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PIKKKK LOMBARD. DOCTRI.N KS


coup plus fréquent de l'œuvre du Damascène, qui figure en christologie avec une vingtaine de citations, tandis que le traité de la Trinité n’en avait que huit. Voir Mouvement théologique, p. 241..Mais cela ne veut pas dire que Pierre Lombard se soit imprégné de la mentalité grecque de son modèle OU qu’il se soit assimilé profondément les conceptions damascéniennes, comme on peut le constater par exemple chez saint Thomas à propos de certains ouvrages de saint Cyrille ou de.Jean Damascène. Voir J. Backes, Die Christologie des heil. Thomas und die griechischen Kirchenvater, dans les Forschungen zur christlichen Literaturund Dogmengeschichte, t. xvii, fasc. 3-4, Paderborn, 1931, p. 123, 127 sq. La part de saint Augustin, qui n’a pas écrit d’ouvrage spécial sur la christologie, n ! a plus, évidemment, la même prépondérance que dans les trois autres livres.

Une autre constatation s’impose aussi : en christologie, malgré ses nombreux emprunts textuels à Hugues de Saint-Victor, le Lombard se ressent fortement de l’enseignement d’Abélardet, dans l’ensemble, pour l’union des deux natures et ses corollaires, il est beaucoup plus voisin d’Abélard que du Victorin, malgré quelques précisions et perfectionnements de détail qu’il apporte aux doctrines victorines. Tout l’exposé christologique, fortement disséqué ou dispersé en petites questions, qu’alimente ou mieux que dessèche la dialectique envahissante du xiie siècle, se range donc du côté de ce qu’on a appelé les christologies dialectiques, par opposition à un autre groupe improprement nommé les christologies mystiques. L’on y trouve, sans doute, un bon nombre des principales thèses de détail qui se perpétueront, souvent précisées, complétées et perfectionnées, dans la dogmatique catholique. Mais plus rien n’y rappelle l’exposé si pieux, si ferme et si synthétique d’Hugues de Saint-Victor et, comme ensemble, la rançon de quelques rectifications à l’enseignement d’Hugues, qui accentue trop l’identité entre le Verbe et l’humanité du Christ, se trouve dans une présentation incomplète de l’union personnelle : insuffisance qui vicie toute la christologie du xii c siècle, et que ne rachètent pas chez Pierre Lombard des développements plus ou moins personnels et des discussions plus étendues que dans les autres livres.

Ces remarques aideront à saisir plus exactement le contenu des dist. VI-XI, p. 573 sq., où se rencontre l’exposé des trois systèmes sur l’union hypostatique, dist. VI sq., p. 573 sq., qui se partagent tout l’enseignement christologique du xiie siècle, jusqu'à ce que saint Thomas, par son analyse, In 1 1 I am Sent., dist. VI, remette chaque chose à sa vraie place. Une espèce de commentaire théologieo-historique des dist. VI et VII est donnée par un contemporain, Jean de Cornouailles, Eiilogium ad Atexandrum III, dont il sera question col. 2003. Cf. P. L., t. cxcix, col. 10431086. On devra voir aussi la dist. IX, p. 591, à propos de l’adoration de l’humanité du Christ, exposé d’une fermeté contestable ; car, en somme, Pierre Lombard, qui y introduit un texte du Damascène plus net que ses propres prémisses christologiques, ne dit pas franchement qu’il tranche la question dans le sens de la seconde solution, celle du Damascène et d’Augustin ; toutefois, il a trouvé grâce devant Eberhard de Bamberg, qui tempère l’ardeur combattive de Gerhoch de Reichersberg, en le renvoyant à ce passage des Sentences. Epist., xvi, P. L., t. exem, col. 562 A sq. Puis, vient la dist. X, sur le nihilisme christologique, erreur maîtresse du système christologique abélardien, admise par Pierre Lombard et qui niait non pas la réalité du corps et de l'âme de Jésus-Christ, mais l’union substantielle qui permet d’affirmer l’identité personnelle du Verbe avec cette humanité ; de là aussi.

comme corollaire, l’adoptianisme et les virulents débats dont l’un et l’autre, nihilisme et adoptianisme, furent l’objet à Borne (Adam, chanoine du Latran), en Bavière (Gerhoch et ses frères, Folmar, etc.), en France (conciles divers), pour aboutir, en 1177, à la condamnai ion d’une formule enseignée jadis par Roland Bandinelli, reprise par Pierre Lombard et finalement proscrite par son auteur devenu pape sous le nom d’Alexandre III. Denzinger, n. 393, et Corpus juris, Décret., t. V, tit. vii, c. 7, Friedberg, t. ii, col. 779.

D’autres questions mériteraient encore attention, comme celle de la science du Christ, dist. XIII et XIV, p. 603 sq., avec des solutions qui complètent ou rectifient, par l’admission d’une science créée, ce que Hugues de Saint-Victor et en partie la Summa Sententiarum avaient dit de la science infinie et incréée de l’humanité du Christ, ou comme celle du mérite du Christ sibi et nobis, de la dist. XVIII, p. 628 sq., ou comme celles du Christ au tombeau, des dist. XXIXXI 1, p. 6Il sq., le Christ au tombeau était-il encore homme ? l'âme ou le corps fut-il séparé du Verbe ? Dans ces questions, qui passionnent tous les auteurs du xiie siècle et qu’ils traitent souvent fort dialectiquement, même Hugues de Saint-Victor, De sacramentis, t. II, pari. I, c. xi, P. L.. t. ci.xxvi, col. 409-410, il est surprenant qu’au lieu de s’en tenir a un texte de saint Ambroise, ibid., p. 645, le Lombard n’ait pas recouru à l’idée de saint Hilaire. sinon à celle de saint Athanase, qui avait résolu le problème dans le sens négatif de saint Ambroise. Voir J. Lebon, Une ancienne opinion sur la condition du corps du Christ dans la mort, dans la Revue d’hist. ecclés., t. xxiii, 1927, p. 10-11, 15-43 et 209-241.

Dans le traité de la rédemption, très court du reste, dist. XIX-XX, p. 634-644, il y a plus et mieux que la doctrine trop subjective d’Abélard, mais rien encore de la puissante conception de saint Anselme, qui ne triomphera que vers la fin du xiie siècle. Voir J. Rivière, Le dogme de la rédemption, essai d'étude historique, Paris, 1905, p. 346-351 et 475-478. Sur ces matières christologiques, voir ici art. Abélard, t. I, col. 53 ; art. Adoptianisme au xiie siècle, t. i, col. 413-418 avec les auteurs cités ; O. Baltzer, Beitriïge zur Geschichte des christologischen Dogmas im XI. und xiI. Jahrhundert (en le corrigeant), dans les Studien zur Geschichte der Théologie und der Kirche, t. ii, fasc. 1, Leipzig, 1898 ; J. Bach, Die Dogmengeschichle des Mittelalters vom christologischen Standpunkte, t. n. Vienne, 1875, passim.

Le traité des vertus, on l’a vu plus haut, se rattache à la christologie, par la question : Si Christus habucrit /idem, spem et carilatem, dist. XXIII, p. 655 ; après les vertus théologales, Pierre Lombard passe aux vertus cardinales, dist. XXXIII, p. 697, et aux dons du Saint-Esprit, dist. XXXIV, p. 699, toujours avec la même question qui marque le point de suture : utrum in Christo fuerint, p. 697 et 700. La place de ces traités est en général la même dans les œuvres du xiie siècle : espèce de compromis, dirait-on, plus ou moins réussi, entre l’ordre réalistico-historique d’Hugues de SaintVictor et le classement dialectique des autres écoles. Certaines vertus sont étudiées très brièvement, telle la prudence ; il en sera ainsi jusqu'à Guillaume d’Auxerre ou mieux jusqu’au chancelier Philippe de Grève ; voir dist. XXXIII, p. 697, et Lottin, O. S. B., Les débuts du traité de la prudence au Moyen Age, dans Recherches de théologie ancienne et médiévale, t. iv, 1932, p. 270 sq.

L’identité ou la distinction entre les dons du Saint-Esprit et les vertus est une question qui n’a guère beaucoup retenu Pierre Lombard. Comme Hugues de Saint-Victor, il ne les distingue pas réellement, De sacramentis, t. II, part. XIII, c. n P. L., t. ci.xxvi,