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    1. PIERRE LE VENERABLE##


PIERRE LE VENERABLE. ŒUVRES

207’2° Les traités de controverse. — 1. Le traité contre les partisans de Pierre de Bruys (col. 719-850), que l’on doit dater des alentours del 138, combat des hérétiques assez mal connus ; ce qu’on sait de l’hérésiarque par Pierre de Cluny est résumé à l’art. Bruys (Pierre de), t. II, col. 1151-1156, et 1 attitude exspeelante de celui-ci au sujet de Henri, un sectateur de Pierre de Bruj s, est marc] née à l’art. Henri, t. iv.col. 2158-2162. Aux archevêques d’Arles et d’Embrun, aux évêques de Die et de Gap, à qui il adresse son traité, il conseille non seulement la prédication aux hérétiques et aux catholiques chancelants, mais encore le recours au bras séculier. Quant aux cinq points sous lesquels il résume leurs erreurs, voici seulement quelques traits de sa réfutation.

lui faveur du baptême des enfants, il recourt à la pratique de l’Église et aux témoignages des Pères latins, et s’excuse de ne pas citer les Pères grecs, cuni homo tantum latinus, peregrinæ linguæ quam ignoro testimoniis uli non valeam. Col. 730. Mais, ce qui vaut pour les catholiques hésitants, les hérétiques n’en ont cure ; il faut donc recourir aux Écritures qu’ils admettent. On a bien dit que les pétrobrusiens rejetaient tout l’Ancien et le Nouveau Testament ; sed, quia fallaci rumorum monstro non facile assensum prætere debco, culpare vos de incerlis nolo. Et, parlant des évangiles, que la plupart d’entre eux admettent comme inspirés, Pierre le Vénérable entreprend de démontrer par le IIIe évangile, la canonicité des Actes du même saint Luc, et leur historicité par le fait de l’Église ; puis, par les Actes eux-mêmes, l’autorité des épîtres de saint Paul ; enfin, celle de tout l’Ancien Testament par les citations qu’en font les évangiles. La démonstration est neuve et bien conduite.

Au terme de cet excursus, l’auteur prouve par l’Écriture la suffisance de la foi sans le baptême dans le cas des martyrs et, du même coup, la suffisance du baptême sans la foi personnelle, dans le cas des enfants, englobés dans l’université du péché et de la justification par le Christ. Rom., v, 17. Par les mêmes livres saints, l’abbé de Cluny démontre la sainteté des églises chrétiennes, églises multipliées avec les populations converties, depuis « ce temple que Pierre construisit au Christ dans la capitale de l’empire et ces oratoires et autels que nous avons vus de nos yeux dans les anciennes catacombes romaines », col. 770, jusqu’à « ces basiliques, bâties par les apôtres de la Gaule et gardées jalousement par les fidèles in memoriam anliquitatis et sanctilalis eorum ». Col. 771.

Contre les énergumènes qui brûlaient les croix, comme des rappels de l’opprobre du Christ, l’auteur prouve que la croix est désormais le signe du triomphe du Sauveur, qu’elle doit être honorée et adorée d’un culte relatif de latrie : Adoramus hac adoratione Christian ; adoramus et crucem, immo in cruce ipsum, qui Deus et homo est, crucifixum. Col. 785.

La messe, qu’ils tournaient en dérision, est légitimée par la nécessité du sacrifice, supprimé d’ailleurs « par les Juifs, les Sarrasins et quelques peuplades païennes voisines de la mer de Crimée » ; et le sacrifice unique, c’est celui de la cène, que le Christ a demandé de renouveler en mémoire de sa mort, sacrifice qui comporte une transsubstantiation : hoc est substantiels in substantiels virtute divina posse mutari, et qui consiste essentiellement en ce que l’Église offre chaque jour la victime qui s’est offerte une fois sur la croix : Non enim aliud lune oblatum est, aliud mine offertur ; sed quod semel Christus oblulit, hoc semper Ecclesiæ suie ofjerendum reliquit. Col. 798. Et pourquoi cette représentation ? Juslum /uit ut mortis Christi memoria non tantum audiretur per aures, sed et etiam visu per oculos juvaretur. Ea de causa signum hoc a Christo propositum est ; quod ita signum est, ut sil tamen idem quod signal. Col. 612.

A propos de l’opinion lancée par Pierre de Bruys que

les offrandes des vivants ne peuvent servir aux morts, qui ne sont plus en état de mériter, l’abbé de Cluny qui avait reçu tant de donations dans ce but — institue une large discussion pour montrer d’après l’Écriture et la tradition, ce que les vivants, puisant flans les trésors de l’Église, peuvent faire pour les vivants, les vivants pour les morts, les morts pour les morts et les morts pour les vivants.

L’objection finale contre l’usage du chant et des instruments dans les églises est résolue par les exemples de l’Ancien Testament.

2. Advcrsus judœorum inveteralam duritiem. — — Ce deuxième opuscule de polémique de Pierre de Cluny fut écrit vers 1140. Il s’inspire bien quelque peu de ses lointains devanciers, Tertullien et saint Augustin, à qui il emprunte certains aperçus ; cependant, il n’a pas voulu, comme eux, marquer la position catholique vis-à-vis de l’Ancien Testament, ni rappeler aux fidèles les prescriptions canoniques à l’égard des juifs, comme Agobard, ou défendre en théologien les dogmes qu’ils attaquaient ; c’est une œuvre originale plus voisine que toutes les précédentes du traité apologétique tel que nous l’entendons aujourd’hui. /-*. L.. t. cit., col. 507-650.

Les critiques récents ont noté avec Manitius que l’abbé de Cluny y avait apporté « une douceur, remarquable pour cette époque, et qui était d’ailleurs le trait fondamental de sa nature ». Cette appréciation est équitable ; car l’auteur marque, en somme, des intentions pacifiques et des procédés honnêtes de discussion ; et les mots violents dont il admoneste ses adversaires faisaient alors partie intégrante de la polémique antijuive. Dans son prologue, il les appelle à la réflexion : « N’êtes-vous pas touchés du moins de voir que toute la force de la foi chrétienne, toute l’espérance du salut de l’humanité, a son origine dans vos Livres saints ? N’êtes-vous pas touchés de ce fait que les patriarches, que les prophètes annonciateurs du salut, que les apôtres ses prédicateurs, que la souveraine et « surcéleste » Vierge, mère du Christ, que le Christ lui-même, l’auteur de notre salut, qui a été appelé « l’espérance des nations » par votre prophète…, que tous ceux-là sont de votre race, et que ces descendants de la lignée du grand Abraham, nous les avons reçus comme ancêtres ? »

Dans la discussion, il se garde de s’appuyer sur l’Évangile, sinon pour exalter les espérances chrétiennes ; il se réfère uniquement aux livres de l’Ancien Testament, « aux psaumes et aux prophètes que les juifs entendent réciter dans leurs synagogues », et qu’il leur interprète à son tour dans leur sens littéra’. celui que les juifs voulaient seul connaître. Il y avait donc un élagage sérieux à faire dans la masse des textes messianiques usités dans la prédication courante. C’est évidemment dans ce sens que se sont portés les soins de Pierre de Cluny ; et, si l’on compare son œuvre à celle de Pierre Damien — qu’il n’avait d’ailleurs peut-être pas entre les mains — il est manifeste qu’il a prudemment choisi dans sa Bible, et interprété assez rigoureusement, une vingtaine de textes messianiques, sinon tous admis par la critique moderne, du moins de grand poids pour un juif du xiie siècle. Il va jusqu’à se référer au texte hébreu, de préférence au texte des Septante, ici moins affirmatif, col. 527 ; il a le scrupule de vérifier ses citations « sur l’idiome hébraïque, et de faire constater par des philologues qu’il donne bien « le sens de la lettre même » : Licet enim simus Latini, nihil tamen nos veracium scripturarum vestrarum latere potuit, quos multorum in ùtraque lingua peritorum cruditio copiosa inslruxit. Col. 617.

Dans le même dessein de clarté et de loyauté, il écarte de la discussion toutes les controverses parti-