Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée
2063
20
PIERRE DE TRABIBUS — PIERRE D' UU BINA
G 4

tous sont mauvais et de la sorte ta vie vertueuse devient inutile. Tout cela, affirme Pierre, est contra rationein et scnsum et contra fidem et Scripluram. C’est pourquoi il faut rejeter la thèse d’Averroès. Le maître franciscain démontre ensuite que cette théorie ne peut être admise, parce qu’elle manque de toute valeur probante. D’après Pierre de Trabibus, l’intelligence, d’un côté, n’est pas engendrée, parce que non educitur de potentia ad actum per generationem ; mais, d’un autre côté, elle est engendrée en ce sens que educitur de non esse in esse per creationem. Donc, conclut-il, l’intelligence n’est pas éternelle, comme l’affirme Averroès, parce qu’il est impossible que le monde soit éternel. D’où il suit qu’il ne peut y avoir d’infini en acte m natura.

A l’affirmation d’Averroès, qui, à la suite d’Aristote, affirme que les substances spirituelles sont oiseuses, quand elles ne meuvent pas un corps, Pierre répond que cette assertion est fausse et hérétique parce que ces substances spirituelles peuvent poser des actes plus parfaits, à savoir contempler Dieu. On constate ici l’influence bonaventurienne. Pierre énumère encore une quantité d’autres conséquences fausses, hérétiques et absurdes par rapport à l’intelligence et à la volonté, qui découlent nécessairement de la thèse d’Averroès, qu’il appelle une stultitia et conclut : lmpossibile est simpliciter non solum omnium hominum sed etiam et plurium esse animam unam, sed necesse est animam mulliplicari et numerari secundum hominum seu etiam humanorum corporum multiplicationem, non solum quoad sensitivam (ce que concède Averroès), sed quoad intellectivam. Pierre rejette donc complètement la théorie d’Averroès au sujet de l’unité de l’intelligence et aucun autre maître franciscain peut-être n’a été aussi clair, aussi logique, aussi résolu dans le rejet de la thèse averroïste.

Morale.

Dans la genèse du vice, Pierre de

Trabibus suit de près Olivi et, comme lui, démontre que l’amour désordonné de ! oi-même est la source et la racine de tout péché. Il se rattache encore étroitement à son maître pour sa doctrine sur le péché originel et suit la doctrine de saint Augustin au sujet de sa transmission. Il enseigne aussi que les mouvements premiers et involontaires de la concupiscence sont imputables et constituent des péchés véniels. Pierre de Trabibus dépend encore d’Olivi dans ses théories sur le péché véniel, sur la difficulté de discerner le péché véniel du péché mortel, sur l’accumulation des péchés véniels et sur la note variable de leur gravité d’après le degré de perfection qui caractérise ceux qui les commettent. Il n’a cependant pas réussi à définir clairement l’essence du péché véniel, dont il exagère la malice, influencé qu’il est par les doctrines rigoristes de son temps. Cf. A. Landgraf, op. cit.

Conclusion. — Bien qu’il soit assez difficile jusqu’ici d'émettre un jugement d’ensemble sur l'œuvre littéraire et la position doctrinale de Pierre de Trabibus, en l’absence d’une édition de son commentaire, il faut reconnaître toutefois que cet auteur mérite de retenir l’attention à plusieurs titres. Sur le terrain scolastique il fait bonne figure à côté des grands maîtres du xiii c siècle, à cause du nouveau courant doctrinal qu’il a inauguré et propagé avec Olivi et qui a exercé une influence indéniable sur sa philosophie et sa théologie. Bien qu’en quelques points importants, comme l’information du corps par l'âme et la théorie de la connaissance, il se sépare de saint Bonaventure et de l'école franciscaine, influencé qu’il était par l’exceptionnel métaphysicien et dialecticien qu'était Pierre Olivi, Pierre de Trabibus, cependant, pour un grand nombre de questions, suit fidèlement saint Bonaventure et l'école franciscaine, dont l’esprit continue à vivre fortement en lui. Il se rattache étroi tement au Docteur séraphique et à l'école franciscaine, surtout quand il s’agit de prendre position contre Averroès et contre Aristote, ainsi que contre leurs thèses de l'éternité du monde, de l’infini en acte et de l’unité de l’intelligence, qu’il combat comme déraisonnables, absurdes, fausses et hérétiques. Il avertit aussi avec soin les disciples d’Aristote de se mettre en garde contre ses théories : caveant ab ipsis (thesibus) Arislotelis sectatores. C’est la conception théologique qui, au fond, constitue la forma mentis de Pierre de Trabibus, comme d’ailleurs de saint Bonaventure et de son école. Et c’est pourquoi il s’exprime avec une certaine ironie sur le compte des philosophes rationalistes ou péripatéticiens : Quidam intendenies philosophiam statuere et theologiam sub ea captivare quivstiones theologicas omnino philosophice tractantes, quasi philosophi prophétie juerint vel evangelistse. Il combat et rejette ces philosophes, parce qu’ils sont antithéologiques et veulent subordonner la théologie à la philosophie. Se rapprochant beaucoup, pour un grand nombre de questions, de l'école augustino-franciscaine, combattant de toutes ses forces l'école aristotélico-thomiste, Pierre de Trabibus, en matière controversée, veut rester lui-même, ne jurer sur la parole d’aucun maître et ne dépendre servilement ni d’aucune école, ni d’aucun courant doctrinal.

L. Wadding, Scriptores ordinis minorum, Rome, 1900 p. 194 ; J.-H. Sbaralea, Supplementum ad scriptores ordinis minorum, t. ii, Rome, 1921, p. 370-371 ; Rodolphe de Tossignano, Hisloriurum seraphicæ religionis libri 1res, Venise, 1586, p. 333 ; Gonzaga, De origine seraphicæ religionis, t. i, Rome, 1587, p. 90 ; Jean de Saint-Antoine, Bibliolheca franciscana universa, t. ii, Madrid, 1732, p. 474 ; Fr. Ehrle, S. J., Dos Studium der Ilandsehriften der mittelcilterlichen Scholastik, dans Zeitschrift fur kalholische Théologie, 1883, p. 48 ; du même, Peints Johunnes Olivi, sein Leben und seine Schriften, dans Àrchiv fur Literatur-und Kirchengeschichle des Mittelalters, t. iii, 1887, p. 459 ; R. Jansen, S. J., Vie Erkenntnisslehre Olivis auf Grand der Quellen dargestelll und geiviirdigt, Berlin, 1921, surtout p. 27-30, 84-86 ; du même, Pelrus de Trabibus, seine spéculative Eigenart oder sein Verhâllnis zu Olivi, dans Abhandlungen zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters. Festgabe zum 70. Geburtstage Clemens Baumkers, dans Beilràge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, Texte und Untersuchungen, 2e suppl., Munster, 1923, p. 243-254 ; A. Landgraf, Dos Wesen der làsslichen Siinde in der Scholastik bis Thomas von Aquin, Bamberg, 1923, p. 220 sq., 348-362 ; E. Longpré, (J. F. M., Pietro de Trabibus, un discepolo di Pier Giovanni Olivi, dans Studi francescani, nouvi sér., t. viii, 1922, p. 267-290 ; F. Delorme, O. F. M., Pierre de Trabibus et la distinction formelle, dans La France franciscaine, t. vii, 1924, p. 255269 ; O. Lacombe, La critique des théories de la connaissance chez Dans Scot, dans Revue thomiste, t. xxxv, 1930, p. 145150 ; Cr. Krzanic, C). F. M., Grande lottatori contrit i’averroismo, dans Rivista di (ilosofai neo-scolastica, t. xxii, 1930, p. 101-208 ; B. Jansen, S. J., Beitràge zur geschichtlichen Enlwicklung der « Distinctio formalis », dans Zeitschrift fiir katholische Théologie, t. Lin, 1929, p. 317-344 et 517-511 ; A. Ledoux, O. F. M., Pelri de Trabibus, O. F. M., queestiones duæ de œternitate mundi, dans Antanianum, t. vi, 1931, p. 137-152 ; M. Schmaus, Der « Liber Propugnutorius » des Thomas Anglicus und die Lehrunterschiede zwischen Tliomas von Aquin und Duns Scotus, t. ii, Die trinitarischen l.ehrdiffcrcnzen, dans les Beitrdge de Bàumker, t. xxix. Munster, 1930, p. 22-24, 48, 58-62, 100-102, 121-123, 189191, 301-304, 467-469, 589-590, 654-655.

Am. Teetært.

69. PIERRE D’URBINA, frère mineur espagnol (xviie siècle). Originaire de la province de Biscaye, il appartint à la province de Castille des frères mineurs dans laquelle il exerça les charges de lecteur a Alcala et de provincial. Il fut aussi commissaire général de la famille cismontaine des frères mineurs. Il fut élevé, le 2 mai 1644, au siège épiscopal de Coria et consacré évêque le M septembre de la même année ; en UilK, il fut nommé archevêque de Valence cl, le 17 juil-