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PIERRE LOMBARD. DOCTRINES
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textes. Sur tout ceci, l’on peut voir le Mouvement théologique, p. 317 mi., p. 331-338.

/II. détail dbs doctrines. Il est temps maintenant de passer en revue rapidement le détail (Us doctrines de l'œuvre lombàrdienne et, pour les mieux apprécier, de les placer dans le cadre des opinions contemporaines. Mais il faudra se restreindre à quelques matières particulières, car il serait prématuré de donner ici une étude complète de la pensée de Pierre Lombard sur chacune des grandes doctrines et des théories exposées dans le Livre des Sentences. Les travaux monographiques n’ont pas encore été pousses assez loin pour que cette enquête puisse être pleinement satisfaisante. Mais il y a avantage à dégager sur quelques points précis renseignement et la position du Maître.

Livre I.

La doctrine trinitairc de Pierre Lombard vient tout au début de son ouvrage, comme chez

la plupart des auteurs de son temps, de ceux au moins qui ont fortement subi l’ascendant d’Abélard, car le De sacramentis de Hugues de SaintVictor et les Sententiiv divinitatis de l'école porrétaine la placent plus loin. L’extension qui est donnée à ce traité se ressent de la même influence, semble-t-il ; il occupe un cinquième au moins de tout l’ouvrage, t. I, dist. I-XXXV, p. 4-219, tandis que l'école d’Anselme de Laon développait beaucoup moins la partie qui traite de Dieu et des personnes divines. L’ordre suivi est moins satisfaisant et n’a rien de la belle ordonnance des deux Sommes de saint Thomas. On serait porté à croire que, fortement imprégné des idées de saint Augustin, le Maître va suivre la marche du docteur d’Hippone. En fait, il n’en est point ainsi : il prend les textes d’Augustin à divers livres à la fois ; souvent, il revient sur ses pas et « l’ordonnance » suivant laquelle il classe les sentences ne permet guère de suivre le fil des théories, mais semble surtout « destinée à grouper ensemble des textes parallèles puisés çà et là dans ses œuvres ». On pourrait cependant, avec un peu de bonne volonté, retrouver un essai de classement entre la Trinité in fieri et la Trinité in esse ; Robert de Melun est moins satisfaisant de ce point de vue de l’ordonnance, il mêle trop aussi le De Deo uno et le De Deo trino.

Parmi les particularités à relever dans ces longs développements de trente-quatre distinctions, il y a d’abord à noter que, contrairement à Hugues de SaintVictor, dont le traité s’ouvrait par la théorie des « vestiges », Pierre Lombard commence, comme la Summu Sententiarum, par l’unité divine. C’est à l'Écriture qu’il fait profession de vouloir prendre ses premières démonstrations, et le début de son traité ne manque pas d’une certaine solennité, rehaussée d’ailleurs par des textes significatifs d’Augustin, pour inculquer la vraie marche à suivre si l’on veut procéder catholiquement. La théorie des « vestiges » y a sa place ; aussitôt après, l’utilisation du per ea quee jacta sunt, Rom., i, 20, pour la connaissance de Dieu en général, dist. III, c. 1, p. 30-31, le même texte est commenté par rapport à la Trinité ; puis, à la suite d’Augustin, l'âme humaine avec ses trois facultés, mémoire, intelligence, volonté, dist. III, c. 2 sq., p. 33-39, est le principal élément de la théorie des vestiges, avec des restrictions, du reste prises en partie d’Augustin et qui ne négligent pas les dissemblances. Ibid., p. 36. On sent que l’auteur a conscience d’avoir des adversaires et qu’il ne veut pas s’aventurer sur ce terrain sans être couvert par d’augustes défenseurs. Les idées des porrétains devaient en effet se manifester dans l’attaque de l’anonyme de Grenoble, Liber de vera philosophia, qui peu après visait a la fois la Summa Sententiarum et Pierre Lombard (<f. P. I-'ournier, Études sur Joachim de Flore, Paris, 1909, p. 68-7 1) : cet auteur niait la valeur des « vestiges », tandis que les Sententiæ divinitatis, un autre ouvrage por rétain, se ((intentait de ne pas en parler, et donnait a la révélation tout ce qu’il enlevai ! a la raison pour la preuve de la simplicité divine.

La preuve de l’existence de Dieu, traitée d’une façon très sommaire, dist. III, c. l, p. 31, et dont une citation d’Augustin, De civit.Dei, VIII, vi, P. L., t. xi.i, col. 231, fait presque tous les frais, contraste avec les développements que lui donne un contemporain, Clarembauld d’Arras, qui écrit son Expositio super librum Boclhii de Trinitate la même année à peu près que Pierre Lombard et qui expose même avec ampleur la preuve par le mouvement, dont le Magister se contentait de faire simplement mention à la suite d’Augustin. Voir G. Grùnwald, Geschichte der Gollesbeweise im M. A., dans les Beitrùge de Bâumker. t. vi, fasc. 3, Munster, 1907, p. 44 sq. ; G. Jansen, Der Kommentar des Clarembaldus von Arras, Breslau, 1926, p. 98-99 et 83*-85*.

Les appuis tirés de l’Ancien Testament en faveur de la révélation de la Trinité dans l’ancienne Loi et que Pierre Lombard accumule dans la dist. II, c. 4, p. 2528, à la suite d’Abélard, Theologia christiana, i. 3, sont ceux qui reviendront dans toute la théologie médiévale, jusqu'à ce que les vues de Tostat, De beatissimu Trinitate, Opuscula, dans les Opéra, t. xii, p. 1-4, qui combat les thèses contraires de Raymond Martin, Pugio fidei, Leipzig, 1687, t. III, dist. I, p. 490-501, reprises ensuite par Suarez, De Trinitate, i, 10, obtiennent en fin de compte, avec quelques restrictions, l’adhésion de la plupart des théologiens de nos jours. Le texte des « trois témoins », I Joa., v, 7, est invoqué parmi les témoignages du Nouveau Testament, mais pas en premier lieu. Dist. II, c. 5, p. 29. Signalons encore à l’attention l’argumentation de Pierre Lombard pour l’absolue simplicité de la nature divine, dist'. III, c. 3, p. 38 sq., avec le parallèle, un peu plus court, qui se trouve dans la Summa Sententiarum, tract. I, c. 4, P. L., t. clxxvi, col. 47 C ; ce qui devait lui valoir l’opposition de l'école porrétaine, dont il avait bien saisi le côté faible, et finalement l’approbation du concile de 1215. Sur la discussion doctrinale, question chronologique à part, voir Chossat, op. cit., p. 92 sq., p. 135-136.

Il faudrait du reste suivre pas à pas Pierre Lombard dans chacune des questions pour reconstituer toutes les discussions scolaires de son époque ; telles, par exemple, les dist. IV et V, p. 39 et 42, qui discutent Ta fameuse question du rôle actif de l’essence dans la génération du Fils, utrum essentiel genuerit essentiam, discussion célèbre où s'était déjà distingué Lotulphe de Novare contre Abélard, où Richard de Saint-Victor prendra, avec une nouvelle définition de la personne, une position différente de celle de Pierre Lombard. Voir, sur cette question et la portée de la condamnation du concile de 1215 contre Joachim de Flore, Th. de Régnon, Études de théologie positive sur la sainte Trinité, IIe série, Paris, 1892, p. 245-2£6 ; Petau, Dogmata theologica, De Trinit., vi, 10 sq. ; Ceillier, Histoire des auteurs ecclés., t. xxii, p. 158, et t. xxiii, p. 17-18. Il en va de même pour reconstituer toute la marche qu’a suivie l'élaboration du traité de la Trinité au xiie siècle ; chaque question à peu près ferait remarquer dans quelle mesure un progrès, un complément, une précision de détail est apportée par le Maître des Sentences ou tout au moins sanctionnée par son autorité, comme pour les propriétés des personnes, les notions, les relations, etc. Voir Schmaus, Der « Liber propugnatorius » des Thomas Anglicus und die Lehrunlerschiede zwischen Thomas von Aquin und Scotus, dans les Beitrâge de Paumker, t. xxix, 1930, p. 18, 386, etc.

Contentons-nous de noter encore la dist. XI, p. 7981, à propos de la procession du Saint-Esprit et de l’harmonie de croyance entre (, rccs et Latins : mais