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PIKRRK i SAINT). [le ÉPITRE, ORIGINE


tonnes : « Une seule épître de Pierre, celle qu’on appelle la l ii, est universellement reçue ; les anciens en ont usé dans leurs écrits connue d’une œuvre authentique. Pour celle qui est dite la II 1’, on nous a enseigné qu’elle n’appartient pas au recueil sacré ; niais, parce qu’elle a paru utile à beaucoup, on l’a traitée avec le même respect que les autres Écritures… Des lettres qui portent le nom de Pierre, dont je ne connais qu’une seule authentique et reçue par les anciens, c’est tout ce que j’ai à dire. » Ilisl. eccl., t. III, c. iii, n. 1-1. Le même jugement se retrouve en deux autres passages, ibid., t. III, c. xxv. n. 3 (cꝟ. t. VI, c. xxv, n. 8), où la //* Petri est rangée par Eusèbe dans la catégorie des livres « contestés, avec l’épître de Jacques, celle de Jude, la II et la IIIe de Jean. Il ressort de ces deux textes qu’au début du ive siècle des doutes sérieux et motivés subsistaient touchant la canonicité de la IIe épître de Pierre, bien qu’en fait ce document fût traité comme Écriture —dans la plupart des Églises. Cet état de choses devait se perpétuer jusqu’au ve siècle. L’Église d’Antioche, notamment, se distingua par son opposition à l’admission de la II 3 — Petri dans son recueil canonique : on ne relève aucune mention de cette lettre dans les œuvres de saint Jean Chrysostome, de Théodore de Mopsueste et de Théodoret ; la chose est d’autant plus significative que tous ces écrivains ont multiplié les citations scripturairesdans leurs ouvrages. En Occident, il ne semble pas que la II 3 — Pétri ait été connue avant le iiie siècle. En elTet, elle ne figure pas dans le catalogue romain des Écritures appelé Canon de Muratori ; Tertullien ne l’a pas citée, saint Cyprien non plus, alors que ces deux auteurs ont fait des emprunts à la PPctri.

Les citations les plus anciennes, en ce qui regarde l’usage ecclésiastique de la II* Pétri, sont fournies, pour l’Afrique, par le Canon dit de Mommsen ou de Cheltenham (vers 360) ; pour l’Italie, par VAmbrosiasler, Filastre de Brescia et saint Ambroise ; pour l’Espagne, par Priscillien. On remarquera que le Canon africain de Mommsen, tout en mentionnant deux épîtres de Pierre, n’en donne qu’une seule — et il ne peut s’agir que de la I re — comme canonique : Epislulse Pétri II. vers. CGC. una sola ; pour le texte, voir A. Souter, The text and canon of the New Testament, p. 212-213.

Quant à saint Jérôme, admirablement renseigné sur les usages et les traditions des Églises d’Orient et d’Occident, il compte la II 3 — Pétri parmi les sept épîtres catholiques et la range ainsi dans la catégorie des écrits canoniques : Jacobus, Petrus, Joanncs, Judas aposloli septem cpistolas ediderunt. Epist., liii, ad Paulinum, P. /… t. xxii, col. 548. II note cependant que des doutes subsistent toujours en ce qui regarde l’origine de la IIe épître de Pierre : Scripsit [Petrus] duas epislolas, quæ catholicæ nominantur ; quarum secunda a plerisque ejus esse negatur, propter stili curn priore dissonantiam. De vir. illustr., 1.

La grande autorité de saint Jérôme et l’insertion de la // » Pétri dans la Yulgate latine firent disparaître les hésitations qui se manifestaient encore de-ci dc-là touchant la canonicité de cette épître. A partir du v c siècle, la lettre en question figure dans toutes les listes officielles des livres regardés comme inspirés par tes I v_ ! lises orientales et occidentales. Vers 550, l’Africain Junilius faisait cependant encore état des doutes et controverses du temps passé et rangeait la 77° Pétri parmi les livrer « d’autorité moyenne », tout en notant que l’immense majorité (quam plurimi) ne tenait m compte des c introverses anciennes. Le concile di Trente n’avait qu’à confirmer l’usage ecclésiastique ancien eu inscrivant la II" Pétri dans le catalogue officiel des livres du Nouveau Testament.

Sur cette question, voir Th. Zahn, Geschichte des neuleslamentlichen Kanons, t. i, p. 310 sq., 959 sq. ;

(îrundriss der Geschichte des neutestamentlichen Kanons, 2e édit., p. 82 sq. ; A. Loisy, Histoire du canon du Nou veau Testament : H. Jacquier, Le Nouveau Testament dans V Éylise chrétienne, t. IjC.Bigg, op. cit., p. 199-210.

VI. Origine, auteur et date de l’épître. — Chacun sait qu’authenticité et canonicité d’un écrit inspiré sont deux choses distinctes, qui ne sauraient être confondues ni en droit ni en fait. Il faut donc aborder maintenant le problème de l’origine de la //a pe tri, problème qui relève de la critique historique et de la critique littéraire.

Disons tout de suite que, d’une façon générale, la thèse de l’authenticité pétrinienne compte peu de partisans en dehors des exégètes catholiques et que les objections faites contre l’attribution traditionnelle de cette épître à saint Pierre sont assez impressionnantes : origo apostolica hujus epistolse di/ficilius probatur, déclare dom Hildebrand Htipfl, membre de la commission pontificale De re biblica, en abordant ce sujet. Introduclionis in sacros utriusque Testamenti libres compendium, t. iii, p. 394.

Parmi les modernes, Henkel, Camerlynck, Bigg. Zahn, Spitta, Kùhl, Maier, Grosch, Wrede, Cornely, Belser se sont prononcés pour l’authenticité pétrinienne. Au contraire, Harnack, H. Holtzmann, Cheyne, von Soden, Jùlicher, Knopfl, Loisy, Windisch, Molïatt, Wendland et la masse des critiques se refusent à voir dans ce document un écrit de saint Pierre. Pour beaucoup de ces derniers, la question ne mérite même pas la peine d’être discutée : « Étant donné que l’épître de Jude a été composée entre 100 et 130, déclare Harnack, le jugement se trouve déjà porté sur la II* Petri. et ce jugement s’appuie sur tant d’autres considérations aboutissant toutes à la même conclusion, que je puis me dispenser de prouver l’inauthenticité de cette lettre. » Die Chronologie, t. i, p. 468. L’opinion de A. Loisy n’est pas moins nette : « Écrite en connaissance et en regard de la I re, la IIe épître de Pierre est un faux beaucoup plus hardi. » Les livres du Nouveau Testament, p. 237.

Pour plus de clarté, nous étudierons successivement les témoignages externes et les critères internes ; suivra l’examen des principales objections contre l’authenticité pétrinienne ; viendra entin la conclusion.

Les témoignages externes.

Ils ont été produits

plus haut à propos de la canonicité de l’épître. Le premier écrivain qui fasse mention certaine de la II* Petri est Origène ; personnellement, il paraît la tenir pour authentique, tout en reconnaissant que d’autres s’y refusent. Ainsi, jusqu’au début du iiie siècle, le silence est complet ; en mettant les choses au mieux, on remonterait d’un quart de siècle en tenant compte de Clément d’Alexandrie. Puis, durant près de deux cents ans, on discute sur l’autorité, c’est-à-dire sur l’origine de l’épître, les uns la regardant comme un document apostolique, les autres lui déniant ce caractère ; les premiers l’acceptant dans le canon, les seconds ne l’utilisant qu’avec des réserves ou la rejetant purement et simplement. A partir du ve siècle, le problème se trouve tranché au bénéfice de l’authenticité pétrinienne, et beaucoup plus, semble-t-il, sous l’influence de l’usage ecclésiastique que pour des raisons de critique historique ou littéraire. Dans ces conditions, on ne saurait dire que l’origine pétrinienne s’impose comme un fait garanti par la tradition.

Par ailleurs, conclure de là à l’inauthenticité de la lettre ne serait pas légitime, car, d’une part, l’argument tiré du silence de la primitive Église n’a qu’une valeur relative, (’tant donné qu’il s’agit d’un document très court et sans grande originalité doctrinale, et, d’autre part, on constate (prune note favorable a l’authenticité pétrinienne accompagne l’attestation la plus ancienne, celle fournie par Origène.