Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/236

Cette page n’a pas encore été corrigée

L90 :

PIERRE CHARRON

liMIS

Julien l’Apostat et au besoin Inventaient. Déjà, douze ans auparavant, Duplessis-Mornay avait cru devoir faire paraître un traité. De la vérité de la religion chrestienne contre les alliées, épicuriens, payais, juifs, malwmétans el autres infidèles ; auquel, du reste. Charron emprunte beaucoup. A propos de la divinité de Jésus-Christ, Charron reprend l’argumentation de Raymond Sebon. Les achristes soutenant que la raison est impuissante à démontrer cette divinité, il leur répond que la raison est la chose de ce monde à laquelle il faut le moins se fier. Cf. I. II. c. xii, p. 103 sq. A signaler aussi cet argument des achristes dont Pascal se souviendra dans sa théorie des trois ordres : « Ce Dieu fait homme se signale seulement par l’extrême humilité, bassesse et pauvreté en toute sa vie et ignominie en sa mort. Il n’a eu aucune excellence et. sauf innocence, bonté de nature et douceur de mœurs, il n’a aucune qualité recommandable ou singulière, par où il peut avoir quelque prééminence. Qu’a-t-il esté, qu’a-t-il dit ou faict approchant non-seulement des chefs et fondateurs des autres religions, gouverneurs des peuples… Moyse, Mahomet, Lycurgue… mais des simples philosophes… Socrates. Platon, Caton. » Loc. cit., p. 157 sq. Cf. H. Busson, Les sources et le développement du rationalisme dans la littérature française de la Renaissance, 1533160 J, Paris, 1922, p. 585-591.

Charron attachait plus d’importance à la troisième vérité dont le protestantisme venait de rendre la démonstration nécessaire et où se trouvait la nouveauté du livre. « Que l’on n’oppose pas, dit-il, comme le font les protestants, l’Écriture à l’Église. L’Église s’arrange très bien de l’Écriture, mais l’Écriture a besoin de l’Église ; à elle seule, elle ne saurait constituer la règle dernière de la foi ; elle n’a pas les qualités voulues. D’ailleurs, Jésus-Christ n’a rien écrit ; l’obligation de croire est antérieure à l’Écriture et une autorité extérieure est nécessaire pour fixer le canon des Livres saints. Enfin, l’Église catholique offre, seule, toutes les marques de la véritable Église : le protestantisme est né d’hier ; elle, elle est aussi ancienne que le christianisme ; d’un autre côté, elle est vraiment catholique, vraiment une ; elle a la double unité de la foi et de la discipline ; vraiment apostolique, elle a l’apostolicité personnelle, ses chefs succédant aux apôtres ; l’apostolicité doctrinale : sa doctrine étant celle des apôtres.

Charron, par sa troisième vérité, répondait au Traité de l’Église qu’avait publié à Londres, quinze ans auparavant, 1578, Duplessis-Mornay. Celui-ci demanda aux pasteurs Tilénus et Du Jon de répondre à Charron. Aussi, dès 1594, paraissait à La Rochelle une Response à un Hure nouvellement mise en lumière, intitulé les « Trois vérités », en la IIIe partie duquel l’auteur maintient que de toutes les parties qui sont en la chreslienlé la romaine prétendue catholique est la seule vraie Église, contre ceux de l’Église réformée et particulièrement contre le traité de l’Église du sieur du Plessis-Mornay, par Jérôme Ilaultin. On soupçonna, mais à tort, Duplessis-Mornay lui-même, de se cacher sous ce pseudonyme. L’auteur semble avoir été Tilénus. En tout cas, l’auteur déliant le catholique de répondre, Charron répliqua en publiant, cette même année 1594, La Réplique de maislre Le Charron sur la Response faicte « sa troisième vérité, Paris, puis l’année suivante, 1595, à Bordeaux, une seconde édition des Trois vérités, qu’il signa cette fois de son nom et à laquelle il ajouta sa Réplique : Les trois vérités, seconde édition avec un advertissement et un bref examen sur la response faicte à la troisième vérité imprimée à La Rochelle, par M. Pierre le Charron ; en 1597, l’auteur de la Response fit paraître à Genève une Défense de la Response faicte il la troisième prétendue vérité. La même année, dans le même sens, à Montauban, le pasteur Gardesy publiait une critique de

DICT. DE THÉOI. CVIIIOL

Charron : Epislola Joannis Gardesii Montalbanensis ad l’etrum Charronium Parisiensem, 33 p., in-8°. Charron répondit en 1598 en donnant une troisième édition des Trois vérités, in-8°, Bordeaux. Enfin, en 1599, un réformé notoire, le pasteur Du Jon, professeur de théologie à Leyde, écrivait en français et publiait, avec textes cités en entier, une Aimable confrontation de la simple vérité de Dieu comprise en Escrilures saintes avec les livres de M. Pierre le Charron qui sont intitulés l’un, les « Trois vérités », l’autre, la Réplique du même auteur sur la response faite èi sa troisième vérité. Pour répondre à Du Jon, Charron préparait une nouvelle édition, considérablement augmentée, des Trois vérités, lorsqu’il mourut.

Il avait dédié les Trois vérités à Hébrard de Saint-Sulpice, évêque de Cahors. Celui-ci l’appela aussitôt auprès de lui. Charron séjourna à Cahors de 1594 à 1598. Durant ces quatre années, il représenta le clergé de Bourges, qui l’avait élu, à l’assemblée générale du clergé, qui s’ouvrit à Paris le 6 novembre et qui délibéra sur l’acceptation en France des décrets du concile de Trente ; il rédigea aussi la seconde édition des Trois vérilés et, en 1598, acheva un nouvel ouvrage, intitulé De la sagesse.

Mais, à ce moment, il quittait Cahors pour Condom dont il était déjà chantre et dont il devenait le théologal. De là, il édita à Bordeaux, en deux volumes, connus sous le nom de Discours chrétiens, les plus importants de ses sermons : 1° L’octave contenant huict sermons du Saint-Sacrement avec un autre discours sur la communion des saints, petit in-8°, 1600 ; 2° Discours chrestiens, petit in-8°, 1601, ceux-ci parlant de Dieu et de la Providence, de la création et de la rédemption. De Condom encore et à Bordeaux aussi il édita, en 1601, le fameux ouvrage, De la sagesse livres trois, par M.— Pierre Charron, Parisien, chanoine théologal el chantre en l’église de Condom, petit in-8°, dédié au duc d’Épernon, gouverneur de Guyenne.

La sagesse n’eut pas le succès qu’attendait son auteur. Des critiques se firent, qui l’amenèrent à préparer une seconde édition corrigée de son ouvrage et un Traicté de la sagesse, où il s’expliquait plus complètement encore. Venu à Paris pour s’entretenir des critiques faites et des corrections apportées avec Claude Dormy, évêque de Boulogne et prieur de Saint-Martin-des-Champs à Paris, qui lui offrait d’être son théologal, Charron y mourait dans la rue, frappé d’apoplexie, le 16 novembre 1603.

Ce fut son ami, Michel de La Rochemaillet, qui publia les travaux qu’il avait préparés :

1° Une nouvelle édition des Discours chrétiens : Discours chrestiens de la divinité, création, rédemption et octave du Saint-Sacrement, in-4°, Paris, 1604. Ces sermons ne sont pas tels que les donna Charron. En tout cas, l’auteur n’y échappe qu’incomplètement aux défauts de son temps. Cf. Jacquinet, Les prédicateurs du xviie siècle avant Bossuet, in-8°, Paris, 1863 ; 2e édit., 1885.

2° De la sagesse livres trois, 2e édit., revue et augmentée, in-8°, Paris, 1604. La Rochemaillet obtint difficilement le permis de vendre. Les idées qu’exposait la l re édition avaient mécontenté la Sorbonne, et provoqué l’opposition du Parlement et du Chàtelet. Les adversaires de Charron firent même intervenir le libraire de Bordeaux, Millanges, qui avait imprimé la l re édition. Mais le président Jeannin se porta garant du 1 ivre et les libraires furent autorisés à le vendre. En 1 607, La Rochemaillet donna de La sagesse une « dernière édition en laquelle a été adjousté à la fin tout ce qui pouvait avoir esté retranché aux précédentes impressions », in-8°, Paris.

L’année précédente, en 1606, il avait publié le Traicté de la sagesse composé par Pierre Charron, plus

T.

XII

61