Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée
1851
1852
PIERRE AURIOL. LKS l » K OUI, KM KS PHILOSOPHIQUES


prononcer. In II Sent., p. 63 b. Il concède ensuite que l’objet des concepts universels contient virtuellement les impressions différentes produites dans l’intelligence, mais il déclare en même temps que, par là, il n’entend nullement introduire des réalités distinctes dans l’objet. In II Sent., p. 66 />. 68 b. 69 b, 70 b, et attaque de toutes façons la théorie réaliste des uni versaux. 1’. 05 b.

Cependant, imilgré ce trait antiréaliste. Auriol tient à l’objectivité des concepts universels. En effet, de même que chaque concept repose sur une assimilation de l’intelligence à son objet, de même aussi les concepts universels proviennent d’une assimilation plus ou moins parfaite de l’intelligence à l’objet connu et ils constituent donc des images, des représentations plus ou moins parfaites d’un seul et même objet. Puisque cette assimilation se termine dans un acte de l’intelligence, la polémique d’Auriol contre les species intelligibiles ne peut donc s’entendre dans le sens de la pure subjectivité des concepts universels. Rien n’est plus étranger à la thèse d’Auriol.

Ainsi, puisque les concepts universels ne constituent que des représentations d’une clarté et d’une détermination diverses d’un seul et même objet, puisque le degré de clarté et de détermination dépend de la perfection des impressions et des assimilations, puisque, de plus, la clarté des concepts dépend de l’action plus ou moins vive de l’objet sur les organes, de la perfection de l’intelligence et de l’influence de la volonté, nous pouvons conclure que Pierre Auriol admet un conceptualisme psychologique à teinte volontariste.

Pierre Auriol, dans la partie où il traite de l’unité et de la réalité de la nature spécifique ou de l’espèce, complète la théorie des universaux exposée plus haut. Toutefois, dans cette partie, il repousse complètement l’objectivité des universaux qu’il avait plus ou moins acceptée dans la I rc partie, pour embrasser un objectivisme franchement empiriste. Même l’être particulier des objets est exclu formellement du contenu des concepts universels. Auriol y professe explicitement que le contenu des concepts universels n’est point l’essence d’une chose particulière, mais seulement une qualité de cette chose, et, de plus, qu’il n’est pas une qualité particulière et individuelle ni une qualité universelle, mais seulement et uniquement la ressemblance qui existe entre la qualité particulière de divers objets. De là il conclut que le contenu des concepts universels ne peut être que la ressemblance qualitative qui existe entre les choses particulières et individuelles et nullement une réalité universelle (théorie de saint Albert le Grand et de saint Thomas) ou indifférente (théorie de Duns Scot et de Henri de Gand), indépendante de l’intelligence et immanente aux objets individuels. Il n’existe point des réalités universelles indépendantes de l’intelligence, mais seulement des réalités particulières et individuelles. Le concept universel donc n’existe que dans l’intelligence et ne consiste que dans la ressemblance qui existe entre des concepts clairs et déterminés, produits par plusieurs objets particu : iers.

2. Origine et formation du concept universel. — Auriol déclare que le concept doit son origine au fait que plusieurs objets.particuliers produisent une impression parfaite, déterminée et semblable. A cette impression succède une species correspondante et à celle-ci un acte correspondant. Cet acte produit immédiatement un concept parfait, déterminé et convenant à plusieurs objets. Différentes choses, en effet, qui se rencontrent dans une même species, doivent se rencontrer aussi dans l’acte unique qui correspond à la species. A cet acte unique succède, dans l’intelligence, un seul concept, de telle sorte que, si l’acte est parfait et déterminé (et il le sera si la species et les impressions

reçues le sont) et s’applique à plusieurs objets, le concept formé sera également parfait et déterminé et applicable à plusieurs objets. Donc le concept, prove nant d’un seul acte, qui groupe toutes les impressions semblables reçues de choses diverses, constitue le cou cept universel.

De ces considérations psychologiques, Auriol déduit que l’unité du concept universel revient en partie aux choses particulières, en partie aux species, en partie à l’acte et en partie aux concepts, mais d’une façon différente. Cette unité du concept universel se trouve in potentiel et inchoative dans les choses particulières. de telle façon que les choses particulières possèdent, ci nutiiru sua, la capacité d’exciter dans l’intelligence une impression parfaite et semblable. ainsi qu’un acte cl un concept parfaits et semblables. L’unité du concept } universel se trouve dans la species et dans l’acte sicut in causa, en tant qu’ils sont la cause immédiate du concept universel ; l’unité du concept universel se trouve jormaliter dans le concept lui-même, en tant qu’il constitue l’unité actuelle du concept universel. Donc l’unité et la réalité actuelles d’un concept universel, commun à plusieurs êtres, n’existe jormaliter que dans le seul concept, qui résulte de la ressemblance qualitative qui existe entre plusieurs êtres. Il faut noter, cependant, que, si Auriol fait consister la réalité et l’unité du concept universel en partie dans les choses particulières, à savoir in potentia et inchoative, il ne veut nullement désigner par là une réalité universelle, mais uniquement l’aptitude naturelle, que possèdent les choses particulières, à produire une impression qui est de nature à engendrer un concept universel. Auriol se sert ici de la terminologie du réalisme mitigé de saint Thomas, mais il lui donne une signification toute différente. In II Sent., p. 103 6-109 b.

Cependant, s’il existe des connexions étroites entre les deux exposés d’Auriol au sujet de l’origine et de la valeur des concepts universels, il faut y relever aussi des différences profondes et même des contradictions flagrantes. Ainsi, tandis que, dans la I re partie, Auriol désigne les concepts universels comme des représentations de choses particulières, dans la IIe partie, l’être des choses particulières est complètement exclu du contenu des concepts universels, qui sont constitués exclusivement par la ressemblance qualitative existant entre plusieurs objets particuliers. De la sorte, le contenu réel des concepts universels est autre dans l’un et l’autre cas. Ensuite, dans la I re partie, la distinction qui existe entre les concepts universels provient de la différence de clarté, de détermination avec laquelle ils représentent une seule et même chose, tandis que, dans la IIe partie, cette distinction consiste dans la différence de clarté, avec laquelle ils représentent la ressemblance, qui existe entre plusieurs choses particulières. De plus, dans la I re partie, un seul objet particulier suffit pour la formation de plusieurs concepts universels ; dans la IIe partie, au contraire, plusieurs objets sont requis. D’où viennent ces contra dictions manifestes ? Il est difficile d’en donner une explication suffisante. Probablement, l’attention d’Auriol était tellement concentrée sur les problèmes qu’il examinait hic et nunc, qu’il a complètement perdu de vue la connexion qui existait entre le problème qu’il traitait et le reste de sa philosophie et de sa théologie.

Ces contradictions, cependant, n’infirment en rien les conclusions au sujet du conceptualisme d’Auriol. Dans l’une et l’autre partie, en effet, il enseigne formellement et explicitement que les universaux n< peuvent exister que dans l’intelligence et que, en dehors de l’intelligence, il n’existe que du particulier. du singulier, de l’individuel. Dans les deux cas, les universaux ne sont que de purs concepts, auxquels ne correspond aucune réalité extra-intellectuelle.