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1901

PIERRE DE CELLE — PIERRE LE CHANTRE

1902

Dans celle correspondance — — dont il est impossible de faire L’analyse — les sujets les plus divers sont abordés. Pierre de Celle, en qualité d’abbé, parle souvent des monastères, de leur administration temporelle, de la défense de leurs biens et de leur aménagement. Il s’inquiète de la tenue morale, de la discipline des moines et leur donne des règles de conduite. Aux princes, il rappelle les devoirs de protection qu’ils ont à assurer vis-à-vis des couvents et les blâme des spoliations commises au détriment des religieux. Il intervient dans les conflits qui s’élèvent entre les seigneurs et les évêques et ne craint pas, en cas de besoin, de solliciter l’appui moral de la papauté. Enfin, bien souvent, il aborde des questions de spiritualité, de morale, à l’occasion du mariage de sa nièce avec Pierre de L’a Tournelle par exemple, et même de pure théologie, en particulier à propos des prérogatives de la très sainte Vierge et de son immaculée conception, et d’autres encore.

Les écrits ascétiques de Pierre, ses sermons et ses lettres donnent une idée de sa puissance de travail et de sa prodigieuse activité, pratique et littéraire. Bien qu’il ait occupé l’important siège abbatial de Saint-Remi et ait été évêque de Chartres, il est plus connu dans l’histoire par son titre d’abbé de Moulier-la-Celle. C’est un indice que, s’il a joué parmi ses contemporains un rôle remarquable, il n’est cependant qu’une ligure de second plan.

f. Textes. — Les Lettres ont été publié.^ d’abord par J. Sirmond, Paris, 1013 (édit. reproduite dans Opéra omnia, t. iii, Venise, 1723, col. 659-830) ; en 1671, dam Am’iroise Janvier d.Mine l’édition d2s œuvres complètes, Pelri Cellensis opéra omnia, 1 vol. in-1°, reproduit dans la Maxima bibl. Palrum d.2 Lyon, t. xx.ni, p. 636-007, et dans P. L.,

I. ccii, col. 397-11 16.

If. Notices et travaux. — Fabricius, Dibliolh. lalina média— et infime idatis, éd. ds Hambourg, t. v, p. 748 sq. ; Mron, Bibliothèque charlraine, l~l9, p. 77-79 ; Gallia clirisliana, t.viu, col. 1150, et t. ix, col. 234 ; R. Ceillier, Hist. des auteurs ecclés., t. xxiii, 1763, p. 230-235 (2e éd., t. xiv, p. 630-633) ; Hist. litt. de la France, t. xiv, Paris, 1817, p. 236-267 (notice de Bréal) ; J.-F. Ozeray, dans Chronique de Champagne, t. iii, 1838, p. 21-25 ; Et. Georges, Pierre de Celle, sa vie et ses œuvres, Troyes, 1857 ; Bourgain, La chaire française au XIIe siècle, Paris, 1879, p. 68-70 ; J. Gillet, De Petro Cellensi abbale Sancti Remigii Hemensis et Carnotensi episcopo, Paris, 1831.

N. lUNG.

23. PIERRE LE CHANTRE, maître à

Paris, mort à l’abbaye de Longpont (1197). I. Vie.

II. Œuvres.

I. Vie.

Bien des points de la vie de Pierre le Chantre demeurent obscurs. L’incertitude règne sur sa famille et le lieu de sa naissance. On ne sait s’il est né à Paris, à Reims ou dans la région de Beauvais. En tout cas, dès i’année 1171, il est professeur à Paris. En 1184, il devient chantre de l’église épiscopale. Sa réputation dépasse bientôt les limites de la capitale. En 1191, il est élu évêque de Tournai par le clergé de cette ville. Mais Guillaume de Champagne, archevêque de Reims, en qualité de métropolitain, s’oppose à cette élection, qu’il juge invalide pour cause d’irrégularité. Etienne, abbé de Sainte-Geneviève de Paris, intervint en faveur de Pierre le Chantre, mais ce fut en vain. Son intervention lui valut d’être proposé lui-même au siège vacant par le métropolitain et d’être agréé par le clergé de Tournai.

En 1196, quand mourut Maurice de Sully, évêque de Paris, Pierre le Chantre, élu pour le remplacer par le clergé et le peuple, aurait ou refusé cet honneur, ou rencontré de nouveau l’opposition de Guillaume de Champagne. La première hypothèse paraît plus vraisemblable, car autrement on ne s’expliquerait pas qu’à peu près à la même date le métropolitain de Reims lui ait demandé de venir près de lui exercer les fonctions

de doyen du chapitre de l’église archiépiscopale dans les termes suivants : Je rends grâces à Dieu et à notre Église de Reims de ce que, par l’inspiration du Trèsllaut, cette même Eglise vous a élu pour doyen, et nous croyons devoir vous féliciter d’avoir humblement accepté la charge qui vous était offerte, et de ce qu’une basse ambition ou une pensée d’avarice ne vous aient pas fait jeter les regards sur une Église aux revenus plus abondants. » Metropolis Remensis liisloria. t. n. Reims, 1679, p. 142-443.

Pierre le Chantre, après avoir obtenu l’agrément du chapitre de l’Église de Paris, qu’il avait mis pour condition à son acceptation, part pour Reims. En cours de route, il s’arrèle à l’abbaye de Longpont, où il tombe gravement malade, prend l’habit des religieux de Cîteaux, et meurt le 22 septembre 1197.

II. Œuvres. — 1° Ouvrages authentiques. — Pierre le Chantre a eu une activité intellectuelle très féconde : elle est l’image de son génie, de ses vues personnelles et de la théologie contemporaine.

La dogmatique, la morale, le droit ecclésiastique, l’Écriture sainte et l’ascèse ont attiré son attention. Mais ces sujets ne sont pas traités d’une manière systématique, car. à son époque, les différents domaines de la théologie, auxquels ils ont rapport, ne sont pas encore des disciplines particulières. Les études d’Écriture sainte n’étaient guère que des gloses. Les autres parties de la théologie étaient étudiées sous forme de sentences, qui constituaient des sommes et des distinctions. Quant à la casuistique et au droit ecclésiastique, ils se développaient en questions.

1. Verbum abbreviatum.

L’ouvrage le plus important de Pierre le Chantre est appelé, de son incipil, Verbum abbreviatum. En bien des mss., il porte des noms divers plus adaptés au contenu. Les principaux sont Elhica Pétri ; Somma philosophiæ Pétri Cantoris Parisiensis ; Viaticum tenientis in Jérusalem ; Summa de suggillalione oitiorum et commendalione virtutum ; Summa ex conquisitis auctoritatibus ad detestalionem viliorum et commendationem virtutum ; Summa de vitiis et virtutibus ou Liber de pxiiitenlia.

C’est le seul des travaux de Pierre le Chantre qui ait été publié. Il le fut en 1639, à Mons, par Georges Galopin, moine bénédictin de Saint-Guislain, d’après trois mss., dans lesquels il y avait bon nombre d’additions que l’éditeur n’a pas distinguées du texte original. Cette première édition est reproduite dans P. L., t. cev, col. 21 sq.

Le Verbum abbreviatum, écrit pendant que Pierre le Chantre était encore à Paris, a pu être remanié dans la solitude de Longpont ; il comprend dans le texte imprimé cent cinquante-trois chapitres ; cette division ne correspond d’ailleurs pas exactement avec celle des manuscrits.

D’une manière générale, cet ouvrage traite de l’exercice des différentes vertus, présentées chacune dans sa valeur morale et sa beauté sociale. D’autre part, dans la description des vices et de leurs conséquences malheureuses pour l’âme, l’auteur s’efforce de détourner le lecteur du péché. Ce n’est pourtant pas un exposé systématique de morale ni une collection de pures considérations, mais une esquisse des parties les plus importantes de la règle des mœurs, dans le genre parénétique. Certaines parties sont directement pour les ecclésiastiques, d’autres pour ceux qui mènent la vie monacale. Pour nous, le Verbum abbreviatum est d’un réel intérêt, car il nous fait connaître bon nombre de coutumes et d’usages de ce temps.

Abstraction faite ici des gens du monde des diverses classes sociales, qui ne sont pas oubliés, tous les ecclésiastiques trouvent matière à réflexion dans les examens de conscience que Pierre le Chantre a rédigés dans son étude. Aux théologiens, il reproche surtout