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raison tirée de l'Écriture ou qui s’appuie sur la foi ; ils n’ont de garantie que celle des païens infidèles.

Le maître franciscain s’efforce enfin de démontrer que la thèse de l’intellect possible est insoutenable, qu’on l’envisage du point de vue de la puissance intellectivc, de l’acte d’intellection ou de l’objet. Toute puissance, en effet, qui réfléchit par son acte même sur soi et sur son acte est vraiment active et ne peut pâlir : sinon il faudrait qu’elle eût reçu une espèce d’elle-même, réfléchie sur elle-même et sur son acte, ce qui n’a pas de sens. Or tel est bien le cas de l’intelligence. Elle est donc active et non passive. De plus, l’intelligence est une forme ; or toute forme est active de soi et ne peut être passive que par accident. Ajoutez que toute forme parfaite peut produire naturellement son acte naturel sans l’intervention ou l’impression d’aucune autre forme ; or, l’intelligence est une forme parfaite, qui doit donc pouvoir produife son acte naturel sans l’intervention d’aucune autre forme ou espèce. Ensuite, si l’acte d’intellection a lieu par mode de réception et de passivité, il est faux de dire que c’est l’intelligence qui connaît. Connaître, en effet, c’est tenir activement en soi une espèce, une similitude de la chose connue. Mais rien de ce qui reçoit et souffre quelque chose ne peut sans contradiction être considéré- comme actif à l'égard de cette chose. D’où il suit que, si connaître consiste à tenir en soi une similitude de la chose connue et si l’intelligence reçoit cette espèce et ne la produit pas, l’intelligence ne connaît pas. Il faut donc supprimer l’intellect passif. Enfin, du point de vue de l’objet, il faut dire que rien de matériel n’est comme tel actif. Or, tout objet en tant qu’objet se comporte « omrae une matière à l'égard de l’agent, il est terme d’une action. Donc aucun objet ne peut agir sur l’intelligence, le terme de l’action ne pouvant être, en même temps, son principe. Comment expliquer d’ailleurs, dans l’hypothèse adverse, que l'âme ne se connaisse pas toujours, puisqu’elle est toujours présente à ellemême ?

D’où Pierre de Trabibus conclut qu’il faut rejeter l’intellect passif, parce que l’intelligence est active et non passive. L’objet ne peut donc avoir aucune influence causale sur l’intelligence et sa causalité ne peut être qu’une causalilas terminativa. L’objet est le terme de l’acte de la connaissance et non son principe. Pour les textes voir E. Longpré, art. cité, p. 280-282.

Si donc, d’après Pierre de Trabibus, il n’y a pas lieu de retenir la théorie aristotélicienne de l’intellect possible, celle de l’intellect agent, qui lui est nécessairement jointe, est supprimée du même coup, écrit O. Lacombe, La critique de la théorie de la connaissance chez Duns Scot, dans Revue thomiste, t. xxxv, 1930, p. 147. C’est d’ailleurs ce qui est fait dans II Sent., dist. XXIV, q. v, éd. E. Longpré, art. cité, p. 282-290. Pierre de Trabibus examine cependant cette question pour elle-même, continue O. Lacombe, afin de couper toute retraite à l’adversaire. Il commence par souligner ce fait que les « philosophes » et les maîtres qui les suivent ne sont pas d’accord sur la manière dont se comporte cet intellect agent. E. Longpré, art. cité, p. 284 et 280. Ensuite, il prouve qu’il faut rejeter la distinction entre intellect possible et intellect agent, ibid., p. 285-287 ; il réfute ensuite quelques autres conceptions et explications de ce double intellect. Ibid., p. 287-288. Un des principaux arguments des défenseurs du double intellect est que l’intellect appréhendant les natures universelles, et leurs objets ou leurs phantasmes étant singuliers, il faut une lumière spirituelle, qui sépare l’universel des conditions individualités dont il est enveloppé.

Il suivrait donc de là, dit Pierre de Trabibus, que l’esprit n’a nulle connaissance du singulier, ce qui est faux. Comment d’ailleurs un phantasme singulier

pourrait-il jamais produire un universel, toute génération étant univoque ? Ibid., p. 28<>. La vérité est que l’intelligence peut, en présence d’un objet, lormer de celui-ci soit une espèce singulière, soit une espèce universelle. Voici un texte très significatif :

Ad quartum dicendum quod particulare minquam fit universale, nec a specie in phantasia sive Itnaginatione generatur species in intellcclu, sed ad presentiam phantasmatis facit eam intellectus. Potest autem intellectus dupliciter jacere, eam aut accipiendo seu concipiendo rationes communes solum ut substantiae vel cornons vel alterius generis et speciei vel accipiendo conditiones par ticulares ; sicut per speciem vel formam quam habet anima in imaginatione de Sorte (Socrate) vel Platone potest intellectus considerare Sortent (Socratem) in quantum homo vel in quantum hic liomo particularibus proprietatibus ab aliis distinctus, quod dicitur abst ratière et facere speciem universalem. Hsec tamen universalitas dupliciter potest intelligi aut in existente quod sit unum et idem in omnibus… sed ille intellectus… nullatenus potest esse verus… Alio modo potest intelligi ista universalitas in repræsentando solum, quae non représentât particularia nisi secundum communes rationes et ille est verus intellectus. Abstractio igitur ista non requirit alium intellectum ab eo qui speciem apprehendit, qui a philosophis nominatur possioilis. Ibid., p. 289.

D’après Pierre de Trabibus c’est donc l’intelligence elle-même, qui, en présence de son objet ou de son image, produit la species intelligi bilis, sans l’intervention d’aucune forme ou espèce. Pour lui, l’intellect agent n’est que la puissance connaturelle de l’intelligence à agir : non est ponere intellectum agenlem nisi per modum elicienlis ipsum actum intelligendi. Ibid.. p. 285. Et, dans ce sens, toute autre faculté peut être dite agente et au même degré.

Quant au mode dont l’intelligence connaît, Pierre de Trabibus, comme Olivi, tient que le passage de l’expérience sensible, par laquelle la connaissance humaine commence, à la connaissance spirituelle se fait par la colligantia potentiarum. Le fondement psychologique de cette colligantia ou cohérence des puissances est la materia, dans laquelle les différentes facultés cognitives sont concentrées et fondées. Quand la connaissance sensible se concentre sur un objet déterminé, l’intelligence entre également en activité, à cause de la colligantia potentiarum, et produit la species intelliqibilis, sans que l’objet ou son image ait exercé une influence causale sur l’intelligence et vice versa. L'évidence objective, basée sur le réel atteint en luimême ou dans ses effets, constituerait le critère de la certitude.

Paur sa théorie de l’unité de l’intelligence, exposée dans une question éditée récemment par Cr. Krzanic, O. F. M., Grande lottatori contro l’averroismo, dans Rivisla di filoso/ia neo-scolastica, t. xxii, 1930, p. 203206, Pierre de Trabibus se rallie à la doctrine franciscaine et bonaventurienne, quand il s’agit de prendre position contre Averroès. Après avoir longuement exposé la thèse de celui-ci, selon laquelle il faut admettre l’unité de l’intelligence, parce qu’elle est immatérielle et qu’elle ne peut donc se diviser ni se multiplier, le maître franciscain rejette cette théorie comme omnino irrationalis, hæretica atque jalsa. D’abord cette théorie conduit à des contradictions flagrantes. Si l’intelligence est une dans tous les hommes, il s’ensuit que l’intelligent et l’idiot, l’ignorant et le savant sunt idem. De plus, si l’intelligence est une, les effets devront être les mêmes chez tous, parce qu'émanant d’une volonté qui doit être une chez tous. Mais alors, comment expliquer que les uns sont bons, les autres mauvais, que certains sont vertueux, d’autres vicieux et criminels ? Le maître franciscain remarque avec raison que de cette théorie toi sequuntur contrarietates quoi sunt in hominibus diversitates. De plus, dit-il, cette thèse détruit toute honnêteté des mœurs, puisque, d’après elle, il faut admettre que si l’un est mauvais,