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1MTRA (JEAN-BAPTISTE


méconnaissance de particularités dialectales du texte, et peut-être aussi quelques préoccupations dogmatiques, dont il faisait étal en lin d’article, lui avait Fait admettre une traduction fautive du premier vers :

Le céleste poisson. Ris de Dieu, du fond de son cœur sacré a rendu des oracles » ; il la corrigea en celle-ci :

Race céleste de l’Ichthys divin, fortifie ton cœur », et, renonçant à y voir une allusion au symbole de foi, lut d’autant plus fort pour signaler, dans cette première partie théologique, les allusions symboliques au baptême et à l’eucharistie, à la communion sous les deux espèces, à l’hostie reçue dans les mains : dans la deuxiène partie proprement funéraire, il notait justement l’affirmation de la vie future, de la communion des saints, de la prière pour les défunts. Quant aux autres suggestions de ce premier travail, où l’on sent, dit dom Cabrai, une exubérance d’imagination qui l’entraîne parfois au delà des bornes de la réalité ». il n’en paraît plus rien dans le Spicilegium Solesmense, t. i, p. 554-564, où il résume l’acquis de treize années de recherches sur le sujet. Mais, « avec son érudition très étendue », au t. m du Spicilège, p. 499-543, il ne crut pouvoir se dispenser d’entreprendre un nouveau travail sur le symbole du poisson et les textes de l’ancienne littérature chrétienne qui y avaient rapport ». On peut sourire avec dom Leclercq, Diclionr. d’arch. et de lit., t. vii, col. 1995, de le voir s’aventurer même chez les païens : Égyptiens et Assyriens, Juifs ( ?) et Syriens ; il y a pourtant dans ces fastidieuses énumérations un souci de probité et un essai méritoire de théologie symbolique, sur les données des docteurs grecs et latins, qu’on devait reprendre dans les discussions postérieures, sur le témoignage aussi des liturgies, qu’il est presque le seul à jeter dans le débat ; il laissait d’ailleurs une large place à De Rossi pour l’examen des

monuments chrétiens représentant r’I/O’Jç », ibid., p. 545-576.

L’Histoire de saint Léger et de V Église des Gaules au Plie siècle annonce par son titre que l’auteur ne s’en est pas tenu à une biographie de son personnage, mais qu’il a voulu « dessiner le fond de scène : la papauté, l’épiscopat, les monastères et les saints. » de cette époque difficile. Ce fond était un peu touffu, et l’historien moderne devrait y élaguer ; mais c’était une exploration en pays encore mal connus. » Peu de lectures sont mieux faites, dit dom C.abrol, pour initier à la connaissance de notre Moyen Age ecclésiastique. » La vie de l’évêque d’Autun, commencée dès 1840 par le professeur du petit séminaire, * fut reprise et recopiée jusqu’à cinq fois et achevée en 1846 par le moine de Solesmes.

1 1. Le moine. — En effet, 1 itra était entré définitivement à Solesmes le 8 septembre 1841, et y avait fait profession le 10 février 1843. Il se mit avec une parfaite humilité aux pratiques de la vie bénédictine et m’donna tout entier à son abbé, le célèbre dom Guéranger. Disons seulement ici comment les directives de ce maître, qui écrivait à dom Pitra : « Je ne suis pas un savant, mais un homme d’Église », imprimèrent aux premières recherches de son disciple une orientation toute théologique qu’elles perdront par la suite ; le jeune moine donna à L’auxiliaire catholique, la nouvelle revue patronnée par l’abbé de Solesmes, des articles sur la foi et la science, t. iii, 1846, p. 93 ; sur le protestantisme, t. ii, 1845. p. 287, et t. iv, 1816. p. 210 ; sur les Pères de l’Église et saint Ignace d’Antioche en particulier, 1845-1846. et de nombreuses recensions ; dans L’Univers, il publia des éludes sur saint Hilaire, docteur de l’Église, mai-juin 1851. sans parler de controverses liturgiques et d’essais historiques étrangers a ce dictionnaire.

Nommé en 1843 prieur du nouveau monastère de Saint -Germain, à Paris, il trouva dans l’exercice

de cette charge, si peu laite pour lui, une source d’épreuves sans nombre et sans fin. Du moins fut-il ainsi amené à Paris et signalé à l’abbé Migne, qui le chargea de réaliser cette œuvre gigantesque dont il lésait depuis longtemps : l’édition de tous les auteurs ecclésiastiques, latins et grecs, des douze premiers siècles. Il ne pouvait s’agir de rééditer d’après les manuscrits chacun de ces auteurs, mais de choisir les meilleures éditions anciennes et les dissertations les plus remarquables de Mabillon, Constant, Garnier, Basnage, Ballerini, etc. On soupçonne bien que l’abbé Migne n’avait aucune compétence en la matière, et que ses « abominables affiches » et ses impatiences faillirent le brouiller avec son collaborateur ; mais il faut redire que c’est dom Pitra seul qui dressa la liste des auteurs et de leurs éditions complètes, ainsi que des œuvres publiées à part ou découvertes postérieurement ; on peut même constater sur les papiers de ce dernier que, si l’abbé Migne avait suivi pas à pas le schéma que dom Pitra tenait à jour, il aurait évité bien des omissions, répétitions et désordres qu’on a justement reprochés à ses deux Patrologies. Pourtant, le docte bénédictin n’est pas tout à fait innocent des surcharges qu’on y remarque : diplômes, documents liturgiques, etc. Au début, il lit même une préface, une editio variorum pour Tertullien et saint Cyprien, et une édition du texte de Minucius Félix. Dans la suite, les événements douloureux qui marquèrent la chute du prieuré de Paris empêchèrent dom Pitra de fournir une collaboration aussi active à une collection qui paraissait à la cadence de vingt tomes par an.

En effet, pour réparer le désastre financier de Solesmes, l’ancien prieur de Saint-Germain entreprit une tournée de quêtes dans l’est de la France, en Suisse, en Angleterre, en Belgique et en Hollande, qui occupèrent presque sans arrêt les années 1845 à 1850. Cette besogne se doublait naturellement, pour lui, d’un voyage littéraire dans les principales bibliothèques de ces régions, et ses recherches de détail donnèrent naissance à des brochures d’histoire locale ou d’érudition, dont il suffira ici de donner les principaux titres : Lettre au P. Lacordaire sur le couvent d’Unterlinden, O. P., à Calmar, dans L’auxiliaire catholique, t. iv, 1846 ; Notre-Dame d’Ajflighem, dans L’Univers, décembre 1848 ; La Hollande catholique, 1850 : Études sur la collection des Actes des saints des PP. bollandistes, 1850 ; L’évêque Notger de Liège, dans Bulletin de l’Institut archéologique liégeois, 1851 ; Vie du P. Libermann, 1855.

C’est dans ces pérégrinations que lui vint la première idée du Spicilegium Solesmense, c’est-à-dire d’une collection de documents inédits. Dans les bibliothèques, en effet, son attention fut attirée d’emblée vers les manuscrits des Pères de l’Église et des historiens monastiques : avant d’entreprendre un nouveau voyage, il dressait hâtivement, à Solesmes, une liste des manuscrits patristiques ou liturgiques, et des cartulaires qu’il allait avoir sous les yeux et, arrivé dans les dépôts, fussent-ils mal classés, il avait vite fait de trouver les documents espérés et d’autres qu’il ne cherchait pas, avec un flair de l’inédit qui découragera ceux qui voudront glaner sur ses traces : c’est qu’il avait présentes à son impeccable mémoire toutes les pages du Conspectus qu’il avait dressé pour les Patrologies de Migne. Avec plus de facilité encore, et avec un enthousiasme toujours renouvelé, qui s’exprimait parfois en des pages d’un romantisme exubérant, il rendait compte à ses amis ou au ministre de l’Instruction publique (Archives des missions scientifiques, 1850 et 1856) de ses découvertes dans les bibliothèques de Hollande et des jansénistes d’Utrecht, dans celles du British Muséum et de M. Phillips. Ces deux pays lui livrèrent un grand nombre de pièces qu’il réservait