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PIERRE LOMBARD. DOCTRINES


Pierre Lombard l’appuie, non pas sur l’analyse de la formule grecque a Paire per Filium, mais sur l’expression Spiritus Filii et l’apport de quelques textes, dont plusieurs apocryphes ; ici encore, AhélanI lui servait de modèle. P. L.. I. clxxvhi, col. 1303.

La théologie du Saint-Esprit, très développée dans le Livre des Sentences, où elle prend plus de dix distinctions, X-XIX, et ensuite passim. appellerait plus d’une étude ; Pierre Lombard y soulève beaucoup de questions, y avoue plus d’une fois son ignorance, comme à propos de la nature de la « notion » du l'ère cl du Fils, principe du Saint-Esprit : Yunica spiratio que consacrera le IIe concile de Lyon en 1274, Dcnzinger, n. 460, lui est encore inconnue. Dist. XXIX, c. 4. Faisons remarquer encore l’importante et intéressante question de l’habitation du Saint-Esprit en nous et de l’identification du Saint-Esprit avec notre amour de Dieu et du prochain. Dist. XVII, p. 106 sq. Objet de diseussions fréquentes dans les traités anciens et modernes de théologie, comme dans nos manuels contemporains, la doctrine de Pierre Lombard a suscité beaucoup d’intérêt ; l'étude de ses sources, pour un avis si original, a commencé à attirer l’attention. Cette étude, qui en grande partie est encore à faire, aboutirait vraisemblablement à dire que la peiisée de Pierre Lombard s’est petit à petit formée au contact des textes de saint Augustin, dont elle a plus ou moins forcé ou déformé la portée, et cela entre la composition du commentaire sur saint Paul et celle des Sentences. Les sources grecques seraient sans doute à écarter, tout attirantes qu’elles soient à première vue. S’est-il inspiré de quelques brefs énoncés de Cassien, du moine Candidus, de Paschase Radbert ? ou aussi de quelques contemporains ? Toujours est-il qu'à la manière dont il parle et se défend, on sent qu’il a rencontré une opposition, qu’après lui, en dépit de quelques adhésions enthousiastes comme celle de Bandinus, ont vigoureusement renforcée Gandulphe et Simon de Tournai, et que, bientôt, l’ensemble des théologiens allait rendre définitivement triomphante. Voir J. Schupp, Die Gnadenlehre des Pelrus Lombardus, p. 216-242, et les articles mentionnés dans notre bibliographie, études spéciales.

L’enseignement d’Augustin, du reste, est partout à la base de la doctrine lombardienne, aussi bien à propos du sens absolu qu’il est porté à donner au mot persona, dist. XXV, c. 1-3, p. 156-163, que pour l’interprétation psychologique de la Trinité, qu’il lègue à tout le Moyen Age, et pour les autres problèmes trinitaires. Parfois, il lui arrive de compléter ou d’interpréter heureusement le Maître, par exemple dist. VII, c. 1, p. 55, à propos du texte Contra Maximinum : neque non potuit sed non oportuit ; mais une étude des sources très minutieuse serait indispensable pour être sûr que ce titre de gloire ne revient pas à un autre de ses modèles. Voir Schmaus, Die psychologische Trinitàtslelire des heil. Augustinus, dans Mùnsterische Beitreige zur Théologie" t. xi. Munster, 1927, p. 144, 149, 148, 119, etc. Pour tout l’ensemble de la doctrine trinitaire, il est surprenant que le Maître des Sentences n’ait utilisé Jean Damascène que dans la seconde moitié de son traité, à partir de la dist. XIX. On s'étonne aussi qu’il n’ait pas plus recouru directement à Boèce, qu’il ne cite guère, et aux conciles de Tolède, si étonnamment nourris et si riches en exposés trinitaires, dont il n’invoque que deux fois le témoignage et cela à propos de l’incarnation, t. III, dist. V, c. 1, p. 567, et pas à propos de la Trinité. Son attitude dans la question de la distinction numérique des personnes, dist. XIX, c. 10, p. 135, se rapproche de celle de Clarembauld d’Arras, op. cit., p. 51*, contre la théorie de Gilbert de La Porrée, ibid., p. 133 ; la solution pour la persona. dist. XXIV et XXV, p. 154, 160-163,

entendue dans le sens de subsislentia, liyposlasis chez les Grecs, contre les porrétains, est devenue classique. Voir Chossat, op. cit., p. 136-139.

Dans les dernières distinctions du 1. I qui traitent de diverses matières du De Deo uno, on remarquera les idées sur la prédestination, qui pourraient être mieux groupées et mieux étreintes. Dist. XXXV, c. 1 et 7 ; dist. XL. et passim ; dist. XLYI, XL II, p. 220, 2 19, 278, 287, etc. (.'est plutôt une juxtaposition de sentences qu’un exposé systématiquement construit ; voir plus loin, à propos de la grâce. A mentionner encore, comme exemple de rectitude théologique, l’opposition à l’optimisme abélardien. Dist. XLIII, p. 263. Mais ici, encore une fois, comme en maint autre endroit, les guides du Lombard, à savoir Hugues de Saint-Victor et l’auteur de la Summa Sententiarum, dont le Magister Sententiarum copie la pensée et habituellement l’expression, peuvent revendiquer pour eux le principal mérite de ces énoncés.

Livre II.

Cette analyse théologique du I er livre,

toute fragmentaire qu’elle soit, a permis d’apprécier le genre de Pierre Lombard et son attitude dans les questions doctrinales du moment. Dans le IIe livre, il y aurait aussi pas mal de choses à relever, à propos de la création, voir ici, t. iii, col. 2082, de l’angélologie, t. i, col. 1223-1227 et 2143, de l'œuvre des six jours, t. vi, col. 2339, de l'âme et de l’anthropologie, t. i, col. 1006, du péché originel, de la grâce et du péché. Signalons la circonspection du Magister à propos de la complète incorporéité des anges, dist. VIII, c. 1, p. 340-341, qui répond à l’attitude qu’il a prise dès le livre I, dist. VIII, c. 4, p. 61-62 ; elle s’explique du reste facilement par la réaction de Gilbert de La Porrée contre le mouvement commencé sous Anselme de Laon et Hugues de Saint-Victor en faveur de la simplicité de la nature angélique. Voir Lottin, La composition hijlémorphique des substances spirituelles, dans Revue nco-scolastique, t. xxxiv, 1932, p. 22-24. Mentionnons encore son affirmation à propos de l’ange gardien, dist. XI, c. 1, p. 353-355 ; la netteté de sa réponse à propos de la création de l'âme, dist. XVII, c. 1, p.- 382-383, appuyée du reste sur le De Genesi ad littéraux d’Augustin, et qu’il faudrait rapprocher de la dist. XXXI, p. 468, sur la transmission du péché originel ; les questions relatives à la prévision de la chute et qui auraient pu venir plus haut avec la prédestination, dist. XXIII, c. 7, p. 416-417, et dist. XXXII, c. 6, p. 478 ; et surtout le grand traité du péché originel, dist. XXX-XXXIII, p. 460-487, avec les dist. XXIXXIII, p. 403-419, qui traitent de la chute d’Adam. Pierre Lombard se rallie à l’idée d’Augustin, qui domine d’ailleurs toute la préscolastique, et qui fait consister le péché originel dans la concupiscence coupable. Sans se ranger avec Abélard pour le debitum pœnæ œternæ, il se tient aussi éloigné de saint Anselme qui, le premier, introduit l’idée de la privation de la justice originelle, voir Espenberger, Die Elemente der Erbsùnde nach Augustin und der Frùhscholastik, dans les Forschungen zur christlichen Literqtur-und Dogmengeschichtc, t. v, fasc. 1, Mayence, 1905, p. 58, 85, etc., 126-137, 183, etc. ; c’est au xme siècle qu’est réservé le grand progrès en ce point, entrevu ou esquissé par saint Anselme ; voir aussi R.-M. Martin, O. P., Les idées de Robert de Melun sur le péché originel, dans Revue des sciences philosophiques et théologiques. t. vii, 1913, p. 700-725, surtout 723-725.

L’importante question de la grâce, avec celle du libre arbitre, dist. XXV, est rattachée à la chute d’Adam. Dist. XXIV, XXVI-XXIX, p. 419-460. L’auteur ne traite là que de ce que nous appelons la grâce actuelle ; il y a quelques allusions à la grâce sanctifiante en somme, moins le nom, dans ce qui se rencontre à propos de la charité et de l’habitation du Saint-Esprit, au 1. I