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PIERRE DE TRAHI M US


et secundum modum naturse onuenientem. Ensuite, la paternité est une relation fondée dans un acte naturel ou de la nature, qui exige nécessairement un générateur et un engendré. Mais un tel acte est la génération du Fils. D’où Pierre de Trabibus conclut encore que la generatio divina est a natiira et secundum modum naturæ convenientem. Ensuite, de l’unité absolue existant entre le l’ère et le Fils, il déduit que la nature et la volonté du Père constituent un principe unique de la génération du Fils, sans aucune diversité in ratione principiandi, sicut nec in ratione essendi, si ce n’est que la génération du Fils signifie principalius un mode d’émanation de la nature, tandis que la procession du Saint-Esprit signifie principalius un acte d’émanation de la volonté. La volonté concourt à la génération du Fils non seulement en tant que principe, mais aussi avec son modus principiandi. La volonté, cependant, ne peut point être conçue comme précédant la génération ; elle l’accompagne plutôt (ms. cité, fol. 36 va-37 r°b). Quant à la procession du Saint-Esprit, Pierre de Trabibus enseigne qu’à cause de la perfection de la volonté divine il faut attribuer à celle-ci une force productive. Comme l’acte le plus parfait de la volonté est l’amour libéral. l’Esprit-Saint procède per modum liberalilatis : Propter perfectionem voluntatis necesse est ibi esse personam proeedentem per modum voluntatis, ut Spirilum Sanctum, qui etiam procedit per modum amoris et per modum liberalitatis ; per modum amoris, quia amor se habet ut prima perfeclio voluntatis, ex perjectione autem amoris venit perfeclio liberalitatis, e.’perfectione autem liberalilatis procedit in mente perfeclio doni. Unde Spiritus Sanctus procedit ut donum et dicitur donum (ms. cite, fol. 48 va). Bien que la volonté divine s’identifie avec la nature divine, secundum rem, elle en diffère cependant secundum modum principiandi. La génération et la procession sont distinctes l’une de l’autre realiter, comme les personnes du Fils et du Saint-Esprit ; formaliter, par elles-mêmes ; causaliter ou originaliter par leur principe (ms. cité, fol. 54 va). Le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Pierre de Trabibus le prouve, en dehors des textes habituels empruntés à l’Écriture sainte, par deux preuves de raison, l’une empruntée à la raison de la production, l’autre au mode de la distinction personnelle : Ratio etiam prædictw veritati sufjragatur, considerando ralionem intrinsecæ productionis et modum personalis distinctionis. Le principe de spiration est l’essence divine, en tant qu’elle est liée à la propriété de ne pas être produite par la spiration. Comme le Père et le Fils ne sont point produits par spiration, ils possèdent tous les deux l’essence divine avec la propriété de ne pas être produits par spiration. Ensuite, le principe de la production en Dieu est ou la nature ou la volonté, mais toutes deux seulement en tant qu’elles sont inhérentes à une personne, qui possède la priorité, c’est-à-dire qui n’est ni par génération, ni par spiration. Comme le Père n’est produit d’aucune façon, il peut produire par génération et par spiration. Comme le Fils n’est point produit par spiration, c’est-à-dire ne procède pas de la volonté, il peut produire par la volonté. La seconde preuve est fondée sur le principe, suivant lequel il existe en Dieu une unité absolue, qui exclut toute opposition relative. Le Père ne produit point le Saint-Esprit, en tant qu’il se trouve dans une opposition relative vis-à-vis du Fils. C’est pourquoi le Fils concourt à la production du Saint-Esprit de la même manière que le Père. Après cet exposé d’idées se rattachant étroitement à saint Anselme, on est surpris que Pierre de Trabibus défende l’opinion, suivant laquelle le Saint-Esprit, nonobstant sa procession nécessaire du Père et du Fils, serait encore distinct du Fils, même dans le cas où il ne procéderait pas de lui. Pierre de Trabibus admet un double

fondement de distinction en Dieu, d’abord la relation qui existe entre le producteur et le produit et ensuite les différents modes de production. Quand le premier fondement disparaîtrait, il resterait toujours le second. Même si le Père n’engendrait pas le Fils, il pourrait encore produire le Saint-Esprit par spiration, parce que la spiration ne lui ajoute aucune perfection, qu’il ne possédait pas antérieurement. Le Père et le Fils produisent le Fils par spiration, en tant qu’ils sont unis dans la puissance de produire par spiration, c’est-à-dire dans l’essence divine existant secundum modum non processionis.

En raison de cette identité de la puissance de produire par spiration, le Père ne concourt pas à la spiration antérieurement et dans une mesure plus grande que le Fils. Le Père et le Fils ne constituent cependant pas un seul et même principe, puisque alors il existerait une identité de supposila. Il faut donc admettre que Pater et Filins suntduospiratores(ms. cité, fol. 50 v°a— 53 r°b).

Quant à la théorie sur la constitution des personnes divines, Pierre de Trabibus dépend étroitement d’Olivi. Le fondement sur lequel il base l’existence des propriétés divines le prouve abondamment. En Dieu, à côté de l’unité absolue, il faut admettre la distinction des supposita. Or, s’il n’existait aucune propriété, aucun proprium, il n’y aurait qu’une réalité commune en Dieu. Mais tout ce qui est commun suppose en Dieu l’identité la plus absolue et l’unité numérique, de sorte que toute distinction devrait être exclue. Il en résulte qu’il doit exister en Dieu des propriétés, distinctes l’une de l’autre. Ces propriétés ne peuvent pas signifier un acte d’existence, parce que, dans ce cas, elles introduiraient la composition dans l’essence divine. Elles ne peuvent donc signifier qu’un mode déterminé d’être ou un mode de relation qui, avec l’essence divine, constitue la personne. Comme il y a plusieurs personnes, il doit exister plusieurs modes d’être, qui sont propres à chaque personne et incommunicables aux autres. Ensuite, il ne peut exister en Dieu de distinction que dans ce sens qu’une personne procède de l’autre, de sorte que chaque personne est dans une relation déterminée vis-à-vis des autres. La propriété n’ajoute donc à l’essence divine qu’un mode déterminé d’être ou de relation. La propriété de sa nature ne peut signifier qu’une relation, parce qu’il faut exclure toute distinction et division de l’essence divine. En opposition aux autres aceidents, la relation n’est point absorbée, dans toute son essence, par la substance. Dans l’être qui lui revient du rapport avec son objet, elle continue à exister et est distincte de l’essence. C’est pourquoi la relation peut être le fonderont d’un mode d’être, distinct du mode d’être substantiel, à savoir de l’être personnel, sans entraîner une composition en Dieu. A la question si les propriétés constituent le fondement de la distinction des personnes divines, Pierre de Trabibus allègue trois réponses, dont aucune ne le satisfait. Après quoi il démontre que les personnes divines sont distinctes l’une de l’autre aussi bien par elles-mêmes que par les propriétés. La propriété constitue pour chaque personne le fondement de l’être et de l’être distinct des autres, non en tant qu’elle est distincte de la personne, mais en tant qu’elle s’identifie avec la personne. Comme conséquence de cette manière de voir, il faut admettre qu’après l’abstraction de toutes les propriétés il est impossible de se représenter une personne. Après l’abstraction des propriétés qui ne signifient qu’un mode d’être ou une relation, on peut se représenter encore l’hypostase comme existante. Ainsi, le Père peut encore être représenté comme hypostase, quand on en abstrait la relation de la paternité, parce qu’il reste non engendré. La distinction a parte rei entre l’essence divine et les per-