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PIERRE DE CELLE

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rédiger an travail semblable sur la vigne dans la sainte Écriture. Son désir ne trouva pas d’écho.

La Mosaici tabernaculi mustica et moralis expositio, ibid., col. 1047-1084, rentre dans le même genre que le traité précédent. L’auteur y énumère les diverses parties du tabernacle de Moïse et à chacune d’elles attribue un sens mystique, trop souvent suggéré par ses réflexions personnelles.

l.e traité De disciplina claustrait, col. 1099-1146, dédié à 1 lenri. comte de Champagne, a été écrit à l’instigation de Richard, frère do Jean de Salisburv. ainsi que le prouvent les deux lettres-préfaces. Destiné à (aire goûter les avantages du cloître, cet ouvrage est composé de vingt-quatre chapitres. Pierre y rappelle le souvenir des principaux fondateurs de discipline : Moïse dans le désert. Jésus dans le monde et saint Paul dans l’apostolat. La comparaison qu’il établit entre le philosophe, le juif, le chrétien et le religieux est remarquable. Au moine est donné le plus beau rôle ; c’est un moyen de faire apprécier la vie monastique. Malgré le titre, qui pouvait rendre hésitants les princes du Mècle. habitués au luxe, ce travail ne contient pas un idéal trop élevé pour un homme du monde.. Il recommande, en effet, une double règle : celle de saint Augustin et celle de saint Benoît et propose surtout le silence, la lecture, l’oraison, la confession des péchés à Dieu et au prêtre et la réception de la sainte eucharistie.

A la demande d’Alcher. moine de Clairvaux. Pierre composa aussi un traité sur la Conscience, col. 10831098, où il dépeint, d’une manière très imagée, les bonnes et les mauvaises habitudes de l’âme. Malheureusement, aux bonnes maximes, il mêle trop souvent des allégories de valeur très inférieure.

Quant à la lettre aux chartreux, qui a été attribuée à Pierre de Celle par Lami (Antoine le Maître) entre autres, elle est certainement l’œuvre de Guillaume, abbé de Saint-Thierry, près de Reims. Voir Histoire littéraire, t. xii, p. 317.

Sermons.

Pierre de Celle ne peut pas être comparé

aux grands orateurs comme Anselme, Maurice, évêque de Paris, Pierre de Blois, Pierre le Vénérable ou saint Bernard. Il a cependant une belle éloquence dont on trouve l’expression dans la centaine de sermons qui s’est conservée. Ils sont composés soit pour lui-même, soit pour Thibaut, évêque de Paris. Les grands problèmes, soulevés à cette époque, y trouvent place et sont traités avec un grand zèle pour Dieu. Les sources principales d’information sont l’Écriture sainte et les Pères de l’Église.

Contrairement à l’habitude de ses contemporains, il use peu des auteurs profanes, rarement il cite leurs paroles. Doué d’un jugement prudent, il rejette toutes les légendes et les narrations des apparitions suspectes.

La composition interne des sermons manque de vigueur, de logique et de divisions. Le style est très diffus. En abondance, Pierre rassemble les histoires les plus dissemblables de l’Écriture sainte et s’efîorce d’en tirer des significations mystiques. Le VIe sermon sur la résurrection du Seigneur (Serm., xlvii, col. 780) en offre un exemple très caractéristique. Pour les solennités du Christ, nous trouvons en général un exposé brillant du mystère, joint à une interprétation subtile d’un texte de l’Écriture. Le i effet le iiie sermon sur l’Ascension sont remarquables sous ce rapport. Serm., l et lii, col. 785, 791. Pierre de Celle aime surtout les comparaisons ; elles dénotent chez lui une très grande faculté d’invention et d’imagination. Conformes d’habitude à un jugement droit, elles invitent le lecteur aux réflexions sérieuses. (Sermon sur la Pentecôte, col. 7<i.").i

Bien que l’orateur s’efforce parfois de donner l’interprétation de certains mots (Desunclo Petro, col. 817),

il ne s’arrête pas, en général, a ces subtilités, mais s’élève avec véhémence à un genre plus large, qui fournit des renseignements religieux très instructifs. Quand il parle de la sainte eucharistie, il utilise le mot « transsubstantiation », qui exprime le mieux le dogme eucharistique : Supposuit (Jésus) panem et vinum, et transsubstantiauit in corpus et sanguinem suum. Serm.. xi.i, in Ccena Domini, col. 770 D.

Pour recevoir la sainte communion, certaines conditions sont nécessaires : l’âme doit être pure et avoir la foi ; si elle est en état de péché mortel, elle se trouve tout d’abord dans l’obligation de faire la confession de ses péchés. Le fidèle qui n’a pas de fautes trop graves ou n’est pas dans l’amour du péché doit recevoir la sainte communion au moins trois fois par an, mais il ferait mieux s’il communiait tous les dimanches et même quotidiennement.

Le prêtre pécheur et hérétique confectionne-t-il vraiment la sainte eucharistie ? Pierre répond en faisant une distinction erronée, que les théologiens ultérieurs ont réfutée, en s’appuyant sur saint Augustin. Le prêtre pécheur, disait l’orateur champenois, puisqu’il est à l’intérieur de l’Eglise, consacre vraiment, car le sacrement est confectionné non par le mérite de celui qui consacre, mais par la parole du Créateur. Quant au prêtre hérétique, qui est en dehors de l’Église, il ne fait pas le sacrement. Serm., xl, col. 769 B ; xxxix, col. 764 D.

Dans le rv* des neuf sermons pour les synodes, il invite les prêtres à s’adonner à la piété plutôt qu’aux disputes dialectiques, car, ajoute-t-il, « il est bien plus sûr de procurer le repos de son esprit après avoir adoré le Seigneur que de s’inquiéter à vouloir pénétrer la profondeur des mystères ». Serm., lxxxvi, col. 8J6 C. Dans le ix e, la constitution de l’Église établie parle Christ est comparée aux chœurs des anges, à cause de l’admirable hiérarchie des ordres et ministères. Le pape est le chef suprême, auquel sont subordonnés les patriarches, les métropolitains, les évëques, les prêtres, les diacres, les sous-diacres et les clercs. Serm., xci, col. 914-917.

En dépit de leurs défauts, les sermons de Pierre de Celle ont joui d’une grande vogue parmi ses" contemporains. Pour nous, ils présentent plus de valeur théologique que ses lettres.

Lettres.

Les lettres, au nombre de plus de cent

soixante-dix, ont été divisées en neuf livres par le P. Sirmond, dans son édition des œuvres de Pierre de Celle, en date de 1613. Cette division n’a pas été conservée par les éditions ultérieures, qui groupent en un 1. I les lettres datant de l’époque où Pierre était abbé de Celle, et dans un 1. II les pièces postérieures. Elles apportent pour l’histoire du xir 5 siècle des documents très intéressants, car l’abbé de Moutier-la-Celle et de Saint-Remi fut très mêlé à l’activité de son temps et eut un commerce épistolaire avec la plupart des grands personnages de l’époque, dans tous les milieux. Dans VHistoire littéraire de la France, t. xiv, p. 243-264, Brial a fait la critique des lettres qui étaient faussement attribuées à Pierre de Celle, dans la collection du P. Sirmond.

Pierre de Celle a écrit plusieurs lettres au pape Alexandre III, au cardinal Albert, chancelier de l’Église romaine, devenu plus tard le pape Grégoire VIII et au cardinal Pierre de Saint-Chrysogone, légat en France. Le roi de Suède, l’archevêque de Lund, Eskil, et son successeur Absalon, Thomas, archevêque de Cantorbéry, des comtes et des princes, des archevêques et des évêques nombreux sont parmi ses correspondants. Des abbés de monastères, des prieurs, des communautés, des clercs, des chanoines, des religieux et des laïques reçoivent ses conseils ou lui en demandent. Pierre le Vénérable, Thomas Beckel et Jean de Salisbury sont ses amis les plus intimes.