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PISTGIE (SYNODE DE). DÉCRETS, LA FOI

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annonça à l’assemblée réunie le sujet des constitutions synodales. Les articles ainsi annoncés étaient affichés dans un endroit visible et accessible à tous, afin qu’on pût les relire, en prendre copie et faire des observations.

Deux congrégations fuient établies à la fin de la première session ; elles étaient composées, chacune, de vingt-quatre curés et d’un certain nombre de théologiens et de canonistes synodaux, dont la plupart, étrangers au diocèse de Pistoie, étaient des amis de Ricci. Le plus célèbre était le professeur Tamburini, promoteur du synode, dont les idées étaient fort connues ; avec lui, il y avait Vecchi, Guarisd, Palmieri, et, dit. Picot, « on prétend que, pour mieux s’assurer des suffrages, Ricci fit écarter ou emprisonner les prêtres de son clergé dont il pouvait craindre l’opposition ». Dans les congrégations, on discutait les articles, on recevait les avis de chaque curé et ceux des autres membres de l’assemblée, communiqués par écrit, et, après discussion, on rédigeait les décrets. Ces décrets, ainsi établis, étaient portés à la prochaine session, en pleine assemblée, et ils étaient lus en public, lentement et avec des arrêts, ils étaient enfin approuvés par le synode qui les signait. Ainsi chaque article était discuté. S’il restait des difficultés soulevées par quelques membres du synode, ceux-ci pouvaient s’abstenir de les signer et donner par écrit les raisons de leurs doutes. Les décrets étaient soumis à un nouvel examen dans la congrégation, qui en rendait compte à l’assemblée plénière. Cette méthode rendait très rares les cas de discussion et le nombre des dissidents se réduisit à 3 ou 4 sur 240 votants. La règle constante fut de donner satisfaction à tous en modifiant au besoin les décrets. Cela se passa pour la question du mariage : on y fit des modifications, bien que les décrets eussent déjà été souscrits par presque tous les votants. Le prince manifesta à l'évêque et au synode ses plus grands éloges et les curés « se séparèrent du prélat pour retourner à leur peuple, avec un torrent de larmes, dont furent témoins les peuples nombreux accourus à la cathédrale pour voir l’achèvement de cette œuvre qui formait l’objet de l’attente publique ». Isloria dell' assemblea degli arcivescovie vescovi délia Toscana, t. i, p. 8-11.

Dès la i re session, le nombre des membres s'éleva à 234, comprenant 171 curés, 14 chapelains curés, 14 chanoines, 22 prêtres séculiers et 13 réguliers. Le nombre des assistants varia peu : 242 à la iiie session, '244 à la ive, 246 à la ve et 244 à la vie. A la première séance, le P. Jean-Guillaume Bartoli, prieur du SaintKsprit, prononça un discours où l’on trouve résumées les idées essentielles qu’allait adopter le synode : Depuis deux siècles, on a imposé à l'Église une doctrine contraire au dogme et à la morale, parce qu’on a oublié les enseignements du grand docteur de l'Église, saint Augustin. Les dogmes les plus saints de la religion, en particulier celui de la grâce, ont été attaqués et remplacés par des doctrines toutes nouvelles. Les pharisiens (les jésuites) ont établi des chaires pour enseigner le molinisme et la casuistique, qui ont détruit les fondements mêmes du dogme et de la morale. Le « saint » concile de Pistoie va rappeler la tradition et tous les yeux sont tournés vers lui ; on attend qu’il proclame la vraie doctrine méconnue : il va rappeler que l'Église est composée des seuls élus, qu’aucune grâce n’est accordée hors de l’Eglise, puisque la première grâce est la foi. que les curés sont les juges de la foi, comme les évoques, et que les évêques doivent être rétablis dans leurs pouvoirs, usurpés par l'évêque do Rome. La puissance de Rome, indépendante et illimitée, est née de l’ignorance et a été nourrie par le faste, l’adulation et l’intérêt ; les évêques ont, en particulier, le droit d’accorder des dispenses de mariages. La vraie

doctrine, d’ailleurs, a été conservée et on la trouve exposée dans des livres que l’orateur conseille et qne le synode recommandera à son tour. Remarquons qu’ils avaient presque tous été déjà condamnés par l’Index : le Catéchisme de Colbert, la liible de Sacy, l’Année chrétienne de Le Tourneux, les Réflexions morales de Quesnel, Y Exposition de la doctrine chrétienne de Mésenguy, la Théologie morale de Tamburini, la Dévotion réglée de Muratori, ['Histoire ecclésiastique de Bonaventure Racine. Le discours de Bartoli occupa toute la re session.

La seconde se tint, le même jour, 18 septembre, à I heures du soir. Les membres du synade, revêtus du surplis et portant l'étole, se retreuvèrentet entendirent la lecture des 57 points, qui avaient été envoyés par le grand-duc aux évêques toscans, pour leur proposer une réforme générale des diocèses. Les réponses des évêques n'étaient pas encore parvenues à Florence ; elles n’y arriveraient qu’un peu plus tard et, d’ailleurs, elles furent si différentes les unes des autres, que le grand-duc devrait réunir les archevêques et évêques avant de les présenter à un concile national. Mais le premier point insistait précisément sur la nécessité des synodes diocésains et les autres points étaient, dans leur ensemble, si conformes au programme que Ricci voulait faire approuver par son synode qu’il était tout naturel de faire lire ce projet dès le début de l’assemblée. C’en était la préface, et la volonté, exprimée par le souverain dès la iie session, devant les membres du synode, serait fort utile pour obtenir l’unanimité des suffrages. Ainsi le synode se trouvait en face d’un programme tout préparé par le grand-duc et par Ricci, son inspirateur. Celui-ci, d’ailleurs, avait déjà exécuté, dans son diocèse, des réformes que le synode n’avait qu'à sanctionner et, par ses nombreuses lettres, avait déjà préparé les esprits à accueillir les idées qu’il voulait répandre. Tout était bien préparé, et les 57 points de Pierre-Léopold furent applaudis par la quasi-unanimité des membres du synode.

II. les décrets du SYNODE.

C’est seulement à la iiie session, tenue le mercredi 20 septembre, que les membres du synode devinrent vraiment actifs et abordèrent les questions pour lesquelles ils avaient été convoqués.

Il est utile d’analyser en détail les Actes du synode de Pistoie, car les décrets de ce synode, mieux que tous les autres documents de l'époque, groupent et mettent en relief les thèses fondamentales du jansénisme. Ces thèses sont dispersées en des milliers d'écrits publiés pendant plus de cent cinquante ans par de très nombreux auteurs, dont quelques-uns eurent des idées toutes personnelles qu’il ne serait pas juste d’incorporer dans le jansénisme lui-même. De plus, dans la doctrine, il y a eu une certaine évolution ; des thèses ont été abandonnées qui avaient d’abord paru fondamentales. Le synode de Pistoie tenu à la fin de cette évolution a, semble-t-il, recueilli les vraies thèses jansénistes, celles qui doivent caractériser cette doctrine : c’est pourquoi il a paru nécessaire de les souligner et, pour cela, d’en indiquer toutes les nuances afin qu’on puisse bien comprendre les condamnations portées par la bulle Auctorem ftdei.

Le 20 septembre, après le discours de l'évêque à ses « vénérables coopérateurs et frères dans le sacerdoee «  (consacerdotes), le synode aborde les questions capitales de la foi et de la grâce.

La foi.

Le synode préconise la foi. « cette

vertu si excellente, par laquelle commence l’admirable enchaînement des grâces qui nous conduisent à Dieu, la première voix qui nous appelle au salut et à l'Église ; elle doit être le premier fondement sur lequel s'établissent les enseignements et les décrets de cette assemblée » ( S 1). C'était affirmer que la foi est la première