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PIERRE (SAINT). I re ÉP1TRE, OCCASION


leur simplicité, ces pages sont touchantes de sincérité. On dirait un vieillard qui parle d’expérience, montrant a ses enfants comment l’esse. itiel est de tenir bon jusqu’au bout, l.o style est discrètement coloré par des images ou des comparaisons facilement intelligibles.

Le vocabulaire de l’auteur renferme un nombre proportionnellement élevé de mots et d’expressions qui ne se rencontrent pas dans les autres écrits du Nouveau Testament. (’.. Bigg, . critical and exegetical corrunentary on the epistles of St. Peler and St. Ju.de, p. 2-3, en compte soixante-deux, tout en faisant remarquer que trente-quatre de ces termes appartiennent à la langue des Septante et que cinq figurent en d’autres versions grecques de l’Ancien Testament. On peut noter d’un bout à l’autre de la lettre une forte influence de la langue des Septante. Saint Jérôme a émis la supposition, Epist., cxx. ad Hedib., P. L., t. xxii, col. 1002, d’une rédaction originale en araméen ; mais les prétendus sémitismes se sont évanouis pour la plupart au fur et à mesure des découvertes qui ont enrichi la documentation de la Koinè. L’épître a été rédigée en grec, i dans un grec médiocre, traînant, qui n’est pas plus mauvais cependant que ne l’est en moyenne celui du Nouveau Testament », au jugement de Puech, Histoire de In littérature grecque chrétienne, t. i, p. 334.

Comme le vocabulaire, la syntaxe et le style se révèlent les mêmes du commencement à la fin de la lettre, la question de l’unité littéraire ne se pose pas. Certains critiques, il est vrai, ont cru découvrir des interpolations ou additions ; d’autres veulent que le rédacteur ait mis en œuvre des documents préexistants ; mais ces diverses hypothèses, émises notamment par Cramer, Meyer, Schmidt, Soit au, Vôlter, Perdelwitz, ne sauraient prévaloir contre la parfaite homogénéité d’un texte dont, au point de vue littéraire, la trame est tissée des mêmes fils. Sur ces hypothèses, voir James Moft’att, An introduction to the littérature of the New Testament, 3e édit., p. 342-344 ; R. Knopf, Die Hrieje Pétri and Judâ, dans le Commentaire de Meyer, 7e édit., p. 20, note 1.

II. Occasion, but et destinataires. — 1° Occasion et but. — Une simple lecture de l’épître donne l’impression très nette que l’auteur a écrit pour des chrétiens qui se trouvaient en butte à une opposition violente de la part de gens hostiles à leur foi et à leur morale ; cf. i. 6-7 : ii, 12. 10-20 ; iii, 9, 11-17 ; iv, 4, 12-10. 10 : v, lo. Il fait allusion aux calomnies et aux accusations diverses dont les fidèles ont été les victimes innocentes ; il parle des épreuves qu’ils ont endurées et de l’incendie », qui, tout récemment, s’est allumé au milieu d’eux, iv. 12. Il leur envoie sa lettre pour les consoler et les encourager dans les circonstances pénibles où ils vivent : un héritage impérissable leur est réservé au ciel, r, 1 ; une foi éprouvée leur vaudra louange, gloire et honneur » au jour de la manifestation du Christ, i, 7 ; c’est acquérir des mérites devant Dieu que de supporter des afflictions par sentiment de religion, ii, 19-20 ; mieux vaut souffrir en faisant le bien qu’en faisant le mal, iii, 17 ; celui qui est maltraité ou injurié pour le nom du Christ doit te réjouir, iv, 13-1 1 : d’ailleurs, le Christ lui-même a donné l’exemple aux siens pour qu’ils marchent sur ses traces, ii, 21-2 1 : iii, 18 ; iv, 1. C’est pour soutenir la foi de ceux qui souffrent que l’auteur les invite à regarder vers l’avenir tout proche où le Christ sera envoyé par Dieu pour procéder au jugement de tous les hommes, des bons et des méchants, i, 5, 7, 13, 20 ; il, 12 ; iv, 5, 13, 17 : v, 1, 4, 0, lu.

Le point délicat ou difficultueux est de déterminer avec quelque précision la nature des épreuves auxquelles il est fait allusion dans la lettre : persécution officielle et généralisée, menée par les autorités, ou simplement hostilité pouvant aller jusqu’à la violence

de la part des adversaires de la religion chrétienne ? Pour être en mesure de répondre à cette question, il importe de bien interpréter les indications fournies par l’épître elle-même.

Tout d’abord, rien n’indique une persécution officielle, systématiquement organisée par l’autorité impériale, comme ce fut le cas sous le règne de Domitien cl au début de celui de Trajan. L’auteur ne parle ni de prison, ni de tribunaux, ni de juges, ni de spoliations. Les calomnies et les injures auxquelles sont en butte les fidèles, ii, 12 ; in. 9, 16, sont le fait de gens hostiles à la foi du Christ et surtout à la morale chrétienne, iv, 4. Sans doute, il est question de mauvais traitements endurés pour le nom du Christ, iv, 14, m. Os nulle part il n’est insinué que les représentants du pouvoir central aient pris l’initiative de mesures sanglantes contre les chrétiens. Quand l’auteur recommande à ses correspondants de respecter les autorités constituées et de leur obéir, ii, 13-14, rien, dans ses paroles, ne trahit l’angoisse d’un pasteur dont le troupeau serait officiellement traqué et persécuté : le pouvoir civil, dit-il, châtie ceux qui font le mal et récompense ceux qui agissent bien, ii, 13-14.

En second lieu, on ne peut voir une allusion à une persécution systématique et officielle dans le mot rcùpcomç dont use l’auteur dans une phrase où il exhorte les fidèles à l’espoir et à la confiance : « Très chers, ne vous étonnez pas de l’incendie (nùpinaiç) qui s’est allumé chez vous pour vous éprouver, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire ; mais… ». iv, 12-13. Sans doute le terme employé peut avoir été choisi pour marquer le caractère soudain et violent de l’épreuve en question, mais il n’en reste pas moins probable qu’il a été fourni par Prov., xxvii, 21, el l’idée dominante est celle de la purification par le feu de la souffrance.

Enfin, si l’on rapproche la présente épître de certains passages de l’épître aux Hébreux ou de l’Apocalypse, il apparaît nettement que les situations qui se reflètent de part et d’autre sont toutes différentes : dans l’épître aux Hébreux, il est fait allusion à une persécution méthodiquement organisée, x, 32-34, et, dans l’Apocalypse, il est question de ceux qui ont versé leur sang pour la foi chrétienne, ii, 13 ; vi, 9-1 1 : vu, 14 ; xiii, 7 ; xvi. G ; xvii, 0 ; xx, 4, tandis que, dans la Z a Pétri, il n’est pas parlé du martyre.

Dès lors, l’épître ne peut avoir été écrite ni dans les jours ni au lendemain d’une persécution sanglante déclenchée sur l’ordre de l’autorité impériale. L’auteur s’adresse à des fidèles qui ont eu à souffrir et qui restent exposés à des dangers de tous les jours ; mais ces dangers viennent du milieu dans lequel vivent les chrétiens, des populations juliennes avec lesquelles ils sont en contact permanent, de la masse grossière cl débauchée dont ils se sont séparés, qui leur reproche de ne plus prendre part aux cultes ancestraux et nationaux et qui condamne la nouvelle morale comme trop rigide et trop austère. Les dénonciations et les attaques partent de ce milieu profondément attaché aux pratiques du paganisme. En peu partout, jusque dans les provinces les plus éloignées du centre de l’empire, de vagues rumeurs circulent contre les chu tiens ; on en retrouve l’écho dans les récits de Tacite, Ann., xv, 44, et de Suétone, Nero, 10 ; ces mêmes historiens parlent aussi des mesures de police prises contre les prétendus fauteurs de troubles. Dès le début du règne de Néron (54), le seul nom de chrétien, en bien des régions, éveillait dans les imaginai ions popu laires l’idée de crimes, de maléfices et de turpitudes atroces. D’où l’-accusation de xaxOTCOiéç, I Pet., ii, 12, lancée si facilement par la masse ignorante et hostile contre quiconque se réclamait (lu Christ.

L’auteur connaît celle situation critique et da