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TERRE (SAINT). I™ ÉPITRE, DOCTRINE


jugement est mis en relation avec le retour glorieux du Christ, i, 13, ou de l’archipasteur, v, 4, si bien que l’on pourrait hésiter entre le Père et le Christ. Quoi qu’il en soit de ce point, le sens de l’expression « vivants et morts » n’est pas douteux : il s’agit de l’humanité entière envisagée dans ses deux catégories d’êtres vivants et d’êtres morts, et cela sous le rapport de la vie physique et de la mort physique ; cf. Act., x, 42 ; Rom., xiv, 9 ; II Tirn., iv, 1 ; l’idée de vie spirituelle ou de mort spirituelle est exclue par la nature comme par l’usage de la formule en question.

iv, 0. La mention des morts qui seront soumis au jugement divin tout comme les vivants amène une parenthèse sur les premiers : la bonne nouvelle (ou l’Évangile) a été annoncé même aux morts. Le mot vexpoî doit avoir ici le même sens que dans la phrase qui précède immédiatement : il s’agit de ceux qui ne possèdent plus la vie physique. Par ailleurs, tout porte à croire que l’auteur se réfère implicitement à ce qu’il vient de dire touchant l’annonce du salut faite par le Christ aux esprits retenus en prison, ni, 19-20, d’autant plus qu’il use dans les deux cas de la même particule xœî : xxî. toïç èv cpuXax ?) Trvei>[i.ocfri, v, et v.o.1 vexpoïç.

— Ici, le messager n’est pas nommé, l’expression revêtant un tour impersonnel : vexpoïç eùyjYYeXîaÔir) ; mais, sans aucun doute, saint Pierre pensait au Christ, car autrement il eût dit qui avait été le héraut de la bonne nouvelle. — Vient ensuite la raison de cette prédication aux morts : zlç toûto…’(.’va. La différence de temps pour vepiflwat. et ÇôSat prouve que le premier de ces verbes exprime une action antérieure à celle du second ; en outre, la finalité marquée par tva ne s’applique qu’au second verbe à raison de l’opposition établie par la présence des particules (jlév et Se.

— Le jugement a eu lieu pour les morts xocrà àvOpejtcouç aapxî, c’est-à-dire selon le mode applicable à des hommes vivant sur terre ou en chair ; l’annonce du salut a été faite même aux morts pour qu’ils vivent xarà 0£ov 7rveûu, ciii, c’est-à-dire de la vie spirituelle ou de la vie de l’âme selon le mode divin. — Le sens du verset 6 paraît être le suivant : la bonne nouvelle a été annoncée même aux morts afin que ceux qui avaient été jugés alors qu’ils étaient vivants puissent vivre de la vie surnaturelle en union avec Dieu.

Si l’exégèse des deux passages en jeu est correcte, on est autorisé à conclure que de part et d’autre saint Pierre parle de la descente du Christ aux enfers et d’un message de délivrance porté par lui aux morts du schéol. On trouve des allusions à cette croyance en plusieurs endroits du Nouveau Testament sous des formes diverses et plus ou moins explicites : d’abord dans un des discours de saint Pierre à Jérusalem, Act., ii, 24-31 ; ensuite dans deux épîtres de saint Paul, Rom., x, 6-7 ; Col., i, 18 ; enfin dans l’Apocalypse, i, 18. Tous ces textes sont convergents, ce qui prouve que le fait de la descente de l’âme du Christ aux enfers après sa mort était un point de l’enseignement apostolique et faisait partie de la catéchèse primitive. D’ailleurs, saint Pierre et saint Paul n’en parlent qu’incidemment, par simple allusion à une chose connue des fidèles et sur laquelle ils n’ont pas à insister. La même croyance se retrouve chez de nombreux Pères du IIe siècle et du début du ni « ; cf. saint Ignace, Magn., ix, 3 ; saint Justin, Dial., lxxii, 4 ; Pasteur d’Hermas, Simil., IX, xvi, 5 ; saint Irénée, Conl. hier., III, xx, 4 ; IV. xxii, 1-2 ; IV, xxxiii, 1, 12 ; V, xxxi, 1-2 ; Præd. apost., 78 ; Clément d’Alexandrie, Strom., II, ix, 43-44 ; VI, vi, 45-46 ; Adumbr. in I Pet., iii, 19 ; iv, 6 ; In Joan., ii, 2 ; Tertullien, De anima, 55 ; Origène, Contra Celsum, t. II, n. 43 ; Nom. in Gen., xv, 5 ; xvii, (i ; in Erod., vi, 6 ; in Num., xviii, 4 ; in Rom., xi, 13 ; saint Cyprien, Testim., n, 24. Dans l’écrit apocryphe connu sous le nom d’Évangile de Pierre, qui date de 120-130, une voix

qui vient des cieux demande au Christ ressuscité : As-tu prêché à ceux qui dorment V et la croix elle-même donne une réponse affirmative ; cf. L. Vaganay, L’évangtle de Pierre, p. 3(11-303. C’est un point de dogme dans l’Église que la descente du Christ aux enfers, le descendit ad injeros constituant la [™ partie du cinquième article du Symbole selon l’exposé du Catéchisme du concile de Trente.

Quant au temps où eut lieu cette mission du Christ aux enfers, il est indiqué d’une façon très précise dans le premier des passages de la / a Pétri analysés ci-dessus et dans son contexte immédiat. La succession des faits s’établit ainsi : mort du Christ (àitéOave, 8av « -TtoOstç aapxî), ni, 18 ; survie de l’âme dégagée des liens matériels (Çwo-oi^fteiç ttvs’Ju.octi), ibid. ; descente aux enfers (—opE’jŒîç), iii, 19 ; annonce aux morts (èx-^py^ev), ibid. ; résurrection (6V àvaa-rxæwç T/jo-oû XpiaxoG), iii, 21 ; ascension (nopsuSelç tlç oùpavov), iv, 22.

On remarquera que saint Pierre parle de la prédication aux morts comme d’un message de salut destine à tous les morts sans distinction ni restriction, ce qui a fait difficulté dès les premiers siècles pour les interprètes, les uns voulant que le Christ ait fait entendre à tous les morts, aux juifs comme aux païens, un appel à la conversion (ainsi Clément d’Alexandrie, Origène et, d’une manière générale, les représentants de l’école d’Alexandrie), les autres soutenant qu’il avait annoncé aux seules âmes des justes leur délivrance prochaine comme un effet rétroactif du sacrifice rédempteur (ainsi saint Irénée, saint Hippolyte). Si saint Augustin a donné des textes relatifs à la descente du Christ aux enfers une explication manifestement contraire au sens obvie — explication admise et reprise par les théologiens du Moyen Age, y compris saint Thomas

— c’est parce qu’il se refusait à admettre la possibilité d’une conversion et du salut pour ceux d’entre les morts qui n’avaient pas vécu dans la pratique de la justice, chose qui n’embarrassait aucunement un Cyrille d’Alexandrie. On doit reconnaître que le langage de saint Pierre manque de précision ; mais on admettra sans peine que les destinataires de la lettre avaient reçu déjà, sur le sujet, un enseignement oral suffisamment explicite et que cet enseignement ne pouvait être en contradiction avec les déclarations si nettes du Christ sur le sort réservé aux impies lor.s du jugement dernier. Il semble que saint Pierre a mentionné les hommes de la génération du déluge, ni, 1820, parce qu’on pouvait estimer que le Christ n’était pas allé vers eux ; il semble aussi qu’en parlant de la prédication aux morts, iv, 5-6, il n’a eu en vue que les âmes des justes. Cette interprétation est généralement admise par les théologiens catholiques depuis le temps de Rellarmin.

Sur le descensus ad inferos voir l’article Descente de Jésus aux exfers, t. iv, col. 565-619 ; G.-R.’Stevens, The theology oj the New Testament, 2e édit., p. 304-310 ; J. Chaine, article Descente du Christ aux enfers dans le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux, Supplément, t. i, col. 395-431. On trouvera une bibliographie abondante sur le sujet dans L. Vaganay, op. cit., p. xvii-xviii.

4. L’es t chalologie.

D’un bout à l’autre de l’épître, saint Pierre parle comme s’il entrevoyait pour un avenir assez rapproché la consommation du monde présent, au milieu duquel les chrétiens doivent vivre comme des « étrangers » et des « voyageurs ». i, 17 ; ii, 11. « La fin de toutes choses est proche », dit-il à ses correspondants pour les exhorter à mettre fidèlement en pratique ses recommandations, iv, 7.

Cette fin sera marquée par la manifestation (à7roxx-Xu <Jiiç) glorieuse de Jésus-Christ, iv, 13 ; ce sera comme l’épanouissement et le couronnement de la révélation