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PIERRE AURIOL. OUVRAGES AUTHENTIQUES


Rome, 1806, p. 586, que Pierre Auriol aurait été considéré, pour la toute première fois, comme cardinal dans un acte de l’université de Louvain, datant de 1470. A cette époque, en elïct, il devait déjà être considéré généralement comme cardinal. Cela résulte du fait qu’il figure déjà sur une tapisserie de cette époque, donnée en 1479 par Sixte IV à la basilique de Saint-François à Assise. Ce dessin grandiose symbolise saint François, fondateur des trois ordres, à l’aide d’un arbre mystique, ou, si l’on préfère, généalogique. Sur les branches de l’arbre sont représentés des saints et des hommes illustres des ordres fondés par le patriarche d’Assise : sainte Elisabeth de Hongrie, le bienheureux Elzéar de Sabran, saint Louis d’Anjou, évêque de Toulouse, saint Antoine de Padoue et saint Bernardin de Sienne. En bas, Sixte IV, le donateur de la tapisserie, entre Nicolas IV et saint Bonaventure, d’un côté, et Pierre Auriol de l’autre. Ce dernier porte les insignes de cardinal, comme pendant à saint Bonaventure. Voir M. Bihl, Quelques notes sur l’exposition d’art ombrien médiéval à Pérouse, dans Études franciscaines, t. xviii, 1907, p. 305. A partir de cette époque, les peintres représentent généralement le maître franciscain comme cardinal et les historiens lui décernent habituellement ce titre. La même erreur se trouve dans plusieurs des anciennes éditions d’Auriol. La légende du cardinalat de Pierre Auriol devrait son origine à une confusion faite entre lui et son prédécesseur au siège archiépiscopal d’Aix, Pierre de Prato ou des Prés ou Desprez, qui fut élevé au cardinalat le 19 ou le 20 décembre 1320.

II. Ouvrages.

Pierre Auriol occupe une place intermédiaire entre l’elllorescence de la scolastique au xine siècle et sa décadence au xive ; il constitue un des points de ralliement les plus importants entre le réalisme de saint Thomas et de Duns Scot et le nominalisme de Guillaume d’Occam ; il est l’un des principaux agents qui, ayant rompu avec l’enseignement traditionnel des scolastiques du xme siècle, ont préparé le terrain à l’occamisme ; l’étude des ouvrages du maître franciscain présente donc un intérêt spécial pour l’histoire de la philosophie et de la théologie scolastiques. Mais la première question qui s’impose dans ce genre d’études est de distinguer les ouvrages authentiques des œuvres fausses ou douteuses et d’avoir des renseignements exacts au sujet des productions littéraires d’Auriol, d’autant plus que quelques-unes d’entre elles sont enveloppées encore d’épaisses ténèbres. 1° Ouvrages authentiques ; 2° Ouvrages douteux ou apocryphes.

I. ovvraoes authentiques.

1° Tractatus de paupertate et usu paupere. — De ce traité, qui est le premier ouvrage composé par Pierre Auriol, on ne connaît plus aujourd’hui aucun ras. D’après Fr. Ehrle, deux exemplaires en existaient en 1375 à la bibliothèque des papes, à Avignon, Historia bibliolhecæ RR. PP. tum Bonifatianæ, tum Avenionensis, Rome, 1890, p. 476, n. 232, et p. 496, n. 613, et du temps de Wadding un exemplaire en était conservé à la bibliothèque du couvent des franciscains de Séez. Scriptores ord. minor., Rome, 1906, p. 185. Ce traité a été édité dans les Firmamenta trium ordinum beatissimi Patris nostri Francisci, Paris, 1511, part. IV, fol. 116 r°129 r°. J.-H. Sbaralea affirme qu’il a été édité aussi dans le Firmamentum trium ordinum, Venise, 1513, part. III. Il débute : Supposito quod paupertas evangelica, quam Christus vivendo tenuit. Selon N. Valois, ce traité doit être antérieur à la constitution Exivi de paradiso, promulguée par Clément V le 6 mai 1312, dans laquelle le pape résout la question de « l’usage pauvre », qui divisait depuis un demi-siècle les frères mineurs. Comme Pierre Auriol n’y fait aucune allusion, il faut conclure que le traité doit être antérieur.

Cet ouvrage, cependant, ne peut avoir précédé de

beaucoup la constitution Exivi de paradiso. Cette conclusion résulte du fait que, malgré la vive polémique qui est menée contre les deux partis extrêmes et la complète indépendance de la doctrine dans la lutte acharnée des partis, cet écrit n’a jamais été cité avant le concile de Vienne (16 octobre 1311).

Dans cet opuscule, Pierre Auriol prend position dans la controverse. Les luttes aiguës qui divisaient, aux xiii<’et xiv c siècles, l’ordre des frères mineurs, ont déjà fait l’objet de nombreuses monographies, qui fournissent un exposé étendu de l’agitation extrême causée dans l’ordre franciscain par les divergences de vues des spirituels et des conventuels. René de Nantes, O.M.Cap., Histoire des spirituels, Paris, 1909 ; G. Schreiber, Kuria und Kloster im XI’. Jahrhundert, Stuttgart, 1910 ; K. Balthasar, Geschichte des Armutsstreites im Franziskanerorden bis zum Konzil von Wieru Munster-en-W. , 1911 ; Fr. Ehrle, Die Spiritualen : ihr Verhùltnis zum Franziskanerorden undzu den Fraticellen, dans Archiv fur Litteratur— und Kirchengeschichte des M. A., t. i, 1885, p. 509-569 ; t. ii, 1886, p. 108-164, 249-336 ; t. iii, 1887, p. 553-623, t. iv, 1888, p. 1-190 ; Petrus Johannes Olivi, sein Leben und seine Schriften, dans la même revue, t. iii, 1887, p. 409-623 ; Zur V or geschichte des Concils von Wien, dans la même revue, t. ii, 1886, p. 353-416 ; t. iii, 1887, p. 1-195 ; F. Tocco, La quistione délia povertù nel secolo XIV secondo nuovi documenti, Naples, 1910 ; Frédégand Callæy, O. M. Cap., L’idéalisme franciscain spirituel au XIVe siècle. Étude sur Ubertin de Casale, Louvain, 1911 ; Gratien de Paris, O. M. Cap, Histoire de la fondation et de l’évolution de l’ordre des frères mineurs, Paris, 1928 ; Décima L. Douie, The nature and the effect of the heresy of the fratricelli, Manchester, 1932.

Parmi les nombreuses questions débattues entre les frères mineurs de cette époque, celle dite de " l’usage pauvre » occupe une place notable. Elle consistait substantiellement à déterminer si le frère mineur, qui, en vertu de la règle, est obligé à observer la pauvreté évangélique la plus sévère et donc à ne rien posséder en propfe, est obligé, en vertu de la même règle et du vœu de pauvreté évangélique, à user pauvrement même des choses qu’il ne possède pas, et si l’obligation de l’usage pauvre appartient à l’essence du vœu de pauvreté émis dans l’ordre franciscain. Olivi, qui est un des principaux promoteurs de cette controverse, avait donné à la question une réponse affirmative. Fr. Ehrle, P. J. Olivi, recueil cité plus haut, t. iii, 1887, p. 506517. La question fut reprise dans les années qui précédèrent le concile de Vienne et donna lieu à de très longues et vives controverses, qui échauffèrent les esprits et mirent violemment aux prises les défenseurs et les adversaires d’Olivi. Fr. Ehrle, Zur Vorgeschichte, dans ibid., t. iii, 1887, p. 1-159. Vers 1210, la lutte était arrivée au point culminant parles débats violents que se livrèrent les spirituels et les conventuels au sujet de la question de l’obligation de l’usage pauvre.

C’est à cette époque que Pierre Auriol scmêla aux luttes et prit part aux débats par son Tractatus de paupertate et usu paupere, dans lequel il prend position, d’un côté, contre le rigorisme outré et trop étroit des spirituels et, d’un’autre côté, contre le laxisme des conventuels. Auriol commence par établir le principe indiscuté que le frère mineur, en vertu de sa règle, est tenu d’observer la pauvreté évangélique dans toute sa rigueur et de la pratiquer à l’exemple du Christ et des apôtres. Ensuite, il passe à la question de l’usage pauvre et se pose, à ce sujet, quelques questions qu’il juge lui-même embarrassantes. Le frère mineur obligé à cet extrême degré de pauvreté est-il tenu, en vertu de sa règle, d’user pauvrement des choses et des objets qu’il a à son usage ? Cet usage pauvre, en quoi doit-il