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PIGNANO (FRANÇOIS DE)


Francisais de Esculo et son lilre honorifique Doctor succinctus se lisent sur l’inscription d’une fresque au couvent des frères mineurs de Bolzano.

François de Pignano s’est illustre par la part considérable qu’il a prise, à côté de Michel de Césène, Guillaume d’Occam et Bonagratia de Bergame, dans la lutte pour la pauvreté. En 1322, il souscrivit le manifeste adressé à tous les catholiques, au chapitre général de Pérouse, dans lequel on déclara irréfutable, exempte de toute hérésie et conforme à l’enseignement de l’Église, l’assertion, selon laquelle le Christ et les apôtres n’ont eu, ni personnellement ni en commun, aucune propriété ni fief.

Jean XXII cassa cette déclaration en rendant aux frères mineurs, par la décrétale Ad conditorem canonum du 8 décembre’1322, le droit de posséder leurs biens, droit qu’Innocent IV avait réservé au Saint-Siège. Cela ne servit qu’à bouleverser l’ordre. On vit le procureur de l’ordre, Bonagratia de Bergame, dans un consistoire public à Avignon, le 14 janvier 1323, faire appel au nom de l’ordre contre cette décrétale. Le pape le fit jeter en prison et publia, le 12 novembre 1323, une nouvelle décrétale Quum inter nonnullos, dans laquelle il déclarait hérétique la proposition que le Christ et les apôtres n’avaient eu ni propriété personnelle ni propriété commune, ni le droit d’aliéner ce qui était à leur disposition. Quelques spirituels passèrent au parti de Louis de Bavière, qui soutint leur cause contre le pape et se constitua le champion de la doctrine de la pauvreté évangélique. Quand Louis de Bavière, excommunié déjà plusieurs fois, marcha, en 1327, sur Rome, Michel de Césène, alors général de l’ordre, fut convoqué d’urgence à Avignon à la cour papale. Jean XXII, qui connaissait les négociations secrètes qu’il entretenait avec Louis de Bavière, lui défendit de quitter la cour et, dans le consistoire du 9 avril 1328, le déclara hérétique pour avoir soutenu et défendu au chapitre général de Pérouse la pauvreté évangélique absolue du Christ et des apôtres. Revenu au couvent d’Avignon, Michel de Césène rédigea une protestation à l’adresse du pape, que signèrent également ses amis et adhérents, Guillaume Ociam, Bonagratia et François de Pignano. Six semaines après, ces quatre frères mineurs s’enfuirent d’Avignon et par Aiguesmortes gagnèrent par mer l’Italie. Le 9 juin, ils arrivèrent à Pise, à la cour de Louis de Bavière, d’où probablement ils lancèrent en public leur protestation contre les procédés de Jean XXII. Le 6 juin de la même année, avant d’arriver à Pise, les quatre fugitifs furent excommuniés et déposés par le pape.

Chassé de Borne, Louis de Bavière vint rejoindre à Pise, le 21 septembre 1328, les frères mineurs fugitifs, qui entamèrent aussitôt une guerre acharnée de plumes contre Jean XXII, le déclarèrent hérétique et firent appel à un concile général. Le 19 février 1329, le pape fut une fois de plus excommunié et déposé ; cela fait, il fut condamné en qualité d’hérétique, livré au bras séculier et brûlé en effigie sur les places de Pise. Le jeudi saint 1329, Jean XXII publia de nouvelles condamnations contre Michel de Césène et les autres fugitifs et, le 16 novembre de la même année, survint une autre bulle plus impérieuse et plus longue : Quia vir reprobus, dirigée encore contre Michel de Césène et ses adhérents, parmi lesquels François de Pignano.

Entre temps, à la fin de mars ou au début d’avril 1329, Louis de Bavière et les frères mineurs fugitifs quittèrent Pise et se dirigèrent vers le Nord. Au chapitre général tenu à Paris, au cours de la même année, Guiral Ot fut élu général. Les adhérents de Michel de Césène, François de Pignano, O.cam, Bonagratia et Henri de Kelheim rédigèrent une protes tation contre celle élection et la déclarèrent invalide, parce que la moitié des provinciaux avaient été exclus du chapitre général. L’impossibilité de continuer la guerre en Italie et l’état de l’Allemagne déterminèrent Louis de Bavière à repasser les Alpes et à se fixer à Munich. Les frères mineurs fugitifs l’y suivirent. C’est de Munich que François de Pignano lança sa protestation contre la bulle Quia vir reprobus, intitulée : Improbatio contra HbellumDominiJohannis, qui incipil « Quia vir reprobus i et conservée dans le ms..S’. Croce, Plut, 31, sin. j, fol. 1-63, de la bibliothèque Laurentienne de Florence. A Heysse en a publié le prologue. Descriptio eodicis bibliothecæ Laurenlianæ Florentin » S. Crucis, Plut. 31. sin. -3, dans Arch. francise, histor., t. xi, 1918, p. 254. Cet écrit constitue une réfutation continue de la bulle Quia vir reprobus, divisée en 46 parties et fondée sur les textes de l’Écriture sainte, des saints Pères et du droit canonique ; Jean XXII y est qualifié des épithètes les plus injurieuses. Il doit avoir été composé entre le 16 novembre 1329, date de la bulle Quia vir reprobus, et le 24 janvier 1331, date de la lettre de Michel de Césène, dans laquelle la protestation de François de Pignano est citée.

En 1341, François de Pignano, tombé dans les mains de l’inquisition en Italie, aurait confessé et rétracté toutes ses erreurs dans une profession de foi et se serait réconcilié entièrement avec l’Église et l’ordre. La formule de profession employée par François de Pignano (reproduite par L. Wadding, Annales minorum, t. vii, Quaracchi, 1932, an. 1344, n. vii, p. 371-372) aurait servi de modèle dans la suite pour tous les dissidents et michaélistes repentants. Notons toutefois qu’à rencontre de Décima L. Douie. The nature and the efject of the heresy oj the fraticelli. Manchester, 1932, p. 195, qui place la réconciliation de François de Pignano en 1341, tous les autres auteurs la font dater de 1344, à l’exception de A. Heysse (art. cité, p. 255), qui donne l’année 1343. La date fournie par Décima L. Douie semble cependant s’appuyer sur les données historiques, vu qu’elle cite un fragment du procès de François de Pignano. qui eut lieu, le 6 février 1341, devant le cardinal de Sainte-Sabine.

François de Pignano est l’auteur d’un Commentarium in quatuor libros Senientiarum, qui n’est pas resté sans influence sur les théologiens eontemporains, dont le plus grand nombre s’insurgent contre les théories, qui y sont défendues. Parmi eux se distinguent les carmes Paul de Pérouse et Jean Brammart (cf. B. M. Xiberta, O. carm., De scriptoribus scholasticis sseculi xiv exordine carmelitarum dans Bibliothèque de la « Revue d’histoire ecclésiastique », fasc. 6, Louvain, 1931, p. 298, 308, 430 et 431) et surtout l’augustin Alphonse Vargas de Tolède (cf. J. Kurzinger, Alfonsus Vargas Tolelanus und seine theologische Einleitunqslehrc, dans les Beitrâge de Bâumker, t.xxii, fasc. 5-6, Munster-en-W., 1930, p. 59, 86, 141 sq.. 145, 158, 162 sq.). Quelques théologiens, cependant, ont repris aussi la doctrine de François de Pignano, ainsi Jean Canon, O. F. M. Voir L. Wadding, Annales minorum, t. vi, Quaracchi, 1931, an. 1308, n. lxvi. p. 154. D’après le cardinal Fr. Ehrle, Der Sen’enzenkommentar Peters von Candia, dans Franziskanisehe Studien, suppl. 9, Munster-en-W., 1925, p. 253-254, ce commentaire serait contenu : dans le ms. VII, C, 27 (xiv c s.) de la bibliothèque nationale de Naples (un commentaire sur le I er livre et un commentaire différent du précédent sur les trois premiers livres) ; le lat. 15 805, fol. 89 sq. (xive s.) de la Bibliothèque nationale de Paris (1. III) ; le lat. 15 8 52 (xi’v c s.) de la même bibliothèque (les quatre livres) ; le Vat. lat. lOiJG (xiv s.), fol. 1 sq. (1. I) ; fol. 119 sq. (1. II) ; le Vat. lat. 6738, écrit en 1357 (1. II) ; le ms. 2257 de la