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officiers de la Grande-Église. L’enfant, désireux et capable d’apprendre, était sans ressource. Il se mit bien, sur place, à l’école d’un célèbre rhéteur, Thomas Magistros, l’un des précurseurs de la philologie critique, du reste, aussi peu théologien que beau discoureur : mais il dut payer les leçons de son maître en remplissant auprès de lui le modeste rôle de cuisinier. Cf. G. Mercati. Xotizie ed altri appunti, etc., p. 248, 249. Soit que celui-ci mourût (avant 1330), soit qu’il se crût assez de lettres, l’étudiant partit pour le Sinaï où il se fit moine, pour passer sans beaucoup tarder à la Grande Laure du Mont-Athos. Un esprit aussi cultivé émergea vite dans un milieu où on l’était si peu ; c’est pourquoi lorsque, en 1340, Grégoire Palamas, menacé d’un procès devant la curie patriarcale, vint demander l’investiture de ses confrères athonites, c’est à Philothée, encore simple religieux, que revint l’honneur de rédiger le mémoire doctrinal qui, signé par les plus hautes autorités locales, décida de l’attitude de la Sainte Montagne en faveur de l’hésychasme (voir ci-dessous). Le rédacteur de cette pièce décisive ne pouvait que connaître une fortune rapide à une époque où l’État comme l’Église subissaient la tutelle des moines. Élu bientôt higoumène ou abbé de Lavra, il fut promu, en mai 1347, par le patriarche Isidore, lui-même nouvellement nommé, au siège d’Héraclée de Thrace. Ses six années d’épiscopat se passèrent surtout dans la capitale voisine, au milieu d’intrigues et de discussions passionnées. Il n’était point à son poste lorsque, en 1352, les Génois mirent à sac son évêché, mais sut prodiguer à ses fidèles, captifs ou dispersés, consolations et ressources. L’usurpateur Jean Cantacuzène, dont il s’était montré le partisan sans scrupule, l’appela à la tête de l’Église de Constantinople après en avoir éloigné Calliste qui se refusait à couronner son fils Mathieu. Son intronisation eut lieu fin novembre 1353 et non 1354, ainsi qu’on l’écrit communément. Texte décisif dans Nsoç’EXÀYjvopiv-/j(jia>v, t. vii, 1910, p. 143, n. 64, et t. xiv, 1917, p. 403. Cf. G. Mercati, op. cit., p. 249, n. 2. Dans ces conditions, son pontificat devait cesser avec le règne de son protecteur (nov. 1354). Son abdication, que ce dernier nous dépeint dans son Histoire comme volontaire (cf. Cantacuzène, Historiamm, t. IV, c. l, P. G., t. cuv, col. 368 D), fut en réalité accompagnée du cortège accoutumé d’anathèmes et d’excommunications. Bien plus, accusé du crime de lèse-majesté pour avoir abandonné la cause légitime des Paléologues, il connut, malgré une vive résistance, la déposition et la prison. La disgrâce ne devait toutefois pas être sans retour, s’il est vrai que le prélat déchu, d’ailleurs très bien vu de l’impératrice, fille de Cantacuzène, put remonter sur son siège d’Héraclée. Cf.’Ava-roXixoç’Aot/ ; p, t. xxx. 1890-1891, p. 84. En 1363, lors de la vacance du siège œcuménique, la réhabilitation était complète ; les bons offices de Démétrius Cydonès, une de ses futures victimes, lui ayant valu la faveur du souverain dont il avait jadis méconnu les droits, il fut réélu en février et reprit, en octobre 1364, la tête de l’Église byzantine, poste qu’il sut garder douze années durant (1364-1376). C’est pendant cette dernière période de son existence que ce caractère audacieux donna, à l’encontre de la quasi totalité de ses prédécesseurs, ministres serviles de la couronne, la mesure de son esprit téméraire et novateur dans les trois graves affaires auxquelles apparurent liées le salut ou la perte de l’empire : l’union des Églises, le péril turc et la crise hésychaste.

Philothée et l’hésychasme.

L’attitude de Philothée

dans la querelle palamite a déjà été suffisamment retracée à l’article Palamite (Controverse), col. 1792, 1793 et passim : nous nous bornerons à donner ici quelques précisions. Au fond, abstraction faite de l’acte,

d’une portée exceptionnelle, qui devait la terminer. la reprise de cette fameuse affaire présente surtout un caractère épisodique, celui d’une querelle à deux. L’empereur Jean V, né d’une mère latine et gagné au catholicisme, se désintéressa toujours de doctrines qui axaient failli lui coûter son trône ; jugeant que l’union à l’intérieur importait seule à l’État déchiré par une longue guerre civile, il accepta cependant de collaborer avec le palamisme triomphant. Il ne mit qu’une condition au retour de Philothée sur le trône œcuménique, à savoir qu’aucune représaille ne serait exercée par lui contre les tenants de l’orthodoxie traditionnelle. La promesse faite fut violée à la première occasion, lorsqu’il parut que l’absence du souverain, prisonnier des Bulgares, au retour d’un voyage en Hongrie (1365), allait se prolonger. Le patriarche, mortifié de ce que Prochore Cydonès, une des lumières de l’Athos, n’avait pas soutenu sa cause lors de sa déposition en 1354, résolut de se venger d’une aussi méprisante conduite. L’higoumène de Lavra et le clan de ses partisans eurent mandat d’épier les moindres démarches de la victime à laquelle, néanmoins, on ne put imputer qu’un seul délit : celui de ne pas faire ouvertement profession d’hésychasme. C’en fut assez pour que des lettres d’accusation pussent être adressées demandant sa mise en jugement. L’inculpé se mit alors à étudier de près une doctrine qui lui était jusque-là restée étrangère et la trouva si futile qu’il en entreprit aussitôt une réfutation systématique d’après la méthode thomiste la plus authentique. Le travail fini fut envoyé, à titre de décharge, au patriarche que l’auteur pensait, en toute bonne foi, étranger à de tels enfantillages. Le chef de l’Église simula une enquête en règle pour mieux perdre le prévenu. Mais le frère de celui-ci, Démétrius, ministre tout-puissant de Jean V, vint à connaître les dessous de l’affaire ; persuadé que l’agitation politique allait renaître à l’occasion du procès entrevu et porter à l’État le plus grave préjudice, il proposa au souverain d’écarter Philothée, d’ailleurs hostile à tout rapprochement avec l’Occident. Ce dessein fut vite connu et le bruit se répandit que le nouveau candidat du gouvernement à la tête de l’Église, n’était autre que Prochore lui-même. Il n’en fallut pas davantage pour que le patriarche résolût de perdre son rival éventuel ; il l’attira dans un véritable guet-apens, devant un tribunal qui le somma de souscrire séance tenante, sans discussion, une profession de foi qu’il réprouvait. L’inculpé dut s’éloigner de force en refusant de comparaître à nouveau et commença aussitôt, avec son frère, une campagne d’écrits qui toutefois ne pouvait prévenir l’inévitable : un copieux tome, fruit de longs débats conciliaires, porta contre Prochore la double sentence d’excommunication et de dégradation (avril 1368). Non content d’abattre ainsi son adversaire, Philothée crut consacrer l’apothéose de l’hésychasme en canonisant son fondateur, auquel une place de choix fut assignée dans le calendrier, sans préjudice d’autres honneurs liturgiques. Cf. art. Palamas, col. 1742. Ce coup d’audace fut pleinement servi par une double circonstance : la mort presque simultanée de Prochore et la carence du souverain. Le patriarche, débarrassé de son compétiteur, garda sa place, Jean V Paléologue n’osant la lui enlever tant la doctrine qu’il personnifiait semblait avoir pénétré l’Église byzantine. Aucune mesure cependant n’eût été plus opportune au moment où le Saint-Siège exigeait des gages tangibles. En s’y refusant, l’État, prêt à consommer l’union des Églises pour obtenir l’aide de l’Occident, se ménagea un adversaire résolu de sa politique.

L’union avec Rome et le péril turc.

Le retour de

Philothée au patriarcat coïncida avec une aggravation subite de la situation internationale. Maître d’Andri-