Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/318

Cette page n’a pas encore été corrigée

! 071

    1. PIERRE LE VÉNÉRABLE##


PIERRE LE VÉNÉRABLE. ŒUVRES

2072

L’abbé de Cluny osi bien plus ci conspect pour résoudre la troisième difficulté du moine Grégoire, née d’un texte du pseudo-Jérôme (sermon sur l’assomption de Mario. P. /… I. w. col. 126) : <. Il faut donner tout notre soin, dit-il, à chercher un sons catholique à oos oxpressions moins usitées. qu’il avoue avoir entendues distraitement à l’office do matines ; pour lui. et sans doute est-ce la pensée mal exprimée du sermonnaire, l’union de Dieu et de l’homme dans l’unique personne du Verbe n’est éternelle que dans le sacrement », le secret dos desseins de Dieu.

3. La troisième lettre théologique de Pierre sur la divinité do Jésus-Christ, ool. 187-508, est adressée à

Pierre, bon et pacifique vieillard », appelé dans le titre Pierre de Saint-Jean. et identifié dans deux autres lettres avec Pierre de Poitiers (col. 300 et 302). ( est donc à son vieux secrétaire, vers 1 1 10. que l’abbé do Cluny envoie cette consultation théologique ; mais il l’a écrite à l’intention de moines plus jeunes et plus aventureux, qui se posaient cette question d’école : Pourquoi le Sauveur, dans les évangiles, ne s’est-il jamais appelé Dieu ouvertement ? L’abbé, avec sa loyauté habituelle, aborde la difficulté par cette remarque d’ordre général : « Personne parmi les juifs, sauf quelques grandes âmes, n’attendait un Messie-Dieu. .. D’ailleurs, l’intelligence commune — des gentils comme des juifs — avait horreur de penser qu’un mortel fut Dieu… Sans doute, les païens avaient divinisé des rois, mais après leur mort ; et, seul, Alexandre, a son retour de l’Orient, poussa l’orgueil jusqu’à réclamer de son vivant les honneurs de l’apothéose. » Col. 493. Cette conception, basée sur une vue très juste de l’âme antique, explique pourquoi Pierre cherche les affirmations du Christ sur sa divinité dans des passages aussi voilés que Matth.. xxii, 48, et Joa., x, 2438 ; et dans les miracles de Jésus qui, à son sens, prouvent sa divinité. Quant aux affirmations qu’il appelle sans voiles » (Matth.. xvi, 10 ; Joa., iv, 20, et ix, 37 ; vin. 54-50 ; xiv, 1 ; xvii. 2. 5), il a beau les expliquer fuxla verbu Augustini, qui bus verbis [Christi] addil toangelista verba sua — car il distingue les paroles de saint Jean de celles de Jésus — il avoue que les paroles du Sauveur n’ont de valeur « que pour des chrétiens, non pour des juifs », et il sent bien, quoi qu’il en dise, qu’il n’a pas répondu entièrement à la question de ses pieux disciples, spécimen assurément très rare au Moyen Age d’une exégèse rigoureusement littérale.

1. Dans les lettres de Pierre le Vénérable, bien d’autres points sont touchés, qui concernent la théoe, surtout la théologie sacramentaire, les songes et la perfection religieuse. A chaque ordre, il reconnaît sa place dans l’Église et son excellence propre : aux moines noirs, ses frères. « la source et le principe de toute vie religieuse, qui ont donné aux autres instituts, leur matière et leur forme », Epist., t. VI, 14, col. 415, il recommande le souci constant du progrès spirituel ; aux chartreux. « de tous les ordres latins, celui que je préfère, écrit-il au cistercien Eugène III, col. 412, et qui ne met pas le royaume de Dieu dans le manger et le boire, dans le vêlement ni dans les travaux manuels », il demande de souffrir avec le divin crucifié, d’aimer leur solitude et leur repos en Dieu, et de prier pour lui, t. I, 24, col. 103 ; à un ermite, Gislebert, qui n’avait pas de règle, il envoie une longue lettre sur les dangers de la solitude, et les remèdes à y apporter : la pureté du cœur, la pauvreté, l’humilité, puis, par ordre de dignité décroissante, la prière, la méditation, la lecture et le travail des mains, en particulier la transcription des saintes lettres, par quoi

l’ermite se fait évangéliste. Aux cisterciens, et à saint Hernard en particulier, qu’il regarde comme » la blanche et forte colonne sur quoi s’appuie l’édifice de l’ordre monastique, col. 338. il demande la concorde

et la charité pour leurs frères en saint Benoit. A ses deux nièces, moniales à Marcigny, il fait l’éloge de la virginité, en citant ceux qu’il appelle les docteurs rie l’Église latine : Augustin. Jérôme, Ambroisc, llilairc et enfin saint Cyprien, cunctis prsecedentibus sequalis offlcio, par magisterio, major martyrio. Col. 455.

L’abbé de Cluny consacre deux lettres (I. VI, £6 et 27) à exposer au grand maître des templiers et au pape Eugène III le cas de Ilumbert de Beaujeu, qui a quitté son ordre, et, de retour en France, a repris sa femme et rétabli brillamment sa situation. En considération du bien qu’il l’ait dans le pays, Pierre le Vénérable propose au pape de le laisser dans cet état pour deux raisons : sa femme ne s’était pas engagée, paraît-il, à vivre dans la continence, et l’ordre qu’il a abandonné n’est pas de quolibet antiquitus instiluto ordine ; al, cum nonnisi de militia ad militiam transierit… Avocat du lien dans ce cas particulier, l’abbé de Cluny semble, dans une autre occurrence, multiplier les causes d’invalidité d’un mariage : d’après ce qu’il en écrit au pape Eugène III, ce mariage a pu être invalide par défaut d’âge nubile au temps du contrat et par non-consommation dans la suite ; mais, ce qui étonnera un canoniste moderne, Pierre donne comme suffisants divers autres motifs : opposition antécédente de l’évêque, interdit subséquent, etc. L. VI, 43, col. 461.

La réitération de l’extrême-onction, refusée aux malades par Geoffroy de Vendôme et Yves de Chartres, est autorisée sans aucun scrupule par l’abbé de Cluny, fort de la bonne tradition qui s’était établie dans ses monastères ; il en donne pour raison, col. 392, qu’à l’inverse du baptême, de la confirmation et de l’ordination, « qui marquent que l’effusion de la grâce du Saint-Esprit est un fait accompli qui se suffit à lui-même et qu’il n’y a plus besoin, pour le chrétien, d’être armé d’un autre esprit, ni d’autres armes » — c’est ainsi qu’il décrit à sa manière le caractère sacramentel

— au contraire, l’extrême-onction, comme la pénitence, a pour but la rémission des péchés, et doit être réitérée comme les péchés eux-mêmes. C’est bien d’ailleurs, dit-il, ce que laisse entendre saint Jacques : Infirmatur quis in vobis ? inducat præsbifieros Ecelesiir (Jac, v, 14) nuila mentionc unius, binæ, vel tenue unclionis facta. Et il faut s’en tenir aux termes de l’Apôtre, puisque c’est ici une institution propre au Nouveau Testament, bien différente, sous ce rapport, des consécrations d’églises et de vases sacrés, que l’usage chrétien, s’inspirant de la législation mosaïque, se refuse à réitérer ! L’auteur, presque trop affirmatif sur la permanence de ces bénédictions d’objets, l’est beaucoup moins sur le caractère sacramentel : pour le baptême, il semble confondre le caractère définitif avec la. grâce effective du sacrement : Utquid enim jam bapiizatus inungitur, nisi ut jam collata, non conferenda, baptizato per Spirilum Dei peccatorum remissio demonstretur ? Pour la confirmation, c’est de la suffisance et de la revi viscence de cette grâce postbaptismale qu’il conclut à sa non-réitération : Et potest quidem… his armis deposilis vinci ; potest et eisdem resumptis iterum hostem vincere. Pour l’ordre seul, dont il n’admet aucune réitération, il entrevoit la notion de caractère inamissible : Sacramentum enim, quod semel a Spirilu Dei accipiunt (sacerdoles ac ponli fiées), eliam judicio Ecelesise ab ofjicio saspensi vel depositi, nullo paclo perdere, nulla ratione amittere possunt. Col. 393. Sur ce point Pierre est plus fern13 que be ; ucoup de ses contemporains.

C’est dans le recueil de ses lettres qu’on trouvera les quelques renseignements dont on dispose sur la composition et la publication de ses différentes œuvres, par exemple sur la traduction du Coran. 1. IV. 17. col. 339-344, sur ses poésies liturgiques, I. IV, 30. col. 300, et t. VI, 32, col. 440, sur ses traités de controverse, I. IV. 17 et 35 que nous allons résumer.