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    1. PIERRE AURIOL##


PIERRE AURIOL. LES PROBLÈMES THÉOLOGIQUES

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D’après Auriol, les objets des sens, à l’exception du loucher, n’auraient aucune réalité dans les choses en dehors des sens, mais seulement une réalité intentionnelle dans les sens : sonus non habet esse reale sed tantum inlentionale et objectivum in potentia auditiva. In I Sent., p. 687 a. Il en conclut qu’il faut ranger le son, l’odeur, la vue, le goût parmi les relations, plutôt que parmi les qualités ayant un être réel, puisqu’ils ne possèdent qu’un être intentionnel, comme les relations. Ibid.

Les relations n’ont donc qu’un être intentionnel et n’existent que dans l’intelligence. Cependant, il ne faut point confondre cet être intentionnel que possèdent les relations dans l’intelligence avec l’être des images produites par l’imagination, auxquelles ne correspond absolument rien en dehors de l’imagination. Les relations, au contraire, sont en puissance dans les objets : Entitas in anima est aliqua entitas, quæ non competil figmentis, prwsertim quia pigmenta nullo modo habent esse extra, née actu née potentia ; relationes vero sunt extra in potentia, et actus eorum completur ab anima. Hœc est ergo Ma debilis entitas, qjiam relationibns attribuit Commentator. In I Sent., p. 688 a.

Auriol, cependant, distingue les relations réelles et les relations de raison ; les premières sont celles qui, tout en n’ayant qu’un être intentionnel dans la raison, existent cependant en puissance en dehors de l’intelligence ; les autres sont de purs êtres de raison. Les relations réelles dénotent un rapport entre différents objets, mais ce rapport doit son existence, son être à un acte de l’intelligence, de sorte qu’il ne peut exister que dans l’intelligence et ne peut avoir qu’un être purement intentionnel : Sivero intelligant positores prœdieti, quod ultra jundamentum et terminum relatio debeat concipi per modum cujusdam habiludinis et medii connectantes, sic tamen, quod Ma non difjert realiter a fundamento, adhuc potest dupliciter intelligi. Primo quidem, quod talis habitudo non sit in re, nisi per operationem intellectus, ita quod tolaliler fabriectur ab intellectu, et secundum hoc dicere habuerunl, quod relatio secundum suum lolum formate est ab opère intellectus… hoc autem licel sit verum, … ab istis non inlenditur, cum opposilum dicant, se. quod relationes non sunt entia rationis, sed potius res naturse. In I Sent., p. 661 b ; cf. Ben. Lindner, op. cit., p. 113-120.

Les problèmes théologiques.

1. Nature de la

théologie. — Pierre Auriol considère la théologie comme virtus intellectualis sapientiæ, I Sent., prol., q. i, a. 3, qu’il définit ainsi : Ex prædictis apparet qualiter habitus ex theologix studio acquiratur, quoniam habitus alius a fide deelaralivus credibilium et in nullo jaciens adhærere, qui est intelligibilis virtus, qui sapientia nuncupatur, non quidem sapientia quæ scientia sit, sed quæ est intellectus lumen intelligentia nobilissimorum (ibid.). Cette sapientia convient avec la métaphysique dans les points suivants : 1. manifestare mentem ; 2. modum tradere généraient perveniendi ad veritatem ; 3. disputare de difficilibus quæstionibus ; 4. dejendere principia contra negantes eos ; 5. explicare intentiones générales nominibus eisdem designatas et reducere Mas ad unam primam cui primo attribuitur ratio nominis ; 6. veritales communissimas et generalissimas quæ demonstrabiles sunt demonstrare ; 7. deentibus spirilualibus perlractare. Cette sapientia aurait son siège dans la pars contemplativa ou dans V intellectus speculalivus, non dans la pars consiliativa ou dans Y intellectus practicus. Cette thèse semble plus ou moins opposée à ce que Pierre Auriol défend ailleurs au sujet de Vhabitus theologicus, distinct de la foi. Il tient que ce serait un habitus mère déclarât i mis, non un habitus adhœsivus, un habitus mère practicus, non un habitus spéculations. Cette opposition peut s’expliquer par l’admission de deux différents habitus theologici, dont l’un, faisant abstraction

des connaissances naturelles et ne se basant que sur la révélation, se confondrait avec la foi. tandis que l’autre serait distinct de la foi.

Quant aux relations entre la théologie et la science, que le maître franciscain expose In / Sent., p. 1-68. 1120-1125, et Quodl., p. 116 sq., on peut consulter : K. Werner, Die Scholastik des spaleren Miltelallers. t. n. p. 21 sq. ; E. Krcbs, Théologie und Wissenscha/t nach der Lehre der Hochscholastik, Munster, 1912. Notons toutefois que contre l’opinion de saint Thomas et de Duns Scot, qui soutiennent que aliquid non potest esse simili creditum et scitum, si l’on prend la science au sens strict du mot, a savoir per aliqua principia per se nota et per consequens visa, Pierre Auriol affirme que aliquid potest esse simul scitum et creditum. Il s’accorde en cela avec l’école augustinienne. Les principes sur lesquels il se base diffèrent cependant de ceux qu’invoque l’école augustinienne. Tandis que celle-ci fonde son affirmation sur le fait que la théologie est une science au sens large, tandis que saint Thomas et Duns Scot appuient leur négation sur le fait que la théologie n’est pas une science au sens strict, Pierre Auriol base son affirmation sur l’évidence des vérités de la foi. Celles-ci, en effet, ont une évidence aussi grande que les vérités scientifiques et philosophiques, et l’assentiment aux vérités de la foi est aussi certain que celui qui a lieu dans la science. Voir M. Grabmann, De quæstione « Utrum aliquid possit esse simul creditum et scitum » inler scholas auguslinismi et aristotelicothomismi Medii Moi agitata, dans Acta hebdomadse augustinianx-thomislicæ, Turin, 1931, p. 110-137.

Auriol nie que les articles de la foi soient les principes de la théologie. Celle-ci, en effet, par l’exposé et la démonstration qu’elle en fait, conclut aux articles de la foi. Or, la science procède des principes, mais n’y conduit point. Articulos fidei esse principia nostrsc theologix, hoc nimirum stare non potest. Nam nulla scientia procedit ad principia concludenda, seil potius concludit ex ipsis. In II Sent., prol., q. i, a. 1.

Dans l’ordre actuel, l’homme n’adhère point aux vérités de la foi par une lumière spéciale qui lui en donne une pleine évidence (théorie de Henri de Gand), mais, en vertu de Vimperium voluntatis, dont l’autorité de Dieu, qui les a révélées et qui ne peut errer ni tromper, constitue le motif. In I Sent., p. 1124 b sq. La foi est donc avant tout affaire de la volonté, mais non d’une volonté arbitraire et aveugle, mais d’une volonté guidée et mue par l’autorité de Dieu révélant.

Suivant Auriol, l’objet matériel de la théologie est Dieu considéré, non ut beatifleator (Gilles de Rome), mais sub ratione deilatis… ut ratio deitatis est concepta a viatore per analogiam. In I Sent., prol., q. iv, a. 3.

Le but, la fin de la théologie, n’est pas seulement d’acquérir une connaissance plus étendue de Dieu, mais aussi une espérance plus fondée et une charité plus intense : c’est pourquoi la théologie, en tant qu’elle constitue un habitus distinct de la foi et consiste à intelligere crédita intelleclione ex puris naturalibus habita in hac via, est un habitus mère practicus : Ille habitus est mère practicus et nullo modo speculalivus qui est de objecto attingibili a sciente excellentioribus operationibus et per nobiliores actus quam sit actus illius habitus. In I Sent., prol., q. iii, a. 1 ; cf. Jos. Kùrzinger, Alfonsus Vargas Toletanus und seine theologische Einleilungslehre, dans les Beitràge de Bàumker, t. xxii, fasc. 5-6, Munster, 1930.

2. Dieu.

Auriol soutient que l’existence de Dieu est connue per se et immédiatement par tous les hommes et semble admettre de la sorte "la valeur probante de l’argument ontologique de saint Anselme. In I Sent., p. 132 b. Il apporte en faveur de sa thèse les trois arguments suivants : a) Le droit naturel, qui partout est en vigueur et a de la valeur pour tous, porte