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    1. PIERRE AURIOL##


PIERRE AURIOL. COMMENTAIRE SUR LES SENTENCES

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Il prétendait qu’Auriol empruntait au bréviaire des textes dépourvus de toute autorité. Il le reprenait sur sa façon de comprendre et d’interpréter les textes de saint Anselme et de saint Augustin. Il soutenait qu’Auriol n’avait point eu sous les yeux les traités complets d’où il avait extrait les textes cités. Il tâchait de prouver que la sainte Vierge n’avait point été exempte de la loi universelle du péché originel. Enfin, il concluait qu’admettant l’immaculée conception de Marie on blasphémait Dieu et que, par conséquent, tout le traité de Pierre Auriol devait être rejeté comme absurde. A chacun des reproches soulevés contre le traité du maître franciscain, le contradicteur répétait, comme un refrain, la même épithète désobligeante, ineptum.

Le maître franciscain crut ne pouvoir mieux repousser cette attaque maladroite et discourtoise qu’en frappant lui-même : Repercussorium ! comme l’indique le titre de sa réplique.. Il répondit à toutes les objections et réfuta tous les reproches qui lui étaient faits et il renvoya à son contradicteur l’épithète d’ineptus, tout en y joignant celle de présomptueux et de grossier. La polémique, cependant, ne remplit qu’une minime partie du traité. Cf. N. Valois, op. cit., p. 498-499.

Quel fut cet adversaire acharné de Pierre Auriol ? Quelques-uns, parmi lesquels Pierre d’Alva et Astorga, Quétif-Échard, op. cit., Sbaralea, op. cit., éd. 1805, p. 586, les éditeurs du Repercussorium, éd. cit., p. xviii, ont cru, mais à tort, devoir l’identifier avec le dominicain Guillaume de Gannat, qui a publié contre l’immaculée conception un traité intitulé De vera innocentia Matris Dei, dans lequel il alléguait, en faveur de sa thèse, un grand nombre de textes de docteurs, dont Jean Capréolus cite 38 passages. Defensiones theologiæ D. Thomse, seu Quæstiones in IV libros Sententiarum, Sent., t. III, dist. III, a. 1. La preuve principale qu’ils invoquent en faveur de leur thèse, ne tient pas. Ils pensent que les paroles du Repercussorium : Prseterea in eodem libello adducuntur quadraginta auctoritates, quas ipse compositor invenit in dictis sanctorum, éd. cit., p. 143, visent le traité composé par le contradicteur d’Auriol pour réfuter son Tractatus de conceptione. Or, ces paroles se rapportent de fait au Tractatus de conceptione, désigné par le terme libcllus, et le compositor auquel il y est fait allusion n’est autre qu’Auriol lui-même. Le maître franciscain en effet, y rapporte les reproches faits par son adversaire contre son Tractatus de conceptione. Parmi ces reproches, il y a celui-ci : « Dans ce même libelle (Tractatus de conceptione) sont rapportées quarante autorités, que l’auteur (Pierre Auriol) a trouvées dans les textes des saints. Or, on pourrait en trouver encore plus de quarante autres en faveur de cette thèse, que lui n’a ni trouvées ni citées. Donc il est absurde et insuffisant dans ses citations. » En conséquence, ce texte ne prouve rien en faveur de la thèse que le Repercussorium aurait été écrit contre le traité, cité plus haut de Guillaume de Gannat. Il n’est pas possible, dans l’état actuel des recherches, de déterminer avec précision quel fut le contradicteur de Pierre.

Le Repercussorium a dû être écrit peu après le Tractatus de conceptione, donc dans les premiers mois de 1315. Le témoignage de Pierre Auriol est explicite à ce sujet dans le Repercussorium. Voir éd. cit., p. 95 et 139. Or, comme le Tractatus de conceptione fut composé vers la fin de 1314, il faut placer la rédaction du Repercussorium dans les premiers mois de 1315. Pour les autres preuves favorables à cette thèse, cf. N. Valois, op. cit., p. 497-498.

Pierre Auriol a divisé lui-même, au début, son traité en huit chapitres ou « conclusions ». Le viiie et dernier chapitre seul a un caractère polémique, parce que le

maître franciscain y répond à son contradicteur. Les autres sont dépourvus de toute polémique et fournissent des éclaircissements théologiques et physiologiques sur quelques sujets délicats, qu’il avait abordés une première fois dans le iie chapitre de son Tractatus de conceptione et qu’il reprend ici avec plus d’ampleur et développe dans un style plus philosophique. Dans le c. I, il explique que la rébellion actuelle ou le stimulus carnalis n’a pas son origine dans l’appétit sensitif, en tant que tel, mais dans une qualité vicieuse et positive ajoutée à la substance de la chair et à la puissance naturelle de l’appétit ; cette qualité constitue l’élément matériel du péché originel. Dans le c. ii, il expose que la privation de la justice originelle ne constitue pas l’élément formel du péché originel, mais l’élément matériel et qu’en fait elle se confond avec la rébellion habituelle. Dans le c. iii, il prouve que l’élément formel du péché originel se trouve dans l’offense faite à Dieu et dans la haine objective de Dieu, tandis que, dans le c. iv, il démontre que la cause du péché originel n’est pas à chercher dans la decisio sola seminis, mais dans la conception libidineuse, sans laquelle la femme ne peut pas concevoir. Dans le c. v, Auriol développe que la justice originelle était subjectivement là où est maintenant la rébellion, à savoir dans l’appétit sensitif ; et, dans le c. vi, qu’à cause de cela le péché originel est contracté par tous ceux qui descendent libidineusement d’Adam, parce que toute la nature humaine, existant en lui virtuellement, a consenti en quelque façon au péché. Dans le c. vii, il explique que la conception consiste proprement dans Valteratio seminis et corporis formatio ou, plus exactement, dans la susceptio seminis. Dans son exposé, Pierre Auriol invoque fréquemment l’autorité d’Aristote et, quelquefois, celle d’Averroès.

Dans le Repercussorium, comme dans ses traités antérieurs, Auriol conserve une attitude modérée. Il se contente d’enseigner que, si l’opinion opposée est admissible, l’autre, favorable au privilège de Marie, est plus commune, plus décente, plus conforme au sentiment des saints, chez lesquels, dit-il, on ne trouve pas un seul texte contredisant cette proposition : « La sainte Vierge a été préservée du péché originel au moment de l’infusion de son âme. » Aussi termine-t-il en affirmant qu’il continuera à admettre et à défendre ce privilège, jusqu’à ce que l’Église romaine, seul arbitre dans cette question, en ait décidé autrement.

Commentarium in IV libros Sententiarum.


1. La double rédaction.

Une question fondamentale compliquée se pose nécessairement ici au sujet de la double rédaction du commentaire sur les quatre livres des Sentences de Pierre Auriol. Ce sujet, vivement débattu en ces dernières années, a été résolu de façons différentes par les auteurs. Ainsi N. Valois, op. cit., p. 500-504, avait émis l’opinion qu’il doit exister une double rédaction du commentaire entier de Pierre Auriol sur les quatre livres des Sentences. R. Dreiling s’est rangé aux côtés de N. Valois et a trouvé une forte confirmation de la thèse de la double rédaction dans le fait que Trithème donne au commentaire des Sentences de Pierre Auriol un incipit différent de celui que nous lisons dans le texte actuel de la rédaction imprimée à Rome en 1596. (Trithème donne comme incipit de son texte : Quia disciplinait hominis, et l’édition imprimée : Expandit librum coram me.) De plus, selon le P. Dreiling, dans la rédaction imprimée, il existe des textes qui semblent faire allusion à une rédaction antérieure (op. cit., p. 20-23). Selon N. Valois et R. Dreiling, le commentaire doit avoir été complet dans sa première rédaction, qui, cependant, a été négligée très tôt, déjà, peut-être, du vivant de Pierre Auriol, et a dû céder le pas à la seconde rédaction. Cette dernière aurait été le