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PIERRE III D’ANTIOCHE

PIERRE AURIOL

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dent qui traversait Antioche en direction de Jérusalem, et qui, probablement, prit aussi avec lui les lettres destinées aux patriarches de Jérusalem et d’Alexandrie. Le séjour en Terre sainte, puis les difficultés du voyage en ces temps l’oit troublés expliquent bien quelque retard. Arrivé en Italie, le messager remll la synodique à Argyros, qui devait la présenter au Saintl’è. re. Le pape, de son côté, prit, pour faire parvenir sa réponse, une voie semblable. Quelque Franc l’apporta à Pierre, par quels chemins ou détours, Dieu le sait (on voulait agir sur le patriarche, sans que Byzance en soupçonnât rien) : tant et si bien que Pierre, au printemps de 1054, crut que sa synodique était perdue et en fit une autre, et que la réponse de Léon ne lui parvint qu’à l’automne 1054. Par surcroît de malheur, personne à Antioche qui sût assez de latin pour traduire le document pontifical et l’on dut demander ce service à Byzance. C’est sans doute cette traduction que présente le manuscrit de Florence Pluteus 57, cod. 4°, n. xxv iii, et qui vient d’être éditée par A. Michel, op. cit., p. 459-475. Elle est faite avec assez de négligence. Quand il put la lire, Pierre connaissait déjà par Cérulaire ce qui s’était passé le 16 juillet et les jours suivants à Constantinople et, depuis plusieurs mois, Léon IX était mort. Entre temps, notre patriarche avait reçu une lettre de Dominique de Grado justifiant l’usage latin des azymes. Il lui répondit (printemps 1054) par un long traité, cherchant à en prouver l’illégitimité. Dans ce traité, il exposait également la théorie de la pentarchie, ou gouvernement de l’Église par les cinq patriarches. L’occasion en était le titre de patriarche, pris par Dominique de Grado dans sa lettre (en héritage de ses prédécesseurs). Pierre protesta contre cette intrusion dans le collège patriarcal. L’Église est un corps qui a pour tête le Christ. Un corps n’a que cinq sens : ainsi le Christ régit et conduit son Église au moyen des cinq patriarches : un sixième patriarche est aussi impossible dans l’Église qu’un sixième sens dans le corps humain. Ce qui est plus grave, c’est que Pierre proclame l’égalité absolue des cinq patriarches. Entre eux, c’est le suffrage du plus grand nombre qui doit faire loi : tcôv ttasiôvwv 7) <{ôjçoç xpaTs !. Ainsi, dans la question des azymes, un seul patriarche doit céder devant les quatre autres. En automne de la même année 1054, Pierre reçut une double lettre de Michel Cérulaire sur les événements qui marquèrent l’ambassade du cardinal Humbert et sur les prétendues nouveautés criminelles des Latins. Pierre y était soupçonné d’avoir inséré le pape dans les dyptiques, alors que cela ne s’est pas fait depuis le pape Vigile. Il s’en défend dans sa réponse tout en donnant une bonne leçon d’histoire à l’ignorant Cérulaire. Il précise aussi sa position sur les reproches à faire aux Latins. Pour lui, il n’y a d’obstacle essentiel à l’union religieuse que l’addition du Filioque au symbole. Sur la correspondance de Pierre avec Dominique de Grado et Cérulaire, voir plus de détails à l’article Michel Cérulaire, col. 1685-1686 et 1698-1701. Pierre mourut dans l’été de 1057. Sa seconde lettre au pape Léon IX a été aussi publiée par A. Michel, op. cit., p. 454-456. Elle est beaucoup plus courte ; elle énumère les conciles œcuméniques et, détail peut-être intentionnel, omet le nom d’Honorius dans la liste des personnages condamnés par le VIe concile.

Pierre d’Antioche laisse l’impression d’un honnête homme, sincèrement désireux de l’union des Églises, prêt à sacrifier au bien de la paix tout ce qui n’est pas essentiel, et n’est essentiel, pour lui, que ce qui ressort au dogme (en l’espèce le rejet du Filioque) ; plus soucieux cependant de ne point désobliger Byzance que d’obliger Rome ; imbu par surcroît de cette fausse idée que l’autorité ecclésiastique est également répartie entre les patriarches, de telle sorte que quiconque

d’entre eux est séparé des autres se trouve par là même, pour employer son expression, hors i du corps des Églises ».

Antiochien d’origine, Pierre sut revendiquer contre Cérulaire l’indépendance et la dignité de son Église en déchirant un diplôme de charge ecclésiastique conféré à l’un de ses diacres par son collègue de Constantinople. Cérulaire mit fin à l’incident en déclarant que le diplôme avait été délivré à son insu. Nous devons à Nicon de La Montagne-Noire la connaissance de cet épisode. Voir son texte dans Bénéchévitch, Catalogua codicum… qui… in monte Sina asseroantur, t. i, p. 582. Cf. aussi Mai, Script, vet. nov. eollectio, t. iv, p. 165.

Pierre d’Antioche eut aussi des relations avecl’Église d’Ibérie. Balsamon mentionne de lui un acte synodal, diagnosis, concernant l’indépendance de cette Église, In can. 2 conc. Constantinop. II. P. (i.. t. cxxxvii, col. 326 A B.

Pour les sources et les travaux, voir la bibliographie de l’article Michel Cérulaire. Ajouter le t. u de A. Michel, Humberi und Kerullarios, spécialement p. 416-475, où l’on trouvera, avec une notice sur le personnage, ses diverses synodiques ainsi que la traduction grecque de la réponse de Léon IX. Pour les autres lettres de Pierre ou à Pierre, voir Will, Acta et scripta qnæ de cuntroversiis Ecclesiæ grmem el lalinæ smculo undecimo composita exstant, 1801 : lettre de Léon IX à Pierre, p. 108-171 ; lettre de Dominique de Grado â Pierre, p. 205-208 ; lettres de.Michel Cérulaire à Pierre, p. 172-184 et 184-188 ; réponses de Pierre à Dominique, p. 208-228, et à Cérulaire, p. 189-202. — Pour la théologie de Pierre, voir M. Jugie, Theolngia dogmatica cliristiimoriim orientalium, t. i (consulter l’Index alphabétique).

V. Grumel.

    1. PIERRE AURIOL ou ORIOL##


9. PIERRE AURIOL ou ORIOL, frère mineur († 1322), célèbre maître parisien, scolastique illustre qui, vivant à la limite de deux périodes de l’histoire de la scolastique, incarne en lui l’esprit de la philosophie et de la théologie de son époque. Esprit indépendant et original, il se détacha de tous les courants doctrinaux pour se frayer une voie personnelle, qui, bien qu’encore imbue de la culture des temps précédents, poursuit cependant un objectif nouveau, le rétablissement du nominalisme, tombé dans un profond oubli pendant le xme siècle et tenu en échec par le réalisme aristotélico-thomiste et augustinofranciscain. Décoré des dénominations les plus flatteuses de Magister pnvcipuus, Doctor eximius, Doctor noinis et souvent de Doctor facundus, Auriol se constitua aussi le défenseur convaincu et acharné du privilège de l’immaculée conception de Marie, alors vivement débattu dans les écoles. Au cours des siècles, des légendes nombreuses se sont formées autour de la personne obscure et mystérieuse du maître franciscain. Jusqu’en es derniers temps encore, les données historiques de la vie et de l’activité littéraire d’Auriol étaient basées en grande partie sur des renseignements légendaires et faux. Ces dernières années, plusieurs historiens et savants médiévistes, tels que F. Stanonik, Déni fie et Châtelain, N. Valois, E. Albe, R. Breiling, O. F. M., Fr. Pelster, S. J., ont réussi, à jeter un peu de lumière sur des points jusque-là obscurs. Sans prétendre résoudre toutes les controverses et tirer au clair tout ce qui concerne la vie et l’activité littéraire de Pierre Auriol, nous tâcherons d’en retracer la biographie et la bibliographie et de déterminer la place qui lui revient dans le mouvement des idées du premier quart du XIVe siècle. I. Vie. IL Ouvrages (col. 1817). III. Position doctrinale (col. 1816). IV. Pierre Auriol et les scolastiques (col. 1877).

I. Vie.

Malgré les nombreux travaux récents, on n’a cependant pas réussi à résoudre toutes les controverses et à percer définitivement les épaisses ténèbres qui entourent l’existence du docteur fran-