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PIERRE SAINT). Pe ÉPITRE, OCCASION


relise ; aussi recominande-t-il à ses correspondants d’éviter soigneusement tout ce qui pourrait prêtei le liane à la eril [que ou donner un semblant de fondement à une accusation : Que nul d’entre vous n’ait à souffrir comme meurtrier, voleur, malfaiteur ou magicien » (vXt.’j-çi’izr.iaxoT.’jc, entendu au sens de magicien, mate ficus), iv. 15. Par ailleurs, il pouvait arriver q, ue certains parmi les fidèles, exaspérés par les injustes attaques dont ils étaient les victimes, s’insurgeassent contre les autorités constituées, d’où les avis et les conseils sur l’obéissance due par tous au pouvoir civil, il, J3-17. Toutefois, celle obéissance a ses limiles, car, en matière de dogme et de morale, le chrétien ne peut connaître ni faiblesse ni compromission : il doit « toujours être prêt à se défendre devant quiconque lui demande compte de l’espérance qui est eu lui ». ni, 15.

2° Destinataires.. - L’épître est adressée « aux étrangers élus de la dispersion dans le Pont, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie et la Bithynie ». i, 1.

Une question préalable se pose, celle de l’authenticité de la suscription. Divers critiques en effet, parmi lesquels il faut citer Harnack, estiment que l’adresse a élé ajoutée après coup. D’après Harnack, les premières et les dernières lignes de la lettre n’appartiendraient pas au texte original du document ; primitivement, celui-ci n’aurait été qu’une homélie anonyme ; l’introduction, i, 1-2, et la conclusion, v, 12-14, seraient des additions du milieu du iie siècle (150175 environ). Cf. Harnack, Die Chronologie der altchristlichen Literatur, t. i, p. 451 sq. ; voir aussi A. C, McGilïert, A history of christianity in the aposlolic âge, 2e éd., p. 596 sq.

Les arguments produits en faveur de cette hypothèse ont paru trop faibles à la plupart des critiques pour devoir entraîner leur adhésion aux vues de Harnack. A rencontre, on peut faire valoir les observations ou remarques suivantes : 1. Du commencement à la fin, la 7 a Pétri a l’allure d’une épître beaucoup plus que d’une homélie. 2. Comment expliquer que cet écrit ait bénéficié d’une large diffusion et d’une grande autorité dès le début du iie siècle, comme on le verra plus loin, s’il était anonyme ? 3. La formule « Béni soit le Dieu et Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ », i, 3, se retrouve dans II Cor., i, 3, et Eph., i, 3, où elle est également précédée d’une adresse. 4. Tous les mots de valeur qui se lisent dans la suscription sont dans un rapport étroit avec des idées développées dans le corps de l’épître ; ainsi pour SiaaTropâ : ii, 10, 12 ; pour TcapeTctSyjijLoç : i, 1, 17 ; ii, 9, 11 ; v, 10 ; pour ày-ocau-ôç : i, 13, 17 ; ii, 5 ; ni, 15 ; iv, 14 ; pour Û7raxor) : i, 14, 22 ; ii, 16 ; iv, 19 ; pour pxvTta^oç : i, 19 ; ii, 9, 21 ; ni, 18 ; pour 7Tp6yvwor.i ;  : i, 3-12, 15 ; ii, 9, 10, 21 ; v, 10. 5. Il semble bien que saint Clément de Rome se soit inspiré de l’adresse de la 7 a Pétri pour la formule qui figure en tête de sa lettre aux Corinthiens, écrite vers 96. Cf. J. Moffatt, op. cit., p. 342-343 ; C. Bigg, op. cit., p. 78-80 ; R. Knopf, op. cit., p. 19-20. Dans ces conditions, la suscription de la 7 a Pétri doit être regardée comme authentique.

L’épître avait pour destinataires les chrétiens qui habitaient dans les régions de l’Asie Mineure dont les noms se lisent au verset premier. Au début de l’ère chrétienne, la Galatie, la Cappadoce, l’Asie Mineure (Asia proconsularis) et la Bithynie étaient des provinces de l’empire romain ; quant au Pont, il faisait partie depuis Auguste de la province de Bithynie. II est surprenant que l’auteur ait ainsi dissocié le Pont de la Bithynie ; peut-être s’est-il simplement conformé en cela au langage courant qui demeurait fidèle aux anciennes dénominations ; peut-être aussi a-t-il voulu marquer les étapes successives du porteur de la lettre. Bengel justifiait ainsi l’ordre dans lequel sont énumérées les provinces : Quinque provincias nominal

<iu<lor eo ordinr quo ocaurebani seribentl ex Oriente ;

la remarque est ingénieuse, mais il suffit d’un simple coup d’ail sur une cartl d’Asie Mineure pour constater que la Cappadoce est moins éloignée de l’Euphrate que le l’uni. 1.’explication donnée par Ewald et par Hort parait meilleure : Silvain. à qui la lettre était confiée, devait d’abord gagner le Pont par voie de mer, puis traverser la Galatie pour se rendre en Cappadoce, ensuite [(rendre la grande voie royale i qui conduisait à Éphèse dans la province d’Asie (la Proconsulaire) et, finalement, visiter la Bithynie ; le circuit embrassait ainsi toute l’Asie Mineure, à l’exception des districts du Sud, c’est-à-dire la Cilicie, la Pamphylie et la Lycie. Voir Encyclopsedia bibliea, t. iii, col. 38003807. Notons en passant que plusieurs anciens écrivains ecclésiastiques, par exemple Tertullien et saint Cyprien, ont appelé la ! < Pétri epistola ad Ponticos » parce que, dans la suscription. le nom du Pont figure en tête de la liste.

On sait par le livre des Actes et les épîtres pauliniennes que moins de trente ans après la mort de Jésus les communautés chrétiennes étaient déjà nombreuses en Asie Mineure, non seulement dans les ports de la côte méditerranéenne, mais jusque dans les parties de la péninsule les moins pénétrées par la civilisation romaine. Sur la diffusion du christianisme dans les différentes provinces d’Asie Mineure au i er siècle de notre ère, voir Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums in den ersten drei Jahrhunderten, 4e édit., t. ii, p. 732 sq., et Duchesne, Histoire ancienne de l’Église, 3e édit., t. i, p. 262 sq. Saint Paul avait été le principal ouvrier de cet apostolat de grande envergure ; parmi ses compagnons ou ses disciples Barnabe, Timothée, Épaphras, Aquila, Silvain sont les seuls que nous connaissions comme ayant travaillé dans ces mêmes contrées. L’Apôtre ayant eu Silvain pour associé pendant le second de ses voyages missionnaires, cf. Act., xv, 40, xviii, 5, celui-ci avait noué des relations personnelles avec quelques-unes des chrétientés auxquelles était destinée la lettre qu’il avait mission de porter en Asie Mineure ; ainsi s’explique parfaitement l’éloge qui est fait du messager dans la finale de l’épître : « Un frère sûr pour vous », dit l’auteur à ses correspondants en parlant de Silvain, I Pet., v, 12 (la position de ûu, îv invite à rattacher ce pronom à toû tucttoG àSeÀcpoû plutôt qu’à sypa^a).

Les communautés que Silvain devait visiter se composaient de fidèles qui, pour la très grande majorité, étaient des convertis du paganisme et non du judaïsme. Il ne peut guère y avoir d’hésitation sur ce point, car l’épître renferme plusieurs allusions très claires aux errements et à l’ignorance des destinataires, dans l’ordre moral et religieux, antérieurement à leur appel à la foi. i, 14 ; ii, 9-10, 25 ; iv, 3-4. Cependant, certains auteurs, tant anciens (Origène, Didyme l’Aveugle, Eusèbe) que modernes (Érasme, Calvin, Grotius, Bengel) ou contemporains (B. Weiss, Kùhl), ont soutenu que la 7 a Pétri avait été rédigée pour des lecteurs convertis du judaïsme. Ils donnaient à leunopinion un double point d’appui : d’une part, l’abondance des citations scripturaires dans le corps de la lettre ; d’autre part, l’emploi à la première ligne du mot. Siaa7Topâ à propos des destinataires de la lettre. Mais le premier argument ne saurait être probant, car tous les écrivains de l’âge apostolique ont fait un large usage des Écritures anciennes, notamment saint Paul et cela dans des épîtres adressées à des chrétiens venus de la gentilité, ainsi dans ses deux lettres aux Corinthiens et dans celle aux Galates. Quant au second argument, il doit être écarté radicalement, car le mot SixaTTopdt, bien qu’employé couramment pour désigner les Juifs dispersés dans le monde gréco-romain, revêt ici une signification toute différente par l’adjonction