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PIERRE DE LIJNA. VI K


(16 septembre). Tout ce qu’avait dit jusque-là Pierre de Luna pouvait luire espérer qu’il serait en cette conjoncture l’artisan de l’union. Son influence était grande dans le Sacré Collège ; elle eût pu tout au moins décider ses collègues à surseoir à une élection que le gouvernement français déconseillait. Pierre semble au contraire avoir empêché que la communication de Charles VI, arrivée en Avignon après que les cardinaux étaient déjà entrés en conclave, fût connue de ceux-ci. Il apparaissait d’ailleurs comme le candidat désigné. Partisan connu de la < voie de cession » il allait rallier les suffrages de ceux qui voulaient mettre un terme à un schisme qui avait trop duré. Comme ses collègues, d’ailleurs, il avait juré une promesse, suivant laquelle, au cas où il serait élu, il rechercherait par tous les moyens, y compris la voie de cession, à pacifier l'Église. Le 28 septembre, à l’unanimité des voix, moins une seule, il était élu et prenait le nom de Benoît XIII ; le 3 octobre, il était ordonné prêtre et, le 1 1 du même mois, consacré évêque et couronné pape.

Le pontificat.

Son histoire est désormais l’histoire du Grand Schisme et nous ne l’esquisserons qu'à

très grands traits.

1. Jusqu'à lu convocation du concile de Pise. — Dès le printemps de 1395, Benoît XIII voit arriver une grande ambassade française qui vient sol iciter le pape d’entrer dans la voie de cession. Mais, dès ce moment, il devient évident que Benoît XIII n’a guère l’intention d’exécuter les promesses antérieurement données. Tout au plus se prêterait-il à la « voie de compromis » et, de fait, en août 1396, il envoie à son rival, Boniface IX (élu le 2 novembre 1389 à la place d’Urbain VI) une ambassade destinée à préparer les voies à une entente mutuelle des deux concurrents. Ces atermoiements de Benoît XIII irritent le gouvernement français ; l’idée de contraindre le pape à l’abdication, en refusant de lui obéir, fait son chemin. Finalement, la « soustraction d’obédience » est prescrite par un édit de juillet 1398, qui supprime en France l’exercice de toute juridiction apostolique. L’ensemble du Sacré Collège entre en lutte ouverte avec Benoît XIII, se retire en territoire français et s’associe aux hostilités que le peuple d’Avignon poursuit contre le pape. Assiégé pendant plusieurs années dans le palais des Doms, Benoît résiste héroïquement, tout en se prêtant à diverses négociations. Puis, soudain, en mars 1403, on apprend que le pape, , trompant la surveillance des assiégeants, s’est enfui d’Avignon et s’est réfugié à Château-Renard, dans le royaume de Provence (Il mars). Force est bien de traiter avec lui. Le Sacré Collège, puis la Castille et la France, proclament la « restitution d’obédience » ; le pape rentre ainsi en possession de tous ses droits. Évitant de retourner en Avignon, il s'établit à Saint-Victor de Marseille en 1404, et c’est de là qu’il entame avec le pape de Rome, Boniface IX, de nouvelles négociations dans lesquelles l’obstination de son rival semble lui donner le beau rôle. Celui-ci meurt le 1 er octobre 1404 ; l’ambassade de Benoît essaie vainement d’empêcher une nouvelle élection. Non moins vaines sont les négociations poursuivies avec le nouvel élu, Côme Megliorato (Innocent VII), qui traînent jusqu’en février 1405.

C’est alors que Benoît XIII, qui a réussi à étendre son obédience en Italie, s’engage à nouveau dans cette « voie de fait » qui avait si mal réussi à son prédécesseur. Installé à Gênes, au printemps de 1405, il s’efforce de conquérir par les armes le nord de l’Italie ; il arrive jusqu'à Pise, mais est forcé de rétrograder à l’automne. On le trouvera désormais sur la côte provençale à Nice, à Toulon, à Marseille.

Mais cette attitude de Benoît XIII lui aliène à nouveau la sympathie de ses fidèles. En France, on recommence à parler de soustraction d’obédience. On en

parle de plus en plus quand, la mort d’Innocent Vil (6 novembre 1 106) ayant amené sur le trône de Rome Ange Correr (Grégoire XII ». l’on apprend que le rival île Benoit XIII est absolument décidé à entrer dans la » voie de cession. Le pape avignonnais est dès lors obligé, à son corps défendant, d’entrer en conférence avec Grégoire XII. En janvier 1407, il se déclare prêt à se rencontrer, lui et son collège, avec son rival assisté lui-même de ses cardinaux. Il résignerait ses droite pourvu que l’autre pape en fît autant, et les deux collèges réunis procéderaient de concert à l'élection du nouveau pape.

Toute l’année 1407 et les premiers mois de 1408 seront remplis par des vaines tentatives de rencontre. A voir les choses de l’extérieur, Benoît XIII a maintenant le beau rôle, se portant à la rencontre de son concurrent, arrivant à l’avance aux lieux dont on est convenu, acceptant à plusieurs reprises les changements que propose Grégoire XII. Celui-ci, au contraire, , multiplie les atermoiements, invoque sans cesse de nouveaux prétextes pour retarder l’entrevue, jusqu'à ce qu’enfin la prise de Rome par le roi de Naples Ladislas, 25 avril 1408, lui fournit l’occasion, sans doute cherchée, de se soustraire à ses promesses.

A ce moment, la situation de Benoît XIII apparaît plus forte que jamais, d’autant que l’obédience de Grégoire XII, irritée des manques de parole de son pape, menace de se dérober. Mais un acte inconsidéré de Benoît va le perdre définitivement, au temps même où il pouvait tout espérer. Inquiet de quelques remous qui se manifestent au sein du gouvernement français depuis l’assassinat du duc d’Orléans (22 novembre 1407), il publie, le 18 avril 1408, une bulle, préparée longtemps à l’avance, et qui menace des plus graves peines les souverains qui tenteraient de lui désobéir. Les princes qui gouvernent la France au nom du pauvre Charles VI sont exaspérés ; le 25 mai 1408 paraît, signée par le roi, une « déclaration de neutralité » entre les deux papes rivaux.

2. Du concile de Pise au concile de Constance. — Puisque l’on ne peut rien obtenir des deux papes, il faudrabien que l’on rétablisse l’union sans eux. Les. événements, désormais, vont se précipiter. Les cardinaux de Grégoire XII ont abandonné leur maître, et tentent d’obtenir d’abord de conquérir Benoît XIII à leurs desseins. S’ils n’arrivent pas à le convaincre, du moins parviennent-ils à détacher de lui la plupart de ses cardinaux. Le 29 juin 1408, le Sacré Collège, formé par la réunion des « clémentistes » et des- « urbanistes », convoque à Pise, pour le 25 mars 14119. un concile général chargé de rétablir l’unité dans l'Église.

Benoît XIII, demeuré jusqu’en juin 1408 sur la Rivière de Gênes, essaie de parer le coup en convoquant à Perpignan, pour la Toussaint de- 1408, un concile général. En toute célérité, au cours de juin, il regagne l' Aragon en suivant les côtes de la Méditerranée. Le 1 er juillet il est à Port-Vendres et c’est de là qu’il prépare le concile qui s’ouvre, de fait, à Perpignan, le 21 novembre 1408. Benoît essaie d’y regrouper les débris de son obédience, laquelle reste constituée par l’Ecosse et une grande partie de la péninsule ibérique. Mais il se trompait s’il croyait trouver un appui dans ce concile contre les entreprises du Sacré Collège qui avait définitivement scellé son unité. Son concile se sépare au cours de février 1409. en rédigeant une adresse qui recommande la « cession ». Or, moins que jamais. Benoît XIII était, à ce moment, disposé à l’abdication : « Il en venait à croire que, s’il quittait son poste, l'Église, pour toujours privée de chef légitime, perdrait le pouvoir des clefs, sans espoir de le recouvrer, à moins que Dieu ne consentît à s’incarner une seconde fois. » X. Valois, op. cit., t. iv. p. 52.