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    1. PIERRE AURIOL##


PIERRE AURIOL. LES PROBLÈMES PHILOSOPHIQUES

1850

mit vainc quia non conjcrunt ud cognoscenda accidenta propria ; definilio autem philosophica est propria, i/uia per ipsam cognoscimus uccidenlia propria quæ insunt rei. In III Sent., p. 340 a. Ex rationibus logicis non débet judicari vemm, posilo quod appareat aliquod inconveniens secundum rationcm logicam. In II Sent., I>. 105 b. Il faut donc donner la préférence à l’expérience sur les arguments de raison : Prima quidem via cxperientiæ, cui adhverendum est potins, quam quibuscumque logicis rationibus, cum ab experientia habet ortum scientia et communes animi conceptiones, quæ sunt principia artis. In I Sent., p. 25 a.

Cette tendance empiriste, unie à sa propension à la critique des autres systèmes, fait naître inévitablement en Auriol une tendance prononcée au scepticisme, qui consiste avant tout en ce qu’elle restreint fortement la puissance de l’intelligence à fonder une philosophie et une théologie scientifiques. Non seulement en philosophie, mais aussi en théologie, Auriol donne la préférence aux éléments de l’expérience sur ceux que fournissent la spéculation. Ainsi, d’après Auriol, Vhabitus theologicus de la foi n’est pas un habitas adhsesivus. mais un habitus mère declaratiims, pas un habitas speealativiis, mais un habitus mère practiçus, qui est nobilior quocumque habitu speculativo humanitus adinvento. Cf. Dreiling. op. cit., p. 201. Quant aux rapports que Pierre Auriol admet entre la théologie et la science, on peut voir E. Krebs, Théologie und Wissenscha/t nach der Lehre der Hochscholaslik. An der Il and des bisher ungedrucklen « Dejensio doctrines D. Thomas » des Hervœus Natalis mit Bei/iigung gedruckler und ungedruckter Parallelstellen, Munster, 1912, et C. Werner, Die Scholastik des spàteren Mittelalters, t. ii, Die nachscotistische Scholastik, Vienne, 1883, p. 21 sq.

Toutefois, d’après Auriol, les données de la foi et l’enseignement de l’Église constituent la norme principale et suprême de toute vérité, de sorte qu’il faut y adhérer même quand toutes les autres sources de la science ne peuvent arriver à une certitude absolue ou même enseignent plutôt l’opposé. Aussi, le docteur franciscain s’est-il efforcé de faire accorder la doctrine d’Aristote et d’Averroès avec l’enseignement de l’Église : In omnibus autem intendo opiniones Aristotclis et philosophorum doctrinam cum verilate fidei concordare. Tract, de principiis, cod. Vat. lut. 3063, fol. 1.

Les divers problèmes philosophiques.

La propension

à la critique, les tendances intellectualiste, empiriste et sceptique observées chez Pierre Auriol devaient nécessairement l’amener à opérer une révolution dans la philosophie et la théologie d’école professées pendant le xme siècle, à y introduire un courant nouveau, opposé à celui qui avait dominé pendant l’âge d’or de la scolastique.

1. Le problème des universaux.

S’opposant au réalisme de saint Thomas et de Duns Scot et à la théorie de la connaissance professée par saint Bonaventure, Auriol introduit le conceptualisme, qui mena logiquement au nominalisme d’Occam. D’après Pierre Auriol, aux concepts de genre et de différence spécifique, et conséquemment à tous les universaux, ne correspondent ni des réalités constituant l’essence intrinsèque des choses (théorie scotiste exposée et réfutée dans In II Sent., p. 63 6-66 a), ni des apparences sous lesquelles nous apparaît une chose (théorie des physiologues (opticiens), In II Sent., p. 61 a-62 a), ni des ressemblances ou analogies plus ou moins grandes qui existent entre les objets (théorie de Noël Hervé, In II Sent., p. 62 6-63 b), mais une seule et même chose. Quoique les manifestations et les apparences extérieures d’un objet constituent presque toujours et que les ressemblances entre divers objets puissent consti tuer quelquefois le point de départ pour la formation des concepts universe s, cependant, elles ne constituent jamais et ne peuvent constituer leur contenu réel et essentiel. Les concepts universels sont de fait distincts l’un de l’autre non par quelque chose d’externe à eux, mais par eux-mêmes, à savoir par la perfection, la clarté ou la détermination avec laquelle ils représentent une seule et même chose. L’universalité des concepts consiste ainsi réellement dans l’imperfection, la confusion ou l’indétermination, qui permettent à notre intelligence de voir dans chacun de ces concepts une image ou une représentation de plusieurs individus. Plus un concept est confus, imparfait et indéterminé, plus grande sera son universalité ; plus un concept sera clair, parfait et déterminé, moins grande sera son universalité. Un seul et même objet excite dans l’intelligence des impressions déterminées, qui, à leur tour, constituent la cause réelle et immédiate de la perfection, de la clarté ou de la détermination différente des concepts. La qualité des impressions dépend de l’intensité de l’excitation, de la perfection de l’intelligence et de l’influence de la volonté. In II Sent., p. 66 6-68 b.

Pour expliquer complètement la portée de l’opinion d’Auriol, il faut ajouter quelques mots sur le rapport qu’il met entre les sens et l’intelligence. L’intensité et la qualité des impressions de l’objet sur les sens ne dépendent que de la perfection des sens et de la distance qui sépare les organes de l’objet, mais elles ne dépendent nullement de la volonté, puisque les impressions sensibles reçues dans les organes sont entièrement indépendantes de la volonté. Il en va tout autrement pour l’intelligence. Le phanlasma, Vintelleclus agens et Vintelleclus possibilis sont sous l’influence de la volonté et ne peuvent agir qu’après avoir reçu une impulsion de la volonté. Il s’ensuit que l’impression produite dans Vintelleclus possibilis, par l’activité simultanée du phantasma et de V intelleclus agens, de même que l’intensité de cette impression, dépend de la volonté. Comme dans les enfants l’empire de la volonté ne se manifeste point et est absorbé, il leur est impossible de se procurer des impressions plus fortes ou plus faibles, mais leur connaissance progresse naturellement de l’imparfait au parfait, en raison directe du développement progressif de leur intelligence. De ces principes, il résulte que les sens, à la distance convenable, ne peuvent pas recevoir une double impression de l’objet. Le sens est-il parfait et la distance de l’objet est-elle proportionnée à l’organe, l’objet doit nécessairement produire une impression forte et ne peut, dans ce cas, produire une impression faible, puisqu’il n’est pas au pouvoir des sens de recevoir d’un objet une impression plus parfaite et une autre moins parfaite. Il n’en est pas ainsi de l’intelligence, qui, à cause de sa dépendance de la volonté, peut recevoir deux impressions différentes d’un même objet, l’une forte, l’autre faible. Enfin, l’impression produite sur les sens dépend toujours d’une distance déterminée, tandis que l’intelligence fait abstraction de toute distance et de toute localisation. De cette théorie, Auriol déduit que, les impressions sensibles éta ît indépendantes de la volonté, les sens sont préservés de nombreuses erreurs, tandis que la dépendance de l’intelligence par rapport à la volonté est la cause de nombreuses erreurs. C’est à la dialectique à enseigner à éviter celles-ci. In II Sent., p. 68 b et 69 b.

Des théories exposées plus haut, il résulte nécessairement que Pierre Auriol dénie toute réalité aux concepts universels. Rejetant la théorie, des réalités et des formalités de Duns Scot pour expliquer les universaux, le maître franciscain cite l’opinion d’Aristote et du Commentateur, d’après laquelle les universaux n’existent actuellement que dans l’intelligence et seulement en puissance dans les objets, sans cependant se