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PITHA (JEAN-BAPTISTE


pour la continuation du Gallia christiana, dont les derniers tomes et les dernières provinces - Tours, Besançon, Utrecht n’avaient jamais paru et

axaient été confiés à l’abbaye de Solesmes. Appelé lui-même à d’autres travaux, il laissa dans ses papiers bien des noms d’abbés et des documents historiques qui n’ont pas été utilisés par Ilauréau, beaucoup d’inédits liturgiques ou canoniques ou historiques qui furent « redécouverts » avec fracas par d’autres chercheurs, telles les Annales de Saint-Waast, le Codex Rachionis de Strasbourg, le Lectiorinaire de Colmar, la collection des conciles du Claromontanus, le cartulaire de Saint-Florent, des inédits de saint Bernard. Pour les inédits patristiques, il se décida pourtant à les publier, à l’imitation de dom d’Achery, de Mabillon, de Martène, de dbm Pez et du cardinal Mai’, dans un recueil à part, qu’il appela Spicilegium Solesmense.

Quatre volumes parurent de 1852 à 1858. Les t. ii et m sont entièrement consacrés au texte de la Clef de Méliton, ce dictionnaire des symboles chrétiens, dont il faut, malgré Pitra, refuser l’attribution à l’évêque de Sardes du iie siècle, car il n’y a pas eu d’original grec, mais dont l’influence en Occident est abondamment prouvée par les citations que fait dom Pitra d’auteurs divers du ixe au xme siècle, les auteurs plus anciens qu’il cite, saint Grégoire et saint Eucher, étant regardés par les critiques actuels comme des sources de cette somme symbolique anonyme. Dix ans plus tard, l’éditeur devait trouver à la bibliothèque Barberini le codex Claromontanus qui donne de la Clef de Méliton un texte latin du ix c siècle : il le publia dans le IIe volume des Analecta sacra, avec une dissertation sur l’authenticité de l’œuvre qu’il continuait d’admettre et sur son utilisation incontestable : « En effet, ce formulaire a passé de main en main, de siècle en siècle, de région en région : chaque contrée a fourni ses commentateurs ; chaque église a eu son école ; chaque âge, un écho de cette voix apostolique ( ?). » Disons simplement que ce formulaire complet mériterait, de la part des historiens de l’art et même des théologiens mystiques, plus d’attention qu’ils ne lui en ont jusqu’ici accordé. Le cardinal Pitra continua quand même ses recherches sur ce qu’il appelait la théologie symbolique et, à sa mort, il laissait, sur ce sujet inexploré, un amas de notes qui n’a jamais été mis en œuvre.

Du même Méliton, il avait donné un extrait — cette fois authentique — et huit autres assez douteux, dans le Spicilegium, t. ii, p. xxxvhi-lxiv, et il donnera un passage intéressant sur le baptême dans les Analecta sacra, t. ii, p. 3-5. Les pièces éditées aux t. i et îv du Spicilège sont souvent très courtes et d’auteurs secondaires. Quelques-unes, cependant, ont attiré l’attention des historiens du dogme, par exemple un fragment souvent cité désormais de Papias, t. i, p. 1-3, des traductions syriaques et arabes d’un Credo de saint Irénée, avec un prologue de Florus de Lyon ; de courtes pièces anonymes et qui sont encore sans maître, d’autres qui ont trouvé depuis le leur en saint Jérôme (t. i, p. 9-13) et en Théodore de Mopsueste (t. i, p. 49-159), et surtout des poèmes théoiogiques de trois auteurs latins des m, ve et vi c siècles : le Carmen apologeticum de Commodien (t. i, p. 20-49) ; trois poèmes in Exodum, in Josue, in Levilicum, que Pitra attribuait à Juvencus et qui sont d’un écrivain gallo-romain d’avant 450 (t. i, p. 171-258) ; des poésies de l’évêque africain Vérécundus, avec des commentaires sur les cantiques de l’Écriture, où l’on trouve des vues assez neuves sur le péché, la grâce, le purgatoire et les anges, et des notes du même sur Chalcédoine, où l’on entend un écho de la dispute des Trois-Chapitres. La dernière partie de ces tomes i et iv est remplie par les Antirrhetica du patriarche Nicéphore de Constant inople contre

les iconoclastes (t. i. p. 302-501, et t. iv, p. 233-415). Ce dernier volume du Spicilège se termine par les Monumenta ecclesiæ Constaniinopolitarue, recueils de canons sur la discipline ecclésiastique, monastique, pénitentielle ou liturgique.

La publication de ces documents canoniques de l’Eglise grecque par dom Pitra, qui avait été le fruit d’un long séjour studieux à Solesmes et à Ligugé (1853-1857), et la préparation d’une recension d’un ouvrage de Khalli sur le même sujet : Des canons et des collections canoniques de l’Église grecque (Syntagma canonum), 1858, ne seraient même pas à signaler dans ce dictionnaire, si elles n’avaient attiré sur lui l’attention de la cour romaine, et motivé son appel à Borne (1858), où il étudia les sources du droit oriental, son voyage d’information exceptionnellement heureux en Bussie et en Autriche (1859-18(50) et, finalement, sa nomination au cardinalat (1861).

III. Le cardinal.

Ce voyage en Bussie, accompli en habil monastique, dans des conditions extraordinaires et souvent pénibles, fut marqué par une abondante moisson de documents historiques sur le schisme grec, qui ne devaient jamais voir le jour ; ils confirmèrent le voyageur dans l’idée qu’il s’était faite à Borne que, jusqu’à Photius, l’Église grecque avait été étroitement unie à Borne, qu’elle conservait beaucoup de traditions catholiques et reviendrait quelque jour au centre de l’unité, qu’enfin sa séparation venait en grande partie de l’infiltration des principes du césarisme dans son droit canonique, et de la confusion finale des lois civiles et des lois ecclésiastiques dans le Nomocanon du pseudo-Photius. Les prémisses de cette moisson de documents parurent en 1864 et en 1808, à Borne, sous le titre : Juris ecclesiaslici Grœcorum historia et monumenta, 2 vol., Corpus juris presque complet auquel il faut toujours revenir pour l’étude du droit canonique grec. Sans vouloir donner même la simple liste de ces recueils, dont les plus importants étaient déjà publiés et furent seulement collationnés sur 77 manuscrits de Moscou, de Munich, de Vienne et de la bibliothèque Vaticane, remarquons la division des matières faite par l’éditeur : 1. le droit canonique primitif, résumé en des documents anonymes ou pseudonymes, aboutissant à la synthèse des Canons et constitutions dits apostoliques ; 2. une seconde période, qui s’étend de Constantin à Justinien, marque le progrès de la discipline ecclésiastique dans les grands conciles ; 3. du vie siècle au ixe siècle, codification des lettres disciplinaires des grands docteurs, à l’exclusion des décrétales des papes et du concile qui condamna Photius, et intrusion des lois impériales dans le Nomocanon. « Au point de vue de l’histoire théologique, écrit dom Cabrol, le cardinal arrivait à ces conclusions : la discipline des Grecs n’a pas eu cette immutabilité que revendiquent leurs historiens, et… les papes, bien loin d’être les ennemis de la discipline grecque, s’en sont montrés les plus constants défenseurs. »

Orienté désormais pour une douzaine d’années par Pie IX vers l’Église orientale, Pitra fit, en 1863, une brillante découverte, le secret de l’hymnogràphie grecque, et cette découverte annexa à ses travaux la masse des mélodes, ou hymnographes byzantins. Le cardinal a raconté comment, chez les dominicains de .Saint-Pétersbourg, un manuscrit grec où le texte d’un cantique était ponctué de points rouges, lui fit soupçonner dans ces hymnes, dont aucun critique n’avait encore percé le secret, des divisions symétriques en vers et en strophes ; on a raconté par ailleurs comment l’aide obscure d’un humble prêtre landais, l’abbé Pédegert, lui fit reconnaître le rythme de cette poésie ecclésiastique, basé exclusivement sur le nombre des syllabes et la place de l’accent. C’est l’acquis décisif de sa dissertation intitulée : Hymnographie de l’Église