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IMKUIIK LOMI5AHI). COMMENTAIRE SUR SAINT l’Ai L

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i Pierre Lombard et quels sont les écrivains ecclésiastiques auxquels il a réellement alimenté sa pensée. En

attendant ce travail de précision critique, nous constatons que Pierre Lombard emprunte 'beaucoup à saint Augustin et à saint Jérôme, parmi les Pères de l’Eglise ; il connaît aussi saint thlairc et saint Ambroise, et utilise beaucoup Cassiodore, qui lui-même emprunte presque tout aux Enarration.es in psalmos d’Augustin ; parmi les exégètes de l'époque carolingienne, on rencontre très fréquemment les noms d’Alcuin, de Rémi d’Auxerre, d’Haimon d’Halberstadt ; celui de la Glossa interlinearis, qui intervient souvent, est dû à l'éditeur de 1541, le franciscain Richard du Mans et non à la tradition manuscrite ; dans un grand nombre de psaumes, dominent les noms d’Augustin et de Cassiodore. Mais toutes ces mentions n’ont qu’une valeur problématique, des textes patristiques se trouvant littéralement reproduits par des exégètes carolingiens et le nom d’Alcuin représentant habituellement la glose de Walafrid Strabon. Cette confusion qui se rencontre encore chez Antonin de Florence, Summa pars historialis, t. ii, tit. xiv, c. v, Râle, 1491, fol. cxxxv b. étonne chez Pierre Lombard, lequel mentionnera plus tard Walafrid Strabon sous le nom de Strabus, voir, t. II, dist. II, c. 4, Quar., p. 316. De plus, le travail critique sur les manuscrits devrait établir quelle part, dans ces identifications, revient à l’auteur luimême, aux copistes ou aux éditeurs, comme aussi les vrais titres de paternité des auteurs carolingiens. Il semble bien que Pierre Lombard ait pris comme premier fond la glose de Strabon et la glose interlinéaire d’Anselme de Laon et ait étoffé tout cela à l’aide de nouveaux matériaux dus à des lectures plus ou moins personnelles. Les écrits auxquels il puise régulièrement, à l’exclusion semblc-t-il des sources grecques alors accessibles, comme quelques traductions de Jean Chrysostome, nous disent déjà que le sens littéral l’intéresse beaucoup moins que le sens mystique ; son exégèse s’inspire principalement de l’interprétation allégorisante.

Il serait utile de discuter longuement la question chronologique ; toute donnée externe fait défaut. Il y a tout lieu de croire que le Commentaire sur les psaumes a précédé les Glossæ sur saint Paul ; l’exégèse est beaucoup plus sommaire, beaucoup moins personnelle, autant que l'état critique du texte permet d’en juger, beaucoup moins ferme et rarement ou guère coupée de questions et de discussions théologiques comme en présentent les développements sur saint Paul, dont la préface, à forte trame d’emprunts patristiques, prend déjà position et, conformément à la tendance des écoles, veut concilier les conflits entre les micloritates. Voir P. L., t. cxci, col. 1290 R et 1300 C. Cette caractéristique des deux œuvres donne incontestablement l’antériorité chronologique au Commentaire sur les psaumes, qui précède donc l’année 11421143, bien qu'à ce moment-là il fût encore inconnu à Gerhoch, qui cependant avait dès lors connaissance du Commentaire sur saint Paul.

4° Rapports avec les « Sentences ». — L’examen du contenu montre aussi que le Commentaire sur les psaumes ne fournit pas à la préparation du livre des Sentences les matériaux et les questions qu’apportent en abondance déjà les Collectanea sur les épîtres pauliniennes. De plus, l’examen que nous avons fait d’un certain nombre de textes montre que la glose qu’en donne le Commentaire sur les psaumes n’a pas été régulièrement utilisée par Pierre Lombard dans les Libri Sententiarum ; dans son œuvre théologique, il recourt souvent à d’autres textes des Pères pour expliquer ces mêmes versets, ou en donne des citations plus complètes, par exemple ps. ii, 6, P. L., col. 71 D, et Sant., 1. 1, dist. IX, 4, Quar.. p. 69 ; ps. xv, 2, col. 172 C,

et t. I, dist. I. 3. p. 18 ; ps. xv, 2, ibid., et I. 1 1. dist. I, 2, p. 310 ; ps. xvii. 2. col. 187 D, et t. I, dist. XXX, 1, p. 189 ; ps. xviii, 9, col. 2Il A. et I. I, dist. LY, 0, p. 275, etc. D’autres fois, la glose est identique, comme pour le ps. xvi, 4, col. 2Il A, et I. I, dist. XXXVI, 2. p. 226, etc., et surtout pour le ps. i.xviii, 2-3, col. 627 B-D et 628 A, dont un long passage, pris à saint Augustin, sur le sens de « substance », revient en trois sections dans les Sentences, en partie à propos de l’anthropologie, en partie à propos de la Trinité, t. ii, dist. XXXVII, 2, p. 507-508, t. I, dist. XXXII, 2, p. 211, et I. I, dist. XXXIV, 1, p. 216 ; les introductions aux 1. II et III, p. 306 et 550, rappellent des idées du Commentaire sur les psaumes.

Ailleurs, Pierre Lombard ne tire aucun parti de sa glose, tandis que ses successeurs et ses disciples y recourent ; un exemple curieux nous en est fourni par le traité des sacrements, où nous voyons Pierre Lombard, t. IV, dist. I, 1, p. 745, donner tout autre chose que sa glose du ps. cxlvi, 3, col. 1274 CD, à laquelle cependant Gandulphe de Bologne, Sententiar. lib. I V, édit. von Walter, t. iv, 1, Vienne, 1924, p. 384, prologue, Pierre de Poitiers, Sententiarum libri V, t. V, P. L., t. ccxi, col. 1137 A, et peut-être même Gerhoch de Reichersberg, ps. lxxvii, 2, P. L., t. cxciv, col. 438 C, et ps. cxlvi, 3, ibid., col. 974 RC, font des emprunts textuels.

Au point de vue des doctrines, quand il en est d’exposées dans le Commentaire sur les psaumes, le progrès sur les Glossæ psalterii s’accuse nettement dans les gloses sur saint Paul et, mieux encore, dans les Libri Sententiarum ; ce que constataient déjà les sages avis d’Eberhard de Ramberg, qui s'évertuait à refréner la précipitation un peu volcanique du farouche polémiste de Reichersberg, secondé par son frère Arnon, en faisant remarquer que leurs attaques contre un énoncé de Pierre Lombard, ps. cviii, 5, col. 893, sur l’adoration du Christ, ne se justifiaient plus, s’ils voulaient tenir compte de l’interprétation donnée par les Livres des Sentences. Epist.. xvi, parmi celles de Gerhoch, P. L.. t. cxciii, col. 562.

II. LE -COMMENTAIRE SUR LES ÉPITRES DE SAINT

PAUL. — Plus célèbres et plus répandues encore que les Glossæ psalterii, sont les Glossæ sur saint Paul.

1° L’authenticité en est incontestable, malgré le titre fautif de Collectanea in omnes D. Pauli epistolas, que lui donne Josse Radius en 1535. Plus haut, on a pu voir les témoins les plus anciens en faveur de l’authenticité : Gerhoch de Reichersberg, en 1142-1143, Libellus de ordine donorum S. Spir., dans Libelli de lite, t. iii, 1897, p. 275, Gerhoch et Arnon de Reichersberg, avec Éberhard de Ramberg, vers 11621164, etc. Le catalogue de Priifening, en 1158, n. 1530, celui de Whitby vers 1180, n. 23, Recker, Catalogi bibliothecarum antiqui, Ronn, 1885, p. 214 et 227, celui de Chaalis, n. 58-59, vers la fin du xiie siècle ou le début du suivant, H. Martin, Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l’Arsenal, Paris, 1899, p. 442, apportent à leur tour leur confirmation. Ici.aussi, intervient, pour l’authenticité, le témoignage d’Herbert de Roseham, qui écrit vers 1170 et avant 1176 : voir plus haut, et mss. 152 et 153 de Trinity Collège, Cambridge, The western manuscripts of… a descriptive catalogue, par Mont. Rh. James, t. i, Cambridge, 1900, p. 188-189 et 195, 200.

L'étude même du contenu montre le lien étroit qui unit ces Glossæ aux livres des Sentences, et aboutit à l’identité d’auteur ; ce qui se trouve affirmé également par les bibliographes et les chroniqueurs médiévaux dont on parlera plus loin à propos des Dubia vel spuria.

2° La date de composition se fixe aisément grâce à l’accusation, toute gratuite du reste, formulée en 1142-1143, par Gerhoch de Reichersberg, à propos de