Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/332

Cette page n’a pas encore été corrigée
2099
2100
PIC III (ALBERT). POSITION DOCTRINALE


l’argument des 10 livres et l’index alphabétique non foliotés. L’ouvrage est tout spécialement dirigé contre la doctrine de Calvin, qu’il caractérise comme un véritable fatalisme. Cette dcctrine est contraire à la bonté divine, 1. 1 ; elle est en opposition avec la tradition de l’Église catholique qui a toujours défendu le libre arbitre. L. II. Les novateurs se réclament de saint Augustin : l’analyse de sa pensée montre bien que c’est là une grave erreur et qu’Augustin est d’accord avec l’ensemble de la tradition. L. III. A plus forte raison est-il facile de montrer que les textes script maires invoqués par les novateurs n’ont pas le sens qu’ils leurs prêtent. L. IV. Pourtant, il s’agit de trouver un moyen terme entre les erreurs qui suppriment la liberté humaine et celles qui nient la nécessité de la grâce divine. L. V. Mais ceci ne se rencontre pas dans la doctrine des protestants sur la grâce et la manière dont elle opère en nous, f. VI, pas plus que dans les explications qu’elle fournit de la prescience divine, de la prédestination et de la providence ; ces explications, outre qu’elles sont déraisonnables, blasphèment la souveraine bonté de Dieu. L. VII. C’est au 1. VIII qu’il faut chercher la pensée personnelle de Pighi, lequel ne voit guère, dans le grave problème qu’il traite, que le point de vue de la liberté humaine et oublie un peu le souverain domaine de Dieu sur ses créatures. Tel qu’il se le représente, Dieu n’est guère que le témoin, par sa prescience, des résultats auxquels parvient le libre arbitre de l’homme, et la prédestination n’est en définitive qu’une vision anticipée des événements. Pighi se rend d’ailleurs bien compte que, sur ce point, il se sépare de la pensée augustinienne, il en prend allègrement son parti. Voir en particulier le c. n. Le 1. IX est consacré à la discussion des textes script uraires que peuvent revendiquer en leur faveur les tenants de la prédestination ante prœvisa mérita ; une exégèse, parfois laborieuse, en atténue la portée. Le dernier livre enfin s’applique à résoudre les difficultés que l’on peut faire à la doctrine proposée et à fournir une explication adéquate de la volonté salvifique universelle.

Cette analyse montre comment Pighi, ici encore, a pris l’exact contre-pied de la formule protestante. Il semble prendre plaisir à se placerjuste aux antipodes de cette doctrine ; il ne serait pas difficile de trouver dans ce molinisme anticipé et sans nuances des points de contact avec le nélagianisme.

6° Apologia Alberti Pighii Campensis adversus Martini Buceri calumnias, quas et solidis argurnentis et darissimis ralionibus confutat. Paris, 1543, petit in-12, folioté 1-76 ( sans compter une courte Vie de Pighi, par Jean Gunther et la petite préface de Pighi), Mayence, 1513 : annexé aussi à l’édition des Controverses de Paris, 1543. Ce petit livre, publié peu après la mort de l’auteur, continue la polémique avec Bucer, antérieurement commencée. Au lendemain du colloque de Ratisbonne, le réformateur avait publié, des conversations qui avaient eu lieu, un récit que les catholiques jugèrent peu sincère, et dans lequel il rejetait sur ces derniers la cause de l’échec. C’est à quoi Pighi avait opposé son livre Ratio componendorum dissidiorum. Bucer répliqua en écrivant De vera Ecclesiarum in doclrina, cœremoniis et disciplina reconciliatione et compositione, où il prenait très vivement à partie, et de manière tout à fait personnelle, le théologien néerlandais. Sur un ton assez vif, Pighi relève les assertions de son adversaire : plus encore que dans ses ouvrages précédents, il met l’accent sur ce qui sépare désormais protestants et catholiques : le concept de l’autorité de l’Église en matière de doctrine et de pratiques extérieures. Rien de bien nouveau, en somme, et toute l’argumentation se trouvait déjà dans la Hiérarchie et dans les Controverses.

DICT. DE TIIÉOL. CATIIOL.

Lettres.

Dans les Epistolarum ab illuslribus et

claris viris scriplarum cenluriæ très, Harling, 1669, S. —A. Gabbema a publié trois lettres de Pighi adressées au prieur de la chartreuse de Cologne ; elles sont toutes trois relatives à des ouvrages en cours de préparation. Epist., xiii, p. 31 (réponse au roi d’Angleterre, et Ilepl àpycov, cf. ci-dessus, col. 2097) ; xiv, p. 33 (sur le Ratio componendorum dissidiorum) ; lxxi, p. 177 (même sujet). — Dans les Regesten und Briefe des Cardinals G. Conlarini, Braunsberg, 1881, Fr. Dittrich donne quelques documents beaucoup plus précieux : appendice, n. 11, p. 381 sq., lettre de Pighi à Contarini, lui expliquant sa position relativement au péché originel ; n. 14, p. 387, du même au même, sur la justification (ces deux lettres, ou plutôt ces deux mémoires répondent aux observations faites par Contarini, voir ibid., Inedita, n. 88, p. 349). — En 1902, W. Friedensburg a donné dans la Zeilschrift fur Kirchengeschichte, t. xxiii, p. 110-155, une vingtaine de lettres de Pighi avec quelques-unes qui lui sont adressées : Beilrage zum Briefwechsel der katholischen Gelehrten Deutschlands im Re/ormationszeitalter ; la plupart sont de l’époque des colloques de Worms et de Ratisbonne et relatives à l’impression du livre des Controverses ; la plus importante nous paraît celle qui est écrite à Cervini pour défendre le recez de la diète de Ratisbonne et ses desiderata concernant la tenue, en Allemagne, d’un grand concile, n. 257, p. 145-152.

Ouvrages perdus.

Plusieurs des lettres signalées

font allusion à des ouvrages composés par Pighi et qui n’ont pas encore été retrouvés. La lettre à Paul III (Friedensburg, n. 241, p. 114) parle explicitement de deux courts traités contre Henri VIII. Le premier répondant à un libelle violent du roi d’Angleterre contre l’autorité pontificale, et l’autre défendant, à rencontre des décisions de sept universités, la valK dite du premier mariage d’Henri avec Catherine d’Aragon. Ces deux ouvrages sont également signalés par Contarini comme ayant été envoyés à la curie en manuscrit. Voir Regesten, Inedita, n. 27, p. 294. Ils ne semblent pas avoir jamais été imprimés.

III. Position doctrinale.

Dans le t. ix de la Conciliengeschichte de Hefele, continuée par Hergenrôther, Fribourg-en-B., 1890, se lit, p. 936-938, un § 1032 intitulé : Der Semilutheranismus. Pighe und Gropper (très résumé dans la traduction Leclercq). Ce développement tend à montrer que, sur divers points, Pighi et Gropper, son disciple, sont entrés, par désir de la paix religieuse, dans la voie des concessions à l’endroit du protestantisme. Et il se réfère à la doctrine de la « double justice » présentée par eux au colloque de Ratisbonne et acceptée par les réformateurs.

Rien n’est plus inexact que cette caractéristique, qui tendrait à faire du théologien néerlandais un « concessionniste ». C’est bien plutôt le contraire qui est vrai. Sur l’ensemble de la théologie, Pighi s’est résolument établi aux antipodes de la pensée protestante.

Il l’est sur ce qui fait le fond même de la grande hérésie du xvie siècle : la notion de l’Église, de son autorité en matière doctrinale et pratique. Nous l’avons vu en analysant ses ouvrages ; il n’en est pas un, depuis l’énorme Hierarchia jusqu’à l’Apologia (œuvre posthume), qui ne dise, avec la même raideur que Bossuet : « Un hérétique est celui qui (dans les matières définies) a une opinion. » Et si la Réforme est avant tout une protestation, une révolte contre l’autorité de l’Église et du pape qui en est, si l’on peut dire, l’incarnation, il n’est pas d’écrivain plus antiprotestant, plus antiluthérien que Pighi.

Une autre caractéristique de la Béformc, c’est l’exaltation, poussée jusqu’à la caricature, des doc T. — XII — (17