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PIERRE DE BLOIS

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s. -s humanités à Tours, il fut envoyé à Paris, où il suivit peut-être les leçons du célèbre Jean de Salisbury qu’il appelle son maître et son seigneur, et qui, de fait, professa à Paris de 1140 à 1150, bien que nous ne sachions pas où il l’a connu. De Paris, il se rend à Bologne pour étudier la médecine et les mathématiques. Dès ce moment, il se fait remarquer de ses condisciples par son éloquence et ses talents intellectuels. Vers 1 160-1 161, au cours de son voyage à Home, où il veut aller saluer le pape Alexandre III, il eut à subir, avec ses compagnons de route, les sévices des partisans de l’antipape Victor IV. De retour à Paris, il s’adonne aux sciences sacrées, à la philosophie, à la l liéologie et à l’Écriture sainte. En peu d’années, il devient un des bons théologiens de son temps. Ses études terminées, Pierre de Hlois passe en Sicile, où, vers 1167, il succède, dans le rôle de précepteur du jeune roi Guillaume II, à Gauthier, quand celui-ci fut nommé archevêque de Palerme. Chargé de plus de la garde du sceau royal, il occupe ainsi, après la reine et le chancelier Etienne, une des principales fonctions du royaume. Cette situation ne devait pas durer longtemps. Les Siciliens, jaloux de l’influence de Pierre de Hlois, tentent de l’éloigner de la cour en’le calomniant auprès du roi et en lui proposant deux évêchés et même l’archevêché de Naples, mais ce fut en vain. Menacé cependant par les conjurations répétées de ses adversaires, et malgré les instances du roi, il quitta l’île en 1169.

Revenu en France, il s’adonne quelque temps à l’enseignement. Mais, à la demande d’Henri II, il passe bientôt à la cour royale d’Angleterre. Devenu dans la suite chancelier de Richard, archevêque de Cantorbéry, auprès duquel il s’était retiré pour trouver la tranquillité, il fut chargé de trois missions à Rome, auprès des papes Alexandre III et Urbain III, pour régler les affaires du roi et celles de l’archevêque. A la mort de Henri II, la reine Éléonore le manda auprès d’elle comme secrétaire. Il remplit cette fonction de 1191 à 1195. C’est à peu près à ce moment que, calomnié par ses ennemis, il perdit l’archidiaconé de Bath. Pour le dédommager de cette perte et pour le retenir en Angleterre, l’évêque de Londres le nomma archidiacre de son Église. C’était uniquement un titre honorifique : pour combler l’insuffisance notoire de ressources de ce bénéfice, on lui confia aussi le doyenné d’un chapitre, au diocèse de Chester. Mais la vie déréglée et incorrecte des chanoines l’amena bien vite à démissionner et, dans une lettre datée de 1199 (152e), il demanda au pape Innocent III de confier le chapitre aux cisterciens. Pierre de Blois mourut, dans la pauvreté, après 1204 ; sa vie, bien remplie, avait été passée dans l’enseignement et l’entourage des rois et des grands de la terre. Son œuvre permet de se faire une idée de l’influence qu’il a exercée dans son pays natal et à l’étranger.

II. Son œuvre. — L’œuvre de Pierre de Blois est publiée dans P. L., t. ccvii, d’après l’édition de Pierre de Goussainville, de 1667, complétée par celle de .[.-A. Giles, de 1847. Elle comprend des lettres, des sermons et un certain nombre de traités.

Lettres.

Une douzaine d’années avant sa mort,

Pierre de Blois, à la demande du roi Henri II, rassemble en une collection les lettres qu’il a écrites, soit en son nom, soit pour des évêques, archevêques, princes et personnages considérables. S’adressant au roi, dans la préface, il s’excuse de la liberté de son style, en rappelant au prince que sa correspondance n’avait pas été destinée à la publication. La collection contient 183 lettres, disposées au hasard sans aucun plan d’ensemble ou souci de chronologie. Elle n’est pas complète, vu que Giles est parvenu à en authentiquer 234. Dom Ceillier et dom Brial ont donné l’ana lyse critique de cette correspondance. Nous nous contenterons d’un aperçu rapide, car elle n’intéresse qu’indirectement les théologiens.

Il y a des lettres adressées aux papes Alexandre III, Urbain III, Grégoire VIII, Célestin. Il et Innocent III. D’autres le sont à des cardinaux, à Octavien, légat en Angleterre, à Albert, chancelier de l’Église romaine, à Guillaume de Pavie ou à des archevêques comme Robert de Cambrai, Richard de Cantorbéry, Hubert de Cantorbéry, Conrad de Mayence, Gauthier de Païenne, et à de nombreux évêques, Jean de Salisbury, Renaud de Chartres, Pierre d’Arras, Eudes de Sully, évêque de Paris, à des doyens, à des archidiacres, à des abbés, à des prieurs, à des moines, à de nombreux savants, à des amis et à des compagnons d’études, aux rois et grands de la cour d’Angleterre et de Sicile.

Quoique nombreuses, les lettres qui nous sont parvenues de Pierre de Blois ne donnent qu’une faible idée de sa correspondance. Celle-ci fut certainement considérable, car il fut l’un des hommes les plus consultés de son temps et il jouissait de grandes facultés pour rédiger. Voir la lettre xcii, où il se vante de pouvoir dicter à trois secrétaires des lettres différentes, tandis qu’il en écrit lui-même une quatrième. P. L., t. ccvii, col. 290.

Grâce à la correspondance de Pierre de Blois, il est possible de fixer et de préciser bon nombre d’événements de sa vie et de se faire une idée de la société contemporaine. Les lettres nous révèlent les mœurs, les habitudes, les vices et les qualités des principales classes sociales : évêques, prêtres, religieux, clercs, princes et seigneurs. D’une façon indirecte, on pourrait extraire de cette correspondance un véritable code moral pour les mondains et pour les personnes consacrées à Dieu. L’intérêt documentaire est indubitable. Celui des serinons l’est moins, semble-t-il, à en juger parla moindre attention qu’y ont prêté les éditeurs.

Sermons.

Soixante-cinq serinons nous sont

parvenus. Dès 1519, ils furent publiés par Jacques Merlin, curé-archiprêtre de Sainte-Madeleine, à Paris. (Dans.son édition de 1600, le P. J. Busée — induit en erreur par le titre incomplet d’un manuscrit de Louvain — donna les sermons de Pierre Comestor sous le nom de Pierre de Blois.) Ils ont été prononcés dans les réunions synodales, dans les écoles, les couvents ou dans les églises. La matière en est fournie par le texte liturgique des dimanches et fêtes de l’année, commenté d’une manière superficielle, dans un style plein de maximes, où les passages de l’Écriture sainte voisinent avec les citations des Pères de l’Église et même des auteurs profanes, avec une part trop grande faite à l’allégorie.

Traités divers.

1. Le De transftguralione Domini,

P. L., col. 777-792, a été rédigé pour Frumald, évêque d’Arras. Il a quelquefois été rangé parmi les lettres, car il en a toutes les apparences. L’auteur, qui cherche à y édifier le lecteur, s’efforce de montrer combien il était facile au Christ de manifester sa divinité. Quatre éléments concourent à la glorification des corps : l’agilité, la subtilité, l’immortalité et la clarté. Cette dernière seule se montre à la transfiguration de Jésus. La clarté dévoile aussi la beauté de la rénovation spirituelle opérée par le sacrement de pénitence dans l’âme du pécheur repentant. Le purgatoire achève la purification de l’âme et enlève à celle-ci tout ce qui ternit la clarté et la splendeur.

2. Le De conversione sancti Pauli ne présente aucun intérêt spécial. Ibid., col. 791-796.

3. Le Compendium in Job, col. 795-826, ainsi qu’en témoigne la lettre de dédicace, a été fait à la demande de Henri II, roi d’Angleterre. C’est un commentaire de quelques chapitres du livre de Job. Pierre, qui est alors archidiacre de Bath. insiste particulièrement sur la