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    1. PIERRE’SAINT)##


PIERRE’SAINT). fle ÉPITRE, OCCASION

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vous l’a écrit, parlant de ces choses dans toutes ses lettres ». iii, 1-16.

L’épître se termine sur cette recommandation : « Tenez-vous en garde et ne vous laissez pas entraîner à l’égarement des gens sans loi. » iii, 17-18.

La forme.

L’allure et le ton du document font

penser à une homélie pastorale plutôt qu’à une lettre. La manière de l’auteur a quelque chose de solennel et d’apprêté, comme s’il avait dû faire effort pour user d’un style dépassant ses moyens littéraires. Par ailleurs, dans ces pages colorées, l’énergie atteint parfois la véhémence et le mouvement touche souvent à l’emphase. On y relève un goût marqué pour les mots peu courants, une tendance à la rhétorique, un tour subtil de lu pensée, toutes choses qui excluent la simplicité.

Le vocabulaire est apparenté à celui des versions grecques de l’Ancien Testament, version des Septante, versions de Symmaque et de Théodotion. De même, l’influence du livre de la.Sagesse apparaît dans l’emploi de plusieurs termes.

Les aTta^ syô[±z)0t. son t relativement très nombreux dans cette épître. On en compte en effet cinquante-cinq, nombre considérable pour un document aussi court. Les particules de liaison sont rares et peu variées. Chose surprenante, p.év ne se rencontre pas une seule fois sous la plume de l’auteur.

Quelques particularités du vocabulaire sont à signaler : des expressions comme ôeîa 8’Jvocfjuç, i, 3, et Œia oûatç, i, 4, se retrouvent dans la langue des philosophes stoïciens ; ètcotcttjç, i, 16, était dans les religions à mystères le nom technique de l’initié ; le verbe composé ÈTri.yop7)Y£Îv, i, 5, employé à propos des vertus, traduit l’idée d’un complément d’équipement comme chez les philosophes moralistes de la période hellénistique ; svtoXyj, iii, 2, désigne l’ensemble de la doctrine chrétienne enseignée par les apôtres ; des formules comme odcovioç paaiXeia, i, 11, et zlkiy.pwr^ Siàvoia, iii, 1 appartenaient à la langue philosophique du début de l’ère chrétienne.

II. Occasion, but et destinataires. — — Les recommandations et enseignements contenus dans l’épître indiquent qu’elle a été écrite à un moment où de fausses doctrines étaient mises en circulation et où certains fidèles, déçus de ne pas voir se produire le retour glorieux du Christ, se laissaient gagner par le doute et disaient même qu’il ne fallait plus attendre la parousie. Comme l’auteur ne parle pas d’épreuves endurées par les croyants, il est probable que ses correspondants n’avaient pas ou n’avaient plus à souffrir de mauvais traitements de la part des autorités.

Les faux docteurs visés dans la lettre sont des gens en chair et en os qui, par leur conduite et par leur enseignement, ruinent l’œuvre des prédicateurs évangéliques. Ils se livrent à la débauche, se déshonorent par les pires excès, vivent comme des païens, profitent des agapes pour faire bombance, exploitent la naïveté et la crédulité des simples pour leur extorquer de l’argent, renient le. Maître qui les a rachetés, dénaturent la liberté procurée aux siens par le Christ, se dressent contre les dépositaires de l’autorité religieuse, les « gloires », et ne craignent pas de les injurier ; cf. le réquisitoire du c. n. La culpabilité de ces hommes pervertis et dévoyés est comparée à celle des anges pécheurs, coupables de s’être unis aux filles des hommes, et à celle des habitants de Sodome et de Gomorrhe, adonnés à des pratiques honteuses, ii, 4-7 ; cf. Gen., vi, 1-4 ; xix, 1 sq.

Parmi les erreurs propagées par ces novateurs débauchés, il en était une qui ruinait un espoir bienfaisant pour les fidèles, l’espoir de la venue prochaine du Christ comme juge des vivants et des morts. A ceux qui attendaient la parousie, les faux docteurs

objectaient que le monde n’avait pas l’air pressé de finir, ridiculisant par leurs railleries un sentiment qui soutenait le courage de beaucoup et affaiblissant ainsi la foi de ceux qui ne concevaient le triomphe de la justice divine que sous la forme d’un jugement solennel de tous les êtres humains.

De ce que l’auteur reproche à ces maîtres pernicieux de dénaturer pour leur propre perte » certains enseignements de saint Paul, iii, 16, on peut conclure que ces personnages interprétaient laussement certaines paroles ou déclarations de l’Apôtre sur la liberté chrétienne et la parousie. Ils professaient sans doute que le croyant, libéré totalement de la servitude de la loi mosaïque, l’était du même coup de toute loi morale et pouvait se livrer impunément aux excès de la chair, ii, 18-19. Quant à la parousie, ils devaient s’autoriser, pour en nier la réalisation, des avis donnés par saint Paul dans la IIe des épîtres aux Thessaloniciens dans le dessein de mettre en garde contre une illusion dangereuse ceux qui croyaient à l’imminence du retour du Seigneur ; cf. II Thess., ii, 1 sq.

Mais qui étaient ces faux docteurs ? Les fautes qui leur sont reprochées et les qualificatifs qui leur sont donnés ne sauraient être pris comme caractéristiques d’une secte plutôt que d’une autre. Faut-il voir en eux des convertis du paganisme ou des recrues venues du judaïsme ? La première supposition est plus vraisemblable car, en général, les Juifs, grâce à leur formation religieuse et à l’empire qu’exerçait sur eux la loi mosaïque, ne se laissaient pas entraîner aux turpitudes morales courantes dans les milieux païens. De nombreux critiques modernes veulent que les gens auxquels s’en prend l’auteur aient été des gnostiques et ils proposent de les identifier avec les carpocratiens, ou les nicolaïtes, ou les archontiques, ou les sévériens, ou tels autres hérétiques de la/fin du I er siècle ou du début du il 1’. Sans doute, l’auteur parle à plusieurs reprises de la science ou de la vraie connaissance (yvcôaiç et £7rîyvcoatç) du Christ comme de la qualité maîtresse du chrétien, i, 2, 3, 8 ; ii, 20 ; iii, 18 ; mais saint Paul avait tenu un langage identique bien avant l’apparition des gnostiques proprement dits. Du seul fait que le christianisme avait pris, dès ses origines, la forme d’une doctrine nettement définie quant à son dogme et quant à sa morale, des déviations devaient se produire et, en fait, elles se sont manifestées tout de suite dans la plupart des communautés. On voit dans les lettres de saint Paul qu’au lendemain de la fondation de l’Eglise de Corinthe certains des nouveaux converti ? protitaient des agapes pour faire ripaille, que d’autres refusaient de croire en la résurrection, que d’autres étaient indulgents à l’excès pour les péchés de la chair, que d’autres s’insurgeaient contre l’autorité du fondateur de la communauté, que d’autres enfin s’enflaient d’orgueil et prétendaient jouer le rôle de chefs ecclésiastiques. Ce sont des déviations doctrinales et morales de même nature qui sont visées dans la II 3 — Pétri. On peut parler à ce propos de gnosticisme, mais il s’agit d’un gnosticisme tout différent de celui qui avait pour principe ou pour base le dualisme.

Dans ces conditions, il est bien difficile de dire qui étaient les destinataires de l’épître et les termes géné : raux de l’adresse sont une invite à y voir une sorte de pastorale circulaire ou de lettre encyclique : « A ceux qui ont la même foi que nous dans la justice de notre Dieu et du Sauveur Jésus-Christ. » i, 1.

Quelques critiques, notamment Spitta. Zahn et Wolhenberg, ont soutenu que la // a Pétri avait été écrite pour des Juifs convertis par l’auteur, probablement pour des communautés de Palestine ou de Syrie ; cf. Zahn, Einleitung in das N. T., 3e édit., t. ii, p. 43 sq. Mais les arguments produits à l’appui de cette opinion ne sauraient être convaincants, car, d’une part, il n’y a