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t. xxiii. p. 853. l’eu de temps après, il devient chancelier de l’Eglise de Paris. Jusqu’à sa mort, survenue en 1205, il occupe la chaire de théologie. Théologien réputé de son temps, il attire sur lui l’attention des souverains pontifes. Célestin III lui mande, conjointement avec le doyen de l’Église de Paris, de régler le différend qui avait surgi entre les moines de Saint-Éloi et les chanoines de l’abbaye de Saint-Victor. Innocent 111. à son tour, lui donne pleins pouvoirs pour liquider le procès pendant entre la comtesse de Blois et le chapitre de Chartres.

Quelques auteurs, comme Oudin, à la suite du Gallia christ iana relus, ont cru que Pierre de Poitiers avait été nomme archevêque d’Embrun, quelques années avant sa mort. C’est une erreur, qui repose sur une mauvaise lecture du texte suivant d’Albéric de Trois-Fontaines : Hertrannus, qui erat cancellarius ] J arisiensis post Pictavinum, faclus est archiepiscopus Ebredunensis, et magister Præpositivus factus est cancellarius Parisiensis. Loc. cit., an. 1206, p. 887. lig. 10. Par distraction, on a lu Pictavinus factus est archiepiscopus.

II. Œuvres. —— Un certain nombre d’œuvres composées par Pierre de Poitiers, au cours de son long professorat, nous sont restées : quelques-unes ont été imprimées, les autres sont demeurées inédites.

Travaux imprimés.

Dès 1615, dom Mathoud a

publié le De Iheologicis sententiis de Pierre de Poitiers, d’après un ras. transmis à dom d’Achery par Nicolas Camusat, texte reproduit dans P. L., t. ccxi, col. 7891280. Ce sont cinq livres de sentences dédiés à Guillaume, archevêque de Sens. Ils peuvent être considérés comme un résumé des leçons de théologie qu’avait données Pierre et où il s’était inspiré de l’exemple de Pierre Lombard. Son œuvre, en somme, peut être considérée comme un développement de celle du Maître des Sentences.

Dans le t. I, il traite de l’existence de Dieu, un et trine, de ses attributs et de sa prescience par rapport à la prédestination et à la réprobation. La création des anges, l’œuvre des six jours, l’état de l’homme avant et après son péché sont les questions abordées dans le 1. If. Dans le t. III, Pierre parle de la grâce, de la liberté, en conformité avec les principes de saint Augustin, de la contrition, de l’utilité relative de la crainte servile, de la nécessité de la confession, du péché mortel et véniel et des vertus théologales et autres. Les sacrements de la Loi ancienne, les dix commandements, les fautes de mensonge et de parjure et enfin l’incarnation font l’objet du 1. IV.

Dans le dernier livre, il y a des aperçus sur les sacrements de la Loi nouvelle, en particulier sur l’eucharistie, à propos de laquelle l’auteur distingue avec soin le sacrement constitué par les espèces du pain et du vin, qui demeurent après la consécration, d’avec le corps et le sang du Christ qui sont la res sacramenti. Il traite aussi de la matière et de la forme, et appelle le changement du pain et du vin au corps et au sang du Christ la transsubstantiation. Le De sententiis se termine par des réllexions sur le sacrement de mariage, sur 1 état de 1 âme, quand elle est séparée du corps et sur l’habitation des justes dans la patrie céleste.

Ce travail permet d’apprécier la position intellectuelle de Pierre de Poitiers. En ce temps, les théologiens se partageaient en trois tendances principales : les uns s’en tenaient à l’Ecriture sainte et à renseignement des Pères de l’Église ; les autres faisaient une part très large à la philosophie aristotélicienne ; certains, enfin, s’efforçaient d’unir la foi et la dialectique. Le chancelier de l’Église de Paris était du nombre de ces derniers. Pareille attitude lui valut la censure acerbe de Gautier, prieur de Saint-Victor, qui attaque très vivement Pierre dans le IV’des Libri contra quatiiùr labyrinlhos Francise (Abélard, Pierre Lombard,

Gilbert de La Porrée, et Pierre de Poitiers). Voir P. L.. t. cxcix, col. 1159-1172, el cf. ci-dessus, art. Pierre Lombard, col. 2008.

Dom Mathoud, dans la préface adressée au lecteur, au début de l’édition des œuvres de Pierre, énumère les propositions du chancelier, empruntées le plus souvent à Pierre Lombard, qui ne sont pas communément reçues dans les écoles et qui sont rejetées par celle de Paris, bien qu’aucune ne soit hérétique. P. L., t. ccxi, col. 783-790. Cf. ci-dessus, col. 2014.

Pierre de Poitiers est aussi l’auteur d’une (icnealogia et chronologia sanctorum patrum ab Adamo ad Christum. souvent appelée Compendium historiæ Yclcris et Novi Testamenti. C’est une histoire abrégée de la Bible, qui, à tort semble-t-il, a quelquefois été attribuée au moine de Cluny, Pierre de Poitiers. Brève, aride et contenant de nombreuses erreurs chronologiques, elle est de peu de valeur. Huldric Zwingle, le Jeune, l’a imprimée à Zurich, en 1591, en tête de sa propre Chronologia.

Ouvrages non imprimes.

Il faut signaler

d’abord des gloses sur les Sentences de Pierre Lombard, rédigées certainement avant la composition du grand travail de Pierre de Poitiers. On les trouve dans le ms. de Bamberg, Q, vi, 53, fol. 27 r° sq., sur lequel le P. de Ghellinck a récemment attiré l’attention. Les autres travaux portent en majeure partie sur l’Écriture sainte. Dans le nombre, il faut compter : Allegoriæ super Vêtus et Novum Testamentum ; Allegoriw ordinaria’in Exodum, Leviticum ; Distinctiones in Psalmos ; Tractatus super tabernaculum Mogsis ; Glossæ super Novum Testamentum ; Glossæ in divi Pauli et Jacobi epistolas. Dans ces divers commentaires, souvent superficiels, car l’auteur n’a pas la science philologique et grammaticale suffisante, il y a une part trop large faite à l’allégorie et à la dialectique.

Pierre de Poitiers a joui en son temps d’une fort grande réputation. Les recherches modernes tendent à lui assigner un rôle très honorable dans le mouvement théologique du xiie siècle. Pour n’avoir pas eu le succès posthume de celles de Pierre Lombard, ses Sentences témoignent d’une formation théologique de très réelle valeur. Disciple du Lombard, il a su transmettre à plusieurs générations d’étudiants les méthodes, à la fois positives et dialectiques, qui avaient fait le succès de l’enseignement de son maître. Il mériterait, à coup sûr, une étude approfondie.

Notices et travaux ! — Du Boulay, Ilisl. univers. Paris., t. ii, p. 767 et passim. ; t. iii, p. 704 et passim ; J. Lebeuf, Dissertations sur l’hist. eccl. et civile de Paris, t. ii, p. 133 ; J. Lelong, Bibliollu sacra, part. II, p. 901 ; Oudin, Script, eccles., t. ii, 1722, p. 1499-1503 ; R. Çeillier, Hist. des auteurs eccl., t. xxiii, 1763, p. 53-57 (2e édit., t. xiv, p. 568-570) ; Hist. liit. de la France, t. xvi, 1824, p. 484-490 (notice de Daunou) ; Dreux-Duradier, Hist. litt. du Poitou, t. ii, 1849, p. 328-340 ; Bourgain, La chaire française au XIIe siècle, Paris 1879, p. 54-55 ; Féret, La faculté de théologie de Paris, t. i, Paris, 1894, p. 68-72 ; M. Grabmann, Gesch. der schol. Méthode, t. ii, Frihourg, 1911, p. 501-534 ; du même, Gesch. der Théologie, I’ribourg, 1933, p. 11 ; J. de Ghellinck, Le mouvement théologique du XIIe siècle, Paris, 1914, passim, voir table alphabétique ; Ueberweg-Geyer, Die patristische und scholast. Philosophie, 1928.

N. lUNG.

59. PIERRE DE POITIERS, chanoine de Saint-Victor est à distinguer des deux précédents ; il vivait à Saint-Victor de Paris au début du xiu° siècle. Hauréau a fait connaître de lui plusieurs ouvrages qui ne sont pas sans intérêt pour l’étude de la morale au milieu du Moyen Age. Le premier est une Somme. incipit : Qui parce séminal parce et nu tel, contenue dans le Paris, lai. 14-886, fol. 85-179, rassemblant les passades scripturaires propres à établir les divers dogmes et a fournir des arguments aux prédicateurs à qui sont même proposés des modèles de sermons. Au même ms.,