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PIERRE DE TRABIRUS

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sonnes, admise par la plupart des docteurs francis-’cains, est inconnue à Pierre de Trabibus. D’après lui, l’essence et la personne sont essentiellement identiques ; notre intelligence se les représente seulement comme des intentions différentes (ms.cité, fol. 77 va33 °b). On peut trouver tous les textes dans M. Schmaus, op. cit., p. 22-24, 48, 58-62, 100-102, Ï21123, 189-191, 301-304, 467-469, 589-590.

3°— La création. — Par rapport à la création, Pierre de Trabibus continue la tradition bonaventurienne et se rattache étroitement à l’école franciscaine. Il rejette non seulement le fait, mais aussi la possibilité de la création ab œterno. Il n’apporte cependant pas d’arguments nouveaux, parce qu’il se rattache généralement à saint Bonaventure et à Pierre Olivi. Il se sépare cependant du Docteur séraphique quant à la valeur de l’argument allégué par saint Bonaventure pour rejeter la création ab œterno et emprunté à la répugnance qui existe entre ex nihilo et ab œterno. Celui-ci disait : ponere mundutn œternum esse sive œternaliter productum, ponendo res omnes ex nihilo productas, omnino est contra veritatem et rationem. II Sent., dist. I, p. 1, a. 1, q. ii, Opéra omnia, éd. Quaracchi, t. ii, p. 22. Cet argument est considéré comme fondamental par saint Bonaventure. Pierre de Trabibus, au rebours, sous l’influence d’Avicenne, dont il allègue l’autorité, rejette la valeur de cet argument : Hœc repugnantia ( creationis scilicet ab œterno) non est propter hoc quod oporteat causam e/Jicientem præcedere smim efjectum, nec propter hoc quod oporteat nihil duralione præcedere actum, licet hoc aliqui dicant. IlSenl., d.st. I, q. xi, dans Conv. sopp. B. 5, 114 !), fo].9r°a-9v°6, éd. A.Ledoux, art. cité, p. 151, et ailleurs : Verum est tamen ex hoc quod ponitur mundus ex nihilo non potest concludi novitas mundi, licet super hoc aliqui inviti plurimum videantur.il Sent., dist. I, q. ii, éd. citée, p. 145. A cause des raisons alléguées par Avicenne, Pierre de Trabibus refuse de mettre une répugnance directe et immédiate entre ex nihilo et ab œterno ; il la place au contraire entre esse faclum et ab œterno. L’argumentation de Pierre de Trabibus obtient de la sorte une portée plus universelle. De sa théorie, il suit en effet que, même en supposant la matière éternelle, il répugnerait d’admettre que les choses faites de cette matière soient éternelles. D’après saint Bonaventure, au contraire, quand on admet la matière éternelle, il ne répugne pas d’admettre le monde éternel : Ponere mundum œternum, præsupposita œternitate materiæ, rationabile videtur et intelligibile. Loc. cit. L’argument de Pierre de Trabibus paraît donc plus fondamental que celui du Docteur séraphique.

Les principes constitutifs des êtres créés.

Pierre

de Trabibus admet la matière et la forme dans tous les êtres créés, même dans les purs esprits, comme les anges et l’âme.

Il rejette la distinction réelle entre l’essence et l’existence, parce que toute essence et toute matière a de sua ratione et intellectu, une certaine actualité. D’où il suit que, même dans la matière, l’existence n’ajoute rien à l’essence. L’existence n’ajoute à l’essence aucune réalité positive, mais seulement alium modum significandi et dicendi, comme il résulte du texte suivant :

Dicendum quod nec in angelo nec in ente aliquo actuali et perfecto est dicere compositionem ex essentia et esse tamquam ex diversis naturis, eo quod omnis essentia de sua ratione et intellectu habet aliquod esse et aliquam actualitatem. Licet enim aliqua essentia, ut materia, de se non habeat perfectam actualitatem, necesse est tamen, qued habeat aliquam, licet imperfectam, quæ per forma’actualitatem habet perfici et compleri. Et ideo nec in materia esse addit ad essentiam… Unde generaliter verum est, quod esse rei proprium non addit ad essentiam rei propriam aliquid realiter différons ab ipsa, sed addit tantum alium modum significandi et dicendi. B. Jansen, art. cité, p. 247.

De même, selon Pierre de Trabibus, l’individuation et la personnalité dans les êtres raisonnables n’ajoutent aucune entité positive et réelle à l’essence. B. Jansen, ibid.

Pierre de Trabibus enseigne que la matière a une actualité par elle-même, indépendamment de la forme, et qu’elle est séparable de la forme. Ibid., p. 247. Quant à la forme, il soutient qu’elle communique son être à la matière, qu’elle absorbe et transforme complètement en elle-même. Se fondant sur cette théorie, Pierre de Trabibus, à la suite de Pierre Olivi, en an ! à l’étrange et singulière conception du mode d’union de l’âme avec le corps, qui suscita les oppositions les plus vives et qui fut condamnée au concile de Vienne. Il enseigne que l’âme raisonnable est constituée, d’un côté, de la matière spirituelle et, de l’autre, de trois formes partielles, les âmes végétative, sensitive et intellective. L’union de ces trois formes s’accomplit dans la matière spirituelle. Anima humana est suppositum quoddam substanliæ spiritualis, composilum ex materia et forma spirituali, comprehendens et aggregans plures formas, ut vegetativam, sensitivam et intellectivam in materia una, ita ut quælibet harum est pars quædam formalis suppositi illius in sua spirituali materia radicata. B. Jansen, art. cité, p. 250. A cette thèse de la pluralité de formes substantielles, admise généralement à cette époque par les représentants de l’école franciscaine, ainsi que parle dominicain Bobert Kilwardby, il en ajoute une autre, d’après laquelle, seules les formes végétative et sensitive, formes substantielles distinctes, informent directement et immédiatement le corps humain et s’unissent formellement à lui. Quant à la forme intellective, elle n’informe pas directement et immédiatement, par elle-même, le corps humain, mais se lie à lui par une cohérence substantielle au moyen de la forme sensitive : Licet anima intellectiva sit ultima perfectio hominis, non tamen secundum eam informat anima corpus, tribuens ei et communicans actum ejus. Ideo intellecliva manet libéra, quia non est essentialiter et per se materiæ corporali alligata ut forma et actus. Si, en effet, l’union de la forme intellective avec le corps humain était directe et formelle, ce dernier, d’après Pierre de Trabibus, deviendrait par le fait même spirituel et immortel. Car la forme, d’après ses théories, non seulement se communique à la matière, mais en absorbe tout l’être. Pierre de Trabibus enseigne en plus que la forme sensitive n’est point produite, par génération, mais par création.

Si sensitiva est a générante, sequitur ex eo unus error de duobus, aut quod intellectiva non est libéra nec possit supra se reflectere aut quod non sit aliquid de essentia hominis in constitutione. Quod de patet : Si enim sensitiva in homine educitur de principes corporis et non est a creatione idem in supposito cum intellectiva, tune aut intellectiva est substantia quædam immédiate et per se unibilis corpori huraano et per se perficiens illud et non per aliquid suppositi sui aut non. Si sic, ergo intellectiva est forma substantialis essentialiter et immédiate et per se alligata corpori vel materiæ corporali et operatio ejus erit dependens ab.organo corporali. Sed nulla talis forma potest supra se reflecti nec supra actum suum. Si non, ergo nullo modo unitur corpori ut forma et perfectio, quia non ratione sui, cum de se sit forma libéra et absoluta a corporali materia, nec ratione alicujus formae sibi consubstantialis in supposito suo, cum vegetativa et sensitiva non sint aliquid suppositi sui, si a principiis corporis sui educuntur. B. Jansen, art. cité, p. 250251.

Cette thèse singulière de l’information du corps par l’âme ne trouva point d’adhérents, si l’on excepte Olivi, dont Pierre de Trabibus dépend étroitement. Condamnée en 1283 par sept censeurs de l’université de Paris comme malsonnante et dangereuse, cette théorie fut dénoncée au concile de Vienne, qui la