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2225 PISTOIE (SYNODE DE). APRÈS LA BULLK A.UCTOREM FIDEI » 2226

condamne pas les propositions en elles-mêmes, ni dans leur sens propre, mais relativement à des sens imaginaires qu’on leur attribue. On laisse les vérités qu’elles expriment, pour y condamner les erreurs qu’elles n’expriment pas ». Tout le clergé, par l’organe du chapitre d’Utrecht, renouvelle son acte d’adhésion au synode de Pistoie.

5° Les « Nouvelles ecclésiastiques ». — Comme il fallait s’y attendre, après les éloges dont elles ont comblé le synode de Pistoie, les Nouvelles ecclésiastiques se montrent particulièrement violentes contre la bulle (28 janv.-ll févr. 1796, p. 5-12). Ne pouvant reprocher à la bulle les censures in globo qu’on avait tant critiquées dans la bulle Unigenitus, on accuse la nouvelle bulle « de manq’uer de justice et d’impartialité », car elle condamne « des sentiments qui ne se trouvent pas dans les propositions auxquelles on les attribue et qui sont même quelquefois si manifestement contraires qu’on est révolté de cette attribution… » Ainsi, « en voulant éviter des censures vagues et indéterminées, on est tombé dans un autre défaut, beaucoup plus grand, celui des censures captieuses, malicieuses et frauduleuses. On y a été entraîné par la haine qu’on avait conçue contre un synode, qui a osé contredire des maximes et réformer des abus que le cour de Rome chérit et protège. On est surpris de voir un pape s’abaisser jusqu'à entrer dans des explications pour justifier ses censures », et condamner une assemblée, « qui est un modèle parfait de la manière dont les pasteurs du premier et du second degré doivent se concerter et s’unir entre eux pour procurer le succès de leur commun ministère ». Les Nouvelles ecclésiastiques critiquent tout particulièrement le préambule et le dispositif de la bulle, et laissent à un grand canoniste le soin de discuter le détail des propositions condamnées.

Le canoniste Le Plat.

Du 1° mai au 28 août 1 795,

Le Plat, canoniste de Louvain, et protégé de Joseph II, publia vingt lettres qui furent éditées en 1796, sous le titre : « Lettres d’un théologien-canoniste à N. S. P. le pape Pie VI, au sujet de la bulle « Auclorem fidei », portant condamnation d’un grand nombre de propositions tirées du synode de Pistoie de l’an 1786, 2 vol. in-12, Bruxelles, 1796 (Nouvelles ecclésiastiques du 7 oct.-4 déc. 1796, p. 77-94). Les vingt Lettres examinent, en détail, chacune des 85 propositions condamnées et veulent justifier la doctrine de Pistoie, en s’appuyant sur l'Écriture et la tradition ; elles attaquent « sur le ton le plus haut et le plus amer la doctrine des curialistes ». « On semble, écrit Picot (Mémoires, t. vi, p. 411) y avoir pris à tâche d’imiter les juifs qui saluèrent le Fils de Dieu, en le chargeant de soufflets, car, en même temps que l’auteur demande au pape sa bénédiction, avec les formules du respect, il le traite d’aveugle, d’ignorant, d’homme en délire, d’imposteur, de calomniateur, d’hérétique… »

Le Plat insiste en particulier sur le droit des curés à être les juges de la foi avec les évêques : il cite avec éloge le livre célèbre de Maultrot, publié en 1778 : Institution divine des curés et leur droit au gouvernement de l'Église, et pour prouver la thèse presbytérienne de Richer, il écrit (lettre vie) : « Tandis que les prêtres sont chargés de la prédication, de l’instruction et de l’administration du sacrement de pénitence, fonctions sacrées qu’ils ne peuvent remplir sans juger de la foi (?), on ose leur contester une qualité qu’on accorde libéra’ement aux inquisiteurs, aux juges de l’horrible tribunal de l’inquisition, qui ne sont tout au plus que des moines et de simples prêtres, avec le droit de faire brûler impitoyablement ceux dont ils croient les sentiments erronés. La preuve qu’ils le font, comme juges de la foi, et après avoir jugé de la foi, c’est que leurs exécutions barbares, qui révoltent la religion

autant que la nature, s’appellent des Actes de foi : Auto-da-je. »

Le théologien-canoniste reproche à la bulle d’embrasser la doctrine de Molina contre celle d’Augustin, et de faire, sans cesse, « de mauvaises querelles > au synode de Pistoie, afin de pouvoir censurer les propositions les plus innocentes ; il attaque très vivement les thèses adoptées par la bulle, au sujet des réguliers, « cette milice, qui est aux ordres de la cour de Rome, au sein même et aux frais de chaque État, capable d’y exciter des troubles, des révoltes et des séditions ». Tout au contraire, il prend la défense de l'Église d’I Irecht contre les curialistes, qui « veulent dominer sur cette portion de l’héritage du Seigneur et la réduire à un asservissement total ; ils prétendent, malgré toute l'évidence des faits, des raisonnements et des autorités, que l'épiscopat y est éteint, et que les évêques choisis par son clergé sont des intrus et des schismatiques ; ils refusent de communiquer avec eux, les traitant de rebelles, et lançant contre eux des brefs et des bulles d’excommunication, dans la vue de priver les fidèles catholiques des Provinces-Unies de leurs évêques propres et de les soumettre à l’usurpation de la cour de Rome, à l’autorité d’un pasteur mercenaire, étranger et amovible, qu’on leur envoie sous le titre de nonce, et qui prétend gouverner ce troupeau, sans faire auprès de lui sa résidence.

Et le bon théologien, en finissant sa xxe lettre, demande au pape, en récompense des faibles efforts de son zèle pour lui faire voir les abus de la bulle, « sa bénédiction apostolique pour l’auteur qui se glorifie d'être avec un respect inviolable pour sa personne sacrée et pour le siège si vénérable, son très dévoué serviteur et fils en Jésus-Christ ».

L’attitude de Ricci.

Dès la publication de la

bulle, qui condamnait sa doctrine et celle du synode de Pistoie, Ricci se mit à étudier la bulle, afin de prendre une décision. « Il trouva, dit son biographe, que les propositions n'étaient censurées qu’hypothétiquement (quatenus, sic intellecta) ; les propositions étaient toutes ou mal entendues ou tronquées…, il fut convaincu qu’il n’avait jamais cru ou enseigné » ce qui était condamné par la bulle. Il ne pouvait pas se défendre publiquement et il devait consentir « à passer pour un hérétique des plus dangereux » ; mais il voulut se justifier à ses propres yeux et aux yeux de la postérité. « Il se contenta de confier au papier ses réflexions sur chacune des propositions condamnées, afin de prouver la conformité de ses sentiments avec les décisions pontificales. » Histoire (ms.) du synode de Pistoie, p. 167-234, citée par De Potter, op. cit., t. iii, p. 8-10. Ricci était plongé dans ces réflexions, lorsque les troupes françaises envahirent la Toscane, et De Potter fait remarquer qu’elles protégèrent tout naturellement Ricci, dont le synode avait préparé les voies à la constitution civile du clergé. Ricci vint alors habiter Florence, mais, lorsque les Français, vaincus en Allemagne et dans la HauteItalie, abandonnèrent la Toscane, Ricci fut emprisonné, le Il juillet 1799, par les arétins, insurgés, au nom de la Madone, contre les léopoldistes, accusés de trahison. De Potter, ibid., t. iii, p. 16-25, et abbé X…, Vie (ms.) de Mgr de Ricci, p. 358-369. Ricci écrivit alors à l’archevêque de Florence, Mgr Martini, pour lui faire connaître sa situation. L’archevêque vint le voir dans sa prison, lui apprit qu’on l’avait arrêté à cause de sa coopération aux réformes religieuses de Léopold et lui conseilla de se soumettre tout d’abord à la bulle Auclorem, afin de réparer le scandale qu’avait donné le synode de Pistoie ; l’archevêque lui reprocha, en outre, la décision qu’il avait fournie sur le serment de fidélité à la constitution civile du clergé, ses relations avec l'Église d’Utrecht et sa correspondance avec des ecclésiastiques nova-