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l’I ETISM E. ACTION DE SPENER

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n’est pas seulement pour croire au Christ, mais pour vivre dans le Christ et le Christ en nous, en sorti’que la véritable pénitence jaillisse du tond même de notre cœur, que notre cœur, notre sens, notre esprit soient changés, que nous devenions conformes au Christ et au saint Evangile, car. par la parole de Dieu, nous devons chaque jour être transformés en de nouvelles créatures. »

lit encore : » Beaucoup s’imaginent que la théologie est une simple science et un art verbal, alors qu’elle est une expérience vivante et une action da sic doch eine lebendige Erfahrung und Uebung ist. »  » Chacun s’applique maintenant à devenir grand et célèbre dans le monde, mais personne ne veut apprendre à être pieux. Chacun cherche à approcher les savants dorjt il pourra apprendre l’art, les langues et la sagesse, mais personne ne veut apprendre de notre unique docteur, Jésus-Christ, la douceur et l’humilité intérieure, alors que son saint et vivant exemple °st en vérité la règle et la norme de notre vie. Chacun accepte volontiers d’être disciple du Christ, mais personne ne veut être imitateur du Christ. Il dit pourtant (Joa., xii, 26) : « Que celui qui veut être mon disciple nie suive. « Un véritable disciple et amant de Jésus doit donc être aussi un imitateur de Jésus. Celui quiaime Jésus doit aimer aussi l’exemple de sa vie sainte, de son humilité, de sa patience, de sa croix, de ses opprobres et de son abjection, même si la chair en souffre. »

Le catholique trouvera sans peine ici l’accent de l’Imitation de Jésus-Christ. Mais il ne devra pas oublier que cette mystique luthérienne, tout en parlant le langage de la mystique catholique, demeure entièrement fidèle au dogme de la « Confession d’Augsbourg » et garde tous les traits essentiels du luthéranisme : l’horreur de la papauté, l’appel à la Bible seule, la justification par la foi-confiance.

II. Le piétisme de Spener.

Si l’esprit du piétisme se trouve déjà chez Jean Arndt, le véritable fondateur du mouvement piéliste, en tant que tel. reste Philippe-Jacques Spener.

Ce personnage était Alsacien. Il naquit, le 13(25)janviers H135, à Ribeauvillé, dans une maison située à côté du presbytère protestant et aujourd’hui transformée en hospice. Son père avait été précepteur des enfants du comte de Ribeaupierre et restait archiviste du château. Il eut pour marraine la comtesse Agathe de Ribeaupierre, qui exerça sur sa première enfance une profonde influence. Il raconte lui-même qu’il dut les premières étincelles du « vrai christianisme » au chapelain du château, Joachim Stoll. Une de ses premières ïectures fut celle de l’ouvrage d’Arndt, qui était en passe de devenir, pour les luthériens pieux, ce qu’est pour nous l’Imitation. Il y a donc une filiation très certaine et très étroite entre Spener et Arndt. Mais il est curieux de remarquer d’autre part que les lectures préférées du jeune Spener étaient, avec Arndt. les ouvrages, traduits de l’anglais, des auteurs puritains Sonthom, Bayly et, plus tard, Dyke et Baxter. Ce dernier nom est particulièrement significatif et montre fort bien la parenté intime du piétisme et du puritanisme. Richard Baxter (1615-1091) avait adouci le prédestinianisme de Calvin et avait écrit de nombreux ouvrages dont se nourrit encore la piété anglicane. La jeunesse de Spener fut admirablement pieuse et pure. II devait signaler plus tard comme le plus grand péché de son enfance le fait de s’être laissé entraîner, vers l’âge de 12 ans, à une sauterie improvisée. Après ses premières études au château de Ribeaupierre et au gymnase de Colmar, Spener entra à l’université de Strasbourg. Il y reçut les leçons de Sébastien Schmidt, remarquable professeur d’exégèse, et surtout de Dannhaucr, qui le mit en contact avec les écrits de Luther niais en lui enseignant l’horreur du

formalisme religieux et le goût de la vie intérieure, C’est à Strasbourg également qu’il commença à réfléchir aux droits religieux du i tiers état », conformément à la doctrine luthérienne du « sacerdoce universel », qui allait jouer un rôle si important dans ses conceptions religieuses. A Strasbourg, du reste, le luthéranisme présentait quelques particularités remarquables : la confession privée n’y était pas obligatoire, l’honoraire d’absolution l lieichtgeld) était inconnu, l’enseignement eatéchistique était fort développé, et un conseil laïque d’anciens avait la mission de veiller sur la discipline morale de la paroisse et des pasteurs eux-mêmes. A la suite de sa thèse, en 1659, Spener alla donner des cours à Bâle, puis à Genève, où il resta une année entière et suivit avec intérêt les prédications du réformateur calviniste Jean de Labadie. Vers la lin de 1661, il revint à Strasbourg, par Lyon, Besançon et Montbéliard. [’i séjour de quatre mois qu’il fit, en 1662, à Tubingue, le mit en relation avec nombre de professeurs de l’université de cette ville et explique la difïusion ultérieure du piétisme en Wurtemberg. Prédicateur libre à Strasbourg, jusqu’à 1668, il devient, à 31 ans, doyen des pasteurs de Francfort. Son séjour dans cette ville fut décisif. Il y trouvait une bourgeoisie riche et adonnée au luxe, sous toutes ses formes, y compris les conséquences ordinaires : le pharisaïsme j religieux, la débauche secrète, la sensualité, l’indifférence religieuse au fond. Il se mit aussitôt à l’œuvre pour combattre l’immoralité générale dans la ville. Mais son zèle se trouvait bridé par le Sénat, qui avait la haute main sur toutes les affaires religieuse^. Heureusement, on lui laissait une certaine latitude pour l’éducation de l’enfance. Il s’attacha à développer l’instruction eatéchistique, à répandre l’usage de la confirmation, qu’il trouva subsistant à la campagne, à prêcher la nécessité d’une « nouvelle naissance ».

Au moment où Jean de Labadie instituait à Genève des réunions de piété, Spener, sans être au courant de cette nouveauté, prenait l’initiative, dans son sermon du xviie dimanche après la Trinité de 1669, d’inviter ses paroissiens les plus fervents à substituer aux jeux de cartes ou de dés et aux beuveries du dimanche de pieuses lectures faites en commun. Ce fut l’origine des Collegia pietatis, organisés pour la première fois en 1670, et qui devaient jouer un si grand rôle au sein du piétisme. On se réunissait deux fois par semaine, dans la demeure de Spener et, là, on faisait un retour sur la prédication du dimanche précédent. On rappelait le sermon, on commentait en commun la page évangélique, on lisait des ouvrages de piété, on chantait des cantiques. A partir de 1675, la lecture de la Bible devint l’objet principal de ces réunions édifiantes. Mais le presbytère étant devenu trop étroit, celles-ci avaient lieu dans la salle des catéchismes. De bonne heure. Spener vit apparaître, au sein de ces conventicules, des tendances séparatistes qu’il dut combattre énergiquement. Ce ne sera pas à tort que ses adversaires lui reprocheront de nourrir l’orgueil spirituel et l’étroitesse d’esprit. Le piétisme engendra, presque tout de suite la « bigoterie ». Les habitués des Collegia pietatis se mirent peu à peu à faire de l’assiduité à leurs réunions le critère obligatoire du vrai christianisme et à afficher des scrupules pour recevoir la cène, en compagnie de la foule « inconvertie ». On pense bien que cette mentalité des initiés ne fut pas sans soulever les railleries et les critiques. C’est à cette opposition de la multitude aux prétentions orgueilleuses du petit nombre que fut dû le sobriquet de piélistes, déjà connu en Haute-Allemagne, mais qui n’est appliqué aux disciples de Spener qu’autour de 1677 et qui leur resta.

De 1675 date l’un des principaux ouvrages de Spener, celui où l’on doit chercher le fond de sa pensée religieuse. Il a pour titre : Pia desideria oder herzliches