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1897

PIERRE DE CELLE

parisien de Saint-Martin-des-Champs. Dans ces diverses maisons, Pierre de Celle s’imprègne de la règle de Cluny, sans négliger le souci d’une culture profane très large. Ses études terminées, il ne resta pas avec ses parents, mais se retira au monastère de Moutier-la-Celle, près de Troycs où, bientôt, il fit profession religieuse et put ainsi satisfaire ses désirs de travail et de sanctification.

Quand, aux environs de 1150, mourut Hugues, l’abbé du monastère de Moutier-la-Celle, Pierre, dont la piété et la science en imposaient à tous les moines de la communauté, fut élu à sa place. Cependant, durant les dernières années de Hugues, le relâchement avait pénétré à son insu dans le monastère. Quelques moines, s’appuyant sur leurs titres de noblesse, avaient même tenté, à la mort de l’abbé, de s’ériger en maîtres de la communauté. Le nouvel abbé, après avoir eu recours, mais en vain, à la douceur et à la persuasion, fut obligé de chasser les révoltés. Cet acte de fermeté et de justice fut hautement apprécié des moines restés fidèles, si bien que le renom de la sagesse de Pierre de Celle ne tard. ! p..s à franchir les limites de l’abbaye ; il lui valut aussi de chaudes amitiés, comme celles de Pierre le Vénérable, de Jean de Salisbury.et de Thomas Pocket.

Soutenu par sa réputation, Pierre de Celle put défendre son abbaye contre les désirs rapaces des seigneurs, la restaurer, l’embellir, l’agrandir et même protéger divers monastères. A la demande de l’abbé de Fontevrault, il soutint, par exemple, avec succès, devant le pape Alexandre III, les privilèges de cette abbaye contre les empiétements de l’évêque de Poitiers. En de multiples autres circonstances s’exerça l’activité diplomatique de Pierre de Celle. La jalousie devait cependant faire tomber sur lui les plus affreuses calomnies ; on lui fit gr.el de ce que le mariage de sa nièce Hawide avec Pierre de La Tournelle, son parent, qu’il avait favorisé, n’était qu’un concubinage incestueux. Dans deux lettres, adressées l’une à l’archevêque de Sens et l’autre à l’évêque d’Auxerre, Pierre se justifie avec énergie et franchise.

Au moment du schisme, qui éclate à la mort du pape Adrien IV, Pierre de Celle conseille vivement de prendre le parti d’Alexandre III. Bientôt, l’archevêque de Beauvais, frère du roi Louis le Jeune, eut l’occasion de récompenser son clairvoyant conseiller. Transféré au siège archiépiscopal de Beims, il le nomme, en 1162, abbé de Saint-Remi. De là, celui-ci continue à exercer une surveillance vigilante sur la communauté de Moutier, rappelle Drogon à l’observance de ses devoirs abbatiaux et, devant la résistance insolente de ce dernier, le fait déposer.

A Beims, Pierre de Celle doit défendre son abbaye contre les prétentions du prévôt de Marsne, bourg de la province de Liège. Bien que le pape Alexandre III, sollicité par Frédéric Barberousse, eût accordé l’église collégiale de Marsne comme prébende à un clerc allemand, et malgré l’attitude hostile de l’archevêque de Cologne, le supérieur de Saint-Bemi, grâce à l’appui du cardinal Albert, chancelier de l’Église romaine, obtint gain de cause. Le pape lui fit restituer les propriétés canoniales de Marsne. Bientôt, l’abbaye de Saint-Bemi devint le rendez-vous des grands de la terre qui venaient consulter le célèbre abbé, et le refuge des savants pauvres et exilés, comme par exemple Jean de Salisbury et Barthélemi, évêque d’Exeter, chassés d’Angleterre par le roi.

Quand, en 1166, Henri, archevêque de Beims, se rendit à Borne, Pierre de Celle fut chargé de l’administration du diocèse. Par ailleurs, ainsi qu’en témoignent les nombreuses lettres qu’il reçut d’Alexandre III, il fut chargé de régler un nombre considérable d’affaires, ce qui l’obligeait à de très nombreux déplacements.

L’abbé de Saint-Remi se plaignait donc avec raison de ne plus avoir un moment de loisir. Son rayonnement moral s’étendit non seulement à Rome, mais jusqu’aux contrées du nord de l’Europe. C’est ainsi que, pour favoriser l’action missionnaire de l’évêque Foulques, son ancien élève, l’abbé champenois écrivit aux fidèles, duc, princes, évêques et au roi de Suède.

(Jette activité ne l’empêchait pas de s’occuper de la réforme disciplinaire et morale des monastères ; il écrivit dans ce sens aux communautés de Molesme et de Cluny. Sur ces entrefaites, Pierre de Celle, que le pape Alexandre III avait l’intention de créer cardinal, fut invité à assister au IIP concile général du Latran. assemblé pour mettre fin aux désordres qui s’étaient introduits dans l’Église, à l’occasion du schisme antérieur. Mais, atteint de sciatique et miné par la fatigur et la vieillesse, il dut, à son grand regret, décliner l’invitation.

A cette époque, Pierre de Celle s’attaque aussi non à la fête, mais à la précipitation imprudente avec laquelle on avait institué la solennité de l’immaculée conception sans demander l’avis du pape. Par ailleurs, il demeure plein de respect filial pour la vierge Marie. « Dès qu’il s’agira de sa gloire, dit-il, j’ouvrirai les cataractes du ciel et les fontaines de l’abîme plutôt que je ne les fermerai. Jésus-Christ, son Fils, eût-il omis quelque chose qui pût contribuer à l’exaltation de sa mère, moi qui ne suis qu’un humble pasteur, au défaut du pouvoir, je tâcherais d’y suppléer par mes désirs, prêt à perdre la langue et la vie si je courais risque de ne m’en servir qu’à déshonorer cette Vierge immaculée. .. Plût à Dieu, sauf l’autorité de la vérité, que cette Église, maîtresse de la chrétienté, eût pesé dans la balance d’un concile, et eût approuvé les raisons do solenniser partout l’immaculée conception de la Vierge ! Sur son exemple et sur sa parole, je marcherais en liberté et en assurance, parce que je marcherais sans danger. » (Etienne Georges, p. 33-34.)

Quand mourut Jean de Salisbury, évêque de Chartres (25 octobre 1180), Pierre de Celle lui succéda grâce à l’appui du cardinal de Champagne. Son épiscbpat fut de courte durée. D’après les annales de l’abbaye de Josaphat, Pierre aurait occupé le siège épiscopal de Chartres pendant sept ans, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, survenue le 10 février 1187. Mais ces renseignements paraissent controuvés. D’après les auteurs du Gallia christiana, Pierre serait mort environ deux ans après sa nomination à Chartres, le 20 février 1183. Dès 1184, on trouve de fait une bulle adressée par le pape Lucius III, à Béginald, évêque élu de Chartres. Cf. Jaffé, Rer/esla n. 15 122.

IL Œuvre littéraire. — L’œuvre littéraire de Pierre de Celle est en relation directe avec son étonnante activité ; elle est de nature pratique et ne contient pas de travaux que l’on puisse appeler scientifiques ; elle comprend des opuscules ascétiques, des sermons et surtout des lettres.

Opuscules ascétiques.

Les opuscules ascétiques

sont au nombre de quatre.

Dans le premier de ces traités, intitulé De panibus, P. L., t. ccii, col. 929-1046, l’auteur parle de tous les pains dont il est question dans l’Écriture sainte et à chacun d’eux il accommode un sens spirituel. Le pain fermenté est la figure de la confession des péchés : le pain azyme représente la sainte eucharistie ; le pain des enfants indique les rudiments de la foi, et celui des parfaits une doctrine plus ferme. Dans ce livre, les réflexions pieuses se mêlent malheureusement à des sentences trop affectées. Jean de Salisbury, à qui Pierre de Celle avait dédié cet ouvrage, au lieu d’en faire une juste critique, comme l’auteur le lui avait demandé, dans sa lettre de dédicace, y trouve tout bon et sous une forme allégorique demande à Pierre de