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    1. PIERRE I##


PIERRE I.OMHAIin. CARACTERISTIQUES GENERALES

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p. 269 ; I. III. dist. XXII, c. 1. p. 650, etc. Ou bien il se refuse à donner une solution personnelle, préférant demeurer dans l’indécision, par exemple : t. I, dist. Y, e. 1. p. 49 ; dist. VII, e. 1. p. 55 : dist. XIII, c. 3. p. 86 ; dist. XVI, e. 2, p. L06 ; dist. XIX. e. 9, p. 134 ; dist. XXXII, e. 0. p. 206 ; dist. XXXV. c. 7, p. 222 ; dist. XLV. e. 1. p. 271 ; 1. II. dist. XXVI 1, c. 10, p. 152 : dist. XXXV. e. 2. p. 192-493 ; I. III. dist. VII, e. 3. p. 589 ; t. IV, dist. XIII, e. 1 (Deus novit), p. 818 ; dist. XXII. c. 1. p. 888 ; dist. XXV, c. 1, p. 904-909, dist. XLV, e. 1, p. 1009. Les exemples des p. 55, 134 ; 206. 152. 589, 818. 888 sont particulièrement typiques : Pierre Lombard se dérobe, avec beaucoup de modestie du reste, au moment de donner une solution. On comprend dès lors l’appréciation attribuée au pape Innocent 111, qui. après s'être fait lire à table les Sentences du maître de Paris, violemment accusé à Rome, répondait à ces calomniateurs, au dire d’Etienne Langton : relatorem invenio, non assertorem. Glossie in historiam scholaslicam, dans le ms. Paris, lat. 14 417, fol. 156, cf. Lacombe, dans The new scholasticism, t. iv, 1930, p. 59, et Landgraf, Problèmes relatifs aux premières gloses des « Sentences », dans Recherches de theol. anc. et méd., t. iii, 1931, p. 144. L’on a été porté à croire aussi que Pierre Lombard rapportait parfois ses propres explications sous la rubrique : quidam dicunt, comme le font d’autres après lui, tels Langton, qui le dit expressément, et le magister Martinus ; voir Landgraf, article et recueils cités, p. 143-144, et Some unknoiun writings of the early scholastic period, dans The new scholaslicism, t. iv, 1930, p. 17. En tout cas, on sait la manière dont Pierre Lombard se défendait devant Jean de Cornouailles et d’autres, en opposant son asserlio, qui ne serait jamais que catholique, et son opinio. Eulogium, c. ni, P. L., t. cxcix, col. 1053 B ; voir plus loin.

Attitude modérée.

Cette attitude intellectuelle

est donc celle d’un modéré ; Pierre Lombard ne veut pas être de ces novateurs qui rompent avec la tradition ou ne tiennent ses enseignements qu’en médiocre estime ; partout chez lui s’accuse le souci de s’en tenir fidèlement aux données traditionnelles et il se défend de vouloir de ingenio suo præsumere. comme il reproche à d’autres de le faire. L. I, dist. IX, c. 3, p. 68 ; t. III, dist. V, c. 1, p. 369 ; dist. IX (fin), p. 593 ; 1. 1, dist. XXXVII, c. 3, p. 233 et 234 ; t. II, dist. XXXVI, c. 6, p. 504. Le revêtement extérieur de son œuvre trahit ce souci dès le début : il exprime très souvent sa pensée par les termes mêmes des Pères ; dès son prologue, il prend à saint Hilaire des phrases entières, à peine remaniées, p. 2, et, dans la suite, il est des séries de pages consécutives qui n’ont que quelques lignes de sa plume, tout le reste est transcrit littéralement des Pères. Le glossateur de Bamberg, Pierre de Poitiers, ou un autre, avait raison de dire que la déclaration du prologue, le sicubi vox nostra insonuit, se réduisait à peu de chose. Ms. de Bamberg, Patr. 128, fol. 28. Les textes des Pères n’interviennent pas seulement comme témoignages, auctoritates ; très souvent ce sont leurs phrases mêmes qui servent d’expression aux idées de Pierre Lombard. Plus loin, à propos des sources et de la documentation patristique, on verra dans quels écrits des Pères et des écrivains ecclésiastiques Pierre Lombard a surtout puisé ; on verra aussi que ce n’est pas aux seuls écrivains du passé antique qu’il a restreint ses emprunts ; mais qu’il a largement puisé même chez ses contemporains au point de tomber souvent dans ce qu’on appellerait aujourd’hui le plagiat.

Peu de philosophie.

Il faut ajouter que ce traditionnel n’a rien d’un philosophe. C’est une faiblesse,

<ar, en dogmatique, une synthèse sans philosophie est-elle possible ? Mais, au moment où cette synthèse parut, cette carence fut peut-être son salut ; car

l’exemple d’Abélard, de Roscelin, de Gilbert de La Porrée, et d’autres montre que le renouveau intellectuel du xii 1 e siècle, sans expérience ni direction ferme encore comme en connut le xui c, exposait ses principaux représentants à de singuliers écarts, qui devaient faire tort à l’orthodoxie et à la survivance de leurs systèmes.

Quoi qu’il en soit, Pierre Lombard, qui n’est séparé d’Anselme de Cantorbéry que par une seule génération et qui se nourrit constamment des livres d’Abélard, n’a rien de la pénétration philosophique du premier ni de l’acuité dialectique du second. Des philosophes de l’antiquité, il n’a pas l’air de se soucier : contraste étrange avec Abélard, dont certaines pages rappellent les préoccupations philosophico-religieuses des apologistes du iie siècle et de Clément d’Alexandrie. S’il cite Platon ou Aristote, c’est uniquement pour rejeter leurs idées sur l’origine du monde, t. II, dist. I, c. 1 et 3, p. 307, 308. Il a comme programme ou comme mot d’ordre de ne pas s’aventurer à énoncer une pensée trop personnelle. Par moments même, il énonce un principe absolu qui semble devoir fermer la porte à toute ingérence philosophique, t. III, dist. XXII, c. 1, p. 650, et ici c’est lui qui parle et non un de ses porteparoles habituels ; car ailleurs, habituellement, pour toutes ses conceptions, il recourt au témoignage des Pères ou des écrivains ecclésiastiques.

Sa pensée se meut dans l’ambiance d’augustinisme qui caractérise son siècle ; on hésite à l’appeler platonicien, bien que pour l'âme, motrice du corps, il semble bien se rallier à l’idée du platonisme ; encore moins est-il aristotélicien, bien que la dialectique scolaire, qu’il n’ignore pas, lui fournisse une assez grande richesse de terminologie apparemment aristotélicienne ; dans la question des universaux, il paraît se ranger plutôt du côté du réalisme, t. I, dist. V, c. 1, p. 46 ; dist. XXV, c. 2, p. 159 ; dist. XXVIII, c. 1, p. 178 ; encore emploie-t-il deux fois, pour le dire, une formule d’Hilaire, De Trinit., iv, 14, mais sans nuance bien précise, et Durand a cru pouvoir en faire un nominaliste. C’est un éclectique, qui a peu élucidé ses idées philosophiques et lui-même aurait sans doute été surpris de nous voir ranger ses vagues conceptions sous les rubriques de théorie de la connaissance, ontologie, cosmologie, psychologie, théodicée et le reste. Ce lecteur assidu d’Augustin, car il l’a personnellement étudié, n’a pas su ou voulu entrer dans les voies de son maître, même en psychologie, où Hugues de SaintVictor, si personnel et qu’il connaissait bien, lui avait cependant donné l’exemple ; il prend des formules à Augustin sur l'âme, sur son origine, qu’il attribue nettement à la création, sur ses facultés, qu’ji ne distingue pas de sa substance, mais sans profiter de ses leçons pour l’analyse psychologique.

On pourrait faire une remarque du même genre à propos des principales matières philosophiques, comme substance et accident, matière et forme, personne, à propos de la Trinité ou de l'âme humaine, causalité, libre arbitre, problème du mal, etc. Habituellement aussi, il ne remonte pas jusqu'à Boèce ou Aristote, mais se contente d’emprunter ses définitions, quand il en donne, aux intermédiaires comme Hugues de Saint-Victor. On a voulu voir en lui un négateur du principe de contradiction, t. II, dist. XXXIV, c. 5, p. 190, là où il ne fait que transcrire un texte de saint Augustin, Enchiridion, 14-15, sans nullement aller aussi loin que Pierre Damien, Opusc, xxxvi, .De divina omnipotentia, 4, Il et 15, P. L., t. cxlv, col. 595, 612, 618. En théodicée, il n’est pas beaucoup plus que rapporteur de ce que disent Augustin ou Ambroise dans leurs preuves de l’existence de Dieu, et on ne peut pas dire qu’il ait toujours bien compris le premier, t. I, dist. III, c. 1, p. 31, car il dissocie deux arguments qui,