu’on le pouvait en pareille besogne, de suivre, d’un volume à l’autre, l’ordre chronologique de chaque sujet, et de rappeler, dans les derniers, les pièces du même auteur publiées précédemment.

Les œuvres du savant bénédictin — sauf peut-être ses Tusculana, qui sont de moindre valeur — n’eurent aucun succès en librairie et peu de retentissement, même dans le monde savant. L’auteur ne se faisait aucune illusion : il fit péniblement les frais de l’impression, car il vécut et mourut pauvre, menant une