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    1. PIERRE LOMBARD##


PIERRE LOMBARD. DOCTRINES

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ou au I. III. Mais d’autres parties des Sentences contiennent aussi des questions relatives à la grâce, comme à propos de la grâce donnée aux anges, t. II, dist. IIVII surtout, de la fin surnaturelle, t. I, dist. I, t. II, dist. I. t. IV, dist. XLIX, de la prédestination, réprobation et prescience, t. I, dist. XL, XLI et XXXVIII, du premier homme au paradis, t. II, dist. XVI sq., surtout XIX-XXIII, de la chute originelle et de ses suites, 1. II. dist. XXX-XXXIII, du péché, dist. XXXVI, etc., de la justification, du mérite, des vertus, des dons, des degrés préparatoires, de leur connexion, etc., de l’application par les sacrements, etc., t. III, dist. XVIII, etc., XXIII, XXVII, XXXI-XXXVI, 1. IV. dist. IV, XIV-XXI, etc., où l’on trouvera diverses contributions souvent importantes. On pourra y joindre, pour s'éclairer, un grand nombre de passages de l'œuvre exégétique, surtout du commentaire sur saint Paul, qui aide à mieux connaître l’idée de Pierre Lombard, à retrouver les sources et l'évolution de sa pensée et à suivre les progrès de sa doctrine. Le travail déjà cité de Schupp a abondamment utilisé ces Collectanea. Mais il faudra distinguer entre les citations et le texte personnel du Lombard et ne pas oublier que la pensée théologique du Magister s’est principalement et finalement énoncée dans ses Sentences, qu’elle s’y montre plus claire et plus fixée et que c’est par là qu’elle a surtout influencé l’enseignement universitaire médiéval. Cette pensée, qui a exploité, trop exclusivement peut-être, une des caractéristiques d’Augustin, est beaucoup plus empirique et psychologique, a-t-on dit, que métaphysique ; d’instinct à peu près plutôt que par une marche spéculative, il arrive à saisir la vraie note. Insuffisance du plan, manque de vue d’ensemble, terminologie laborieuse, réserves ou réticences trop fréquentes, exégèse fourvoyée par l’allégorisme, tels sont les reproches qu’on peut faire à son exposé, malgré ses progrès sur le commentaire de saint Paul. Par suite, il laisse beaucoup encore à faire à ses successeurs : nature et surnaturel, essence de la grâce, grâce actuelle et habituelle, suites du péché originel, corollaires de la justification, espèces du mérite, etc., mais surtout la synthèse de la construction et ses fondements métaphysiques. Mais il a montré son sens théologique en dégageant, habituellement avec netteté, les principales positions catholiques et en rejetant avec la plus grande énergie, grâce à un coup d'œil qui accuse une réelle pénétration, les idées erronées d’Abélard ou celles des gilbertins ainsi que leurs suites ou leurs prémisses. Sur tout ceci on peut voir la forte étude déjà citée de Schupp, passim, conclusion, p. 287-289, 298-302.

Pierre s’inspire beaucoup d’Augustin, de la Summa Sententittrani et d’Hugues de Saint-Victor. S’il a été initiateur en introduisant certaines considérations dans le courant scolaire grâce à son Commentaire sur Paul, voir Landgraf, Studien zur Erkenntnis des Uebernalùrliclien in der Frùhscholastik, dans Scholaslik, t. iv, 1929, p. 11, 17, il faut reconnaître qu’il ne pénètre pas le problème de la conciliation entre la grâce et la liberté. Son contemporain, Robert de Melun, a des idées beaucoup plus nettes et tranchées ; dom Mathoud, qui avait songé à éditer l'œuvre, le faisait déjà remarquer ; voir sa note à propos des sentences de Robert le Poule dans /'. L.. t. clxxxvi, col. 1015 C, et R. Martin, O. P.. L’oeuvre théologique de Robert de Melun, dans la Reime d’hist. ecclés., t. xv, 1914-1920, p. 480-481. Sur ces mêmes matières de la grâce, du mérite, etc., la comparaison avec d’autres auteurs de la préscolastique montre que Pierre Lombard est loin d'être complet et n’est pas toujours net. Landgraf, Die Vorbereitung auf die Rechlferligung und die Eingiessung der heiligmachenden Gnade in der Frùhscholastik, dans Scholastik, t. vi, 1931, p. 65 sq., 483 sq., 355 sq., etc.

A propos du libre arbitre, dist. XXIV, c. I, p. 119, et dist. XXV. c. 1-9, p. 428-436, on remarquera sa définition prise, sans le dire, à Boèce, sans doute par l’intermédiaire d’Abélard, la manière dont il conçoit la liberté en Dieu et les quatre stades ou états de la liberté avant ou après la chute ; ce qui est pris directement à la Summa Sententiarum, III, 9. Mais, avant cela, dist. XX IV, c. 3, p. 421, il avait donné une autre définition, qui s’inspire des Sententi ; e divinitatis et se ressent de la condamnation de Sens en 1 140 ; il s’essaie. pas toujours avec succès, à harmoniser des inspirations diverses prises à Abélard, au Victorin et à la Summa Sententiarum. Voir O. Lottin, Les définitions du libre arbitre au XIIe siècle, dans Revue thomiste, nouv. série. t. x, 1927, p. 118-120.

La fin du 1. II contient un certain nombre de doctrines dont le développement, au xiie siècle et ensuite, soulève actuellement pas mal d’intérêt. Signalons la théorie de Pierre Lombard des mouvements premiers de l’appétit sensitif, dist. XXIV, c. 4, 9-10, p. 421427 ; sa solution sévère appuyée apparemment sur Augustin, ou plutôt encadrée de phrases d’Augustin, sera prise tout un temps pour celle même du docteur d’Hippone. Voir O. Lottin, La doctrine morale des mouvements premiers de l’appétit sensiti/ aux.XIIe et XIIIe s., dans les Archives d’hist. doctr. et litt. du Moyen Age, t. vi, 1932, p. 51 sq. ; Th. Deman, Le péché de sensualité, dans les Mélanges Mandonnet, t. i, Paris, 1930, p. 265-283.

Sa théorie sur le péché véniel et la différenciation entre le péché véniel et le péché mortel, prend pour base les diverses puissances de l'âme (comment les distingue-t-il et dans laquelle des deux catégories de Jean de Salisbury, Metalogicus, iv, 9, P. L., t. cxcix, col. 922 A, se place-t-il ? Il n’est pas aisé de le démêler, si on’rapproche de cette dist. XXIV, la dist. III, c. 2, du t. I, p. 33-35). II admet et précise la solution classique du xiie siècle : le péché véniel et le péché mortel se différencient d’après la puissance de l'âme où chacun a son siège. Voir Landgraf, Das Wesen der lasslichen Sùnde in der Scholastik bis Thomas von Aquin, Ramberg, 1923, p. 26-27 et passim.

A propos de cette classification des puissances de l'âme, dist. XXIV, c. 3-5, p. 421-422, Pierre Lombard ne connaît rien de l’analyse faite par le Damascène dans le De fide orthodoxa, du processus psychologique de l’acte humain, et il faudra attendre jusqu'à Hugues de Saint-Cher pour que la scolastique s’en inspire. Voir O. Lottin, La psychologie de l’acte humain chez saint Jean Damascène et les théologiens du XIIIe siècle occidental, dans la Revue thomiste, nouv. série, t. xiv, 1931, p. 636-637 et 658-659.

Le traité du péché actuel et celui de la moralité des actes en général, rattaché au péché depuis Abélard, donne lieu à quelques constatations intéressantes, dist. XXXIV sq., qui montrent le rôle de Pierre Lombard dans l'évolution des doctrines, notamment dans son opposition à Abélard à propos de l’intention et de l’acte extérieur, comme aussi sa place, bien minime, dans la préparation du traité de la syndérèse, scintilla rationis, dist. XXXIX, c. 3, p. 517, qui sera élaboré par ses disciples, Pierre de Poitiers et d’autres, Philippe de Grève, etc. Voir Lottin, Les éléments de la moralité des actes dans les écoles avant saint Thomas, Les premiers linéaments du traité de la syndérèse au Moyen Age, Le fondateur du traité de la syndérèse au Moyen Age, dans la Revue néo-scolastique, t. xxiv, 1922, p. 25 sq., 32-36 et 62-65 ; t. xxvi, 1926, p. 422-425, et t. xxvii, 1927, p. 197, etc.

3° Livre LU. - — Ce livre, qui comprend surtout la christologie, prêteà des remarques non moins suggestives. Pour ne pas prolonger cette revue, signalons seulement quelques points, et d’abord, l’emploi beau-