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PIERRE LOMBARD. LES SENTENCES, DATE


magistri Gandulphi de Rononia, Vienne, 1924, p. xllvi ; et ici, l’article Gandulphe de Bologne, t. vi, col. 1148-1149. Cette détermination chronologique est désormais unanimement reçue.

4. L’auteur de la < Summa Sententiarum ». — Les rapports entre l’auteur de la Summa Sententiarum et le Magister Sententiarum, ont été l’objet d'études plus serrées et plus nombreuses encore que les questions précédentes et l’on n’est pas encore tombé d’accord sur la solution de chacun des problèmes soulevés. Si la paternité victorine sur cette œuvre était avérée, sa priorité sur les / V libri Sententiarum serait hors de discussion, puisqu’elle remonterait, au plus tard, à 1141, donc une dizaine d’années au moins avant les quatre livres du Lombard. Mais l’authenticité est pour le moins très douteuse, malgré le témoignage favorable de la critique externe. Tout récemment, le P. Chossat, partisan, comme beaucoup d’autres, del’inauthenticité, a fortement et brillamment rompu une lance en faveur de la priorité lombardienne et il datait la Summa Sententiarum de 1155, avec, pour auteur, Hugues de Mortagne. Sa thèse rencontra quelques très chaleureux appuis, entre autres de Gilson, d’Alès, de Moreau, Moé et surtout dom Lottin, La « Summa Sententiarum » est-elle postérieure aux Sentences de Pierre Lombard ? dans la Revue néo-scolastique de philosophie, t. xxviii, p. 284-302, mais aussi, après quelque temps surtout, des adversaires décidés. Voir sur le développement de cette discussion, Un chapitre dans l’histoire de la définition du sacrement au XIIe siècle, dans les Mélanges Mandonnet, t. ii, Paris, 1930, p. 81-82, et Ed. Dhanis, Quelques anciennes formules septénaires des sacrements, dans la Revue d’hisl. ecclés., t. xxvi, 1930, p. 592, n. 1. Les arguments du P. Chossat furent vivement battus en brèche par B. Geyer, en 1926, Yerfasser und A b/assungszeit der sog. Summa Sententiarum, dans la Theol. Quartalschrijt, t. cvii, 1926, p. 89-107 ; aussi, malgré la précieuse contribution qu’apporte l’ouvrage (lu P. Chossat à la connaissance doctrinale du XIIe siècle, il semble bien que les relations chronologiques habituellement admises entre Pierre Lombard et la Summa Sententiarum ne doivent pas être renversées par les arguments qu’il fournit : on ne peut donc faire mérite à Pierre Lombard des initiatives théologiques qu’a eues l’auteur de la Summa Sententiarum, et Pierre Lombard doit être placé, comme par le passé, au nombre des auteurs qui ont le plus utilisé la Summa Sententiarum. Toutes ces déterminations chronologiques, apparemment simples questions d’histoire littéraire, ont leur répercussion dans l’appréciation doctrinale du Magister Sententiarum.

Les Sentences de Robert de Melun, que l’on a parfois regardées comme antérieures à celles de Pierre Lombard, leur sont postérieures et doivent être placées entre 1152 et 1160 ; voir R.-M. Martin, O. P., L'œuvre théologique de Robert de Melun, dans Revue d’hisl. eccl., t. xv, 1914-1920, p. 458-461 et 484-485.

3° Une ou deux éditions des « Sentences » par Pierre Lombard ? — Plusieurs fois, il a été question d’une seconde édition qu’aurait faite Pierre Lombard de son œuvre ; voir Les notes marginales du « Liber Sententiarum », dans la r.evue d’hist. ecclés., t. xiv, 1913, p. 528. La question mérite qu’on s’y arrête un instant, car elle nous permet d'éclairer un peu les modes de composition et d'édition qui avaient cours au xiie siècle.

Prévostin en parlait déjà au début du xme siècle : In prima namque Sententiarum editione dixit : « Similitudo est indifjerens essentia. » In secundo, quasi corrigens dixit : « Similitudo est indifjerentia… ». Summa in I V libros Sententiarum, ms. de la bibl. de l'État, à Vienne, lai. 1501, fol. 2 ; G. Lacombe, La vie et les œuvres de Prévostin, dans la Bibl. thomiste, t. xi,

Paris, 1927, p. 160, n. 2, est beaucoup plus affirmatif que les éditeurs de Quaracchi pour conserver toute sa valeur à ce témoignage. Trente ou quarante ans après Prévostin, Alexandre de Halès en disait autant, Summa theoloijica, t. i, Cologne, 1622, p. 271, ou Quaracchi, t. i, 1924, p. 558 ; voir aussi S. lionavenlune opéra omnia, t. i, Quaracchi, 1885, p. 529, n. 3. Quelques notes marginales, dans les nombreux exemplaires glosés des Sentences, font également remarquer les divergences entre les textes : Quidam libri habent hic… antiqui libri habent hic… ; de même, des notes interlinéaires intercalent des mots à ajouter ou à substituer à d’autres, en les accompagnant de l’inscription alias, comme le fait souvent un ms. de l’abbaye de Saint-Pierre à Salzbourg. On a remarqué aussi que beaucoup de mss. contiennent des Notulæ, c’est-à-dire des auctoritales additionnelles, mais distinctes du texte courant et placées par le scribe soit dans la marge soit dans une troisième colonne ; on peut en voir des exemples dans l'édition de Quaracchi, p. 281, n. g, p. 493, n. d, p. 966, n. a ; même la plus ancienne copie, faite du vivant de Pierre Lombard, le manuscrit i)00 de Troyes, contient une vingtaine de ces notulæ, édit. Quaracchi, I. I, p. 21, 22, 53, 69, 112, 194, 194-195 (2 not.), 198, 201, 202, 235 ; t. II, p. 491 ; t. III, p. 620, 661, 675-676 ; t. IV, p. 786 et 817 (2 not.), dont quelques-unes, celles de t. I, dist. XXXI, 2, p. 194-195, à propos de la pensée de saint Hilaire, ont souvent attiré l’attention des anciens commentateurs. Voir sur ces notulæ éd. Quaracchi, 1. 1, p. xliv-xlv, et Landgraf, Notes de critique textuelle sur les « Sentences » de Pierre Lombard, dans les Recherches de théol. anc. et méd., t. ii, 1930, p. 89-96, du menu, La carrière de Pierre Lombard, ibid., p. 819-820. Enfin, la glose d’un ms. de Bamberg, Patr. 128, due vraisemblablement à Pierre de Poitiers et rédigée au plus tard vingt ans après les Libri Sententiarum, article cité de Landgraf, note de Lottin, p. 82, contient un bon nombre de ces notulæ, en attribue trois à Pierre Lombard lui-même et pour plusieurs, avec ou sans le nom de l’auteur, ajoute qu’elles furent écrites post libri editionem, fol. 30, 37, 41, 43. On en trouve du même genre et d’autres aussi sous la forme de notes explicatives, dans une glose sur le 1. IV contenue dans le même ms. de Bamberg, fol. 2-26, et qui semble remonter à 1160-1170. Landgraf, Problèmes relatifs aux premières gloses des * Sentences », même revue, t. iii, 1931, p. 141-147.

Ces notulæ, ces glossæ volatiles, gloses diverses marginales, examinées par Landgraf, art. cit., p. 87-89, et nous-même, Les notes marginales, dans Rev. d hist. eccl., t. xiv, p. 527-529, ainsi que la remarque de Prévostin et d’Alexandre de Halès paraissent d’abor.l légitimer l’hypothèse d’une édition nouvelle faite de son œuvre par l’auteur lui-même. En fait, cependant, l’hypothèse ne semble pas sérieusement appuyée. La leçon alléguée comme correction par Prévostin et Alexandre n’est corroborée par aucun témoin ancien du texte et par très peu d’autres, voir éd. Quaracchi, p. xlv ; quant aux notes marginales, notulæ et autres, il est difficile d’en fixer la provenance : viennent-elles vraiment de Pierre Lombard ? une addition d’un ancien ms. le nie carrément pour l’une d’elles, éd. Quaracchi, p. 53 K, pour d’autres, l’origine lombardienne est manifestement confirmée par la glose de Bamberg, Landgraf, art. cité, p. 88. Les éditeurs de saint Bonaventure, op. cit., t. i, p. 530, n. 1, s’appuyaient sur ces notes pour admettre l’existence d’une 2e édition ; trente ans plus tard, les éditeurs de Pierre Lombard se montrent beaucoup plus réservés et les divergences -profondes entre les anciennes copies, qui omettent ou ajoutent aux notulæ attestées par le ms. de Troyes <J00, leur donnent parfaitement raison. Il faudrait une étude méthodique complète de ces indices pour déterminer ce