Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 12.2.djvu/153

Cette page n’a pas encore été corrigée

174J

(PIE (LE CARDINAL

1742

panégyrique traditionnel de Jeanne d’Arc ; en 1849, vicaire général de son évêque Mgr Clause ! de Montais, il devint le 28 septembre 18-49, évêque de Poitiers et, le 12 mai 1879, cardinal.

11 vécut à une époque agitée : de multiples questions et problèmes, tous graves, se posaient devant les évoques français. Question du gallicanisme, du gallicanisme épiscopal surtout : l’empêcheront-ils de mourir ou deviendront-ils ultramontains, comme ils disaient ? Question de la liturgie romaine : l’imposeront-ils à leurs diocèses ou resteront-ils fidèles aux traditions locales plus ou moins anciennes ? Question de leur autorité sur les journalistes catholiques : ces journalistes, peuven, t-ils les frapper souverainement et leur imposer leur conception de l’Église et de ses droits ? Plus tard, question de l’infaillibilité pontificale. D’un autre côté, en face "des institutions, de la législation, des principes et de l’esprit nés de la Révolution, problème de l’attitude de l’Église : doit-elle s’adapter, dans la mesure du possible, à ces institutions et à ces principes ? doit-elle revendiquer dans leur plénitude la liberté d’association et le droit d’enseigner qui lui appartiennent ou se contenter de ce que l’État voudra bien lui en reconnaître ? Enfin, quelle attitude prendre à l’égard de ces gouvernements qu’à plusieurs reprises renverseront et établiront les révolutions et les coups de force ?

Dès sa jeunesse, Mgr Pie s’enrôla parmi ceux qui. à la suite du Lamennais de ce temps, voyaient dans le gallicanisme l’asservissement de l’Église et, par conséquent, de Jésus-Christ. Sur ce terrain, il s’opposait d’abord à son évêque, gallican impénitent. Il l’amènera à approuver la condamnation portée par l’archevêque de Lyon, Bonald, contre le Manuel de droit ecclésiastique français de Dupin, qui venait d’être réédité, 1844, mais jamais il ne pourra le détourner de certaines manifestations antiromaines ; comme cette Lettre pastorale, (du 25 novembre 1850), sur la gloire et les lumières qui ont distingué jusqu’à nos jours l’Église de France, qui eût été mise à l’Index sans l’intervention de Mgr Pie. L’évêque de Poitiers s’opposera de même à l’archevêque de Paris, Sibour, qui poursuivra de ses Avertissements, et même de ses interdits, l’Univers trop indépendant et surtout trop romain. Au concile provincial de Bordeaux, 1850, dont il fui l’âme, il fit décider toutes choses dans le sens « ultramontain » et en’particulier émettre un vœu unanime en faveur de l’adoption de la liturgie romaine. Cette liturgie, il l’imposera d’ailleurs à son diocèse en 1856.

Si, après les libéraux de l’Avenir, il n’admit rien qui pût restreindre l’autorité du pontife romain, malgré eux et leurs héritiers, il admit encore moins que l’on invoquât, en faveur de l’Église, le droit commun et que l’on ne revendiquât pas intégralement ses privilèges de société divine. C’est sur ces points que se formera entre lui et dom Guéranger l’amitié et que se déclarera entre lui et Mgr Dupanloup l’opposition que l’on sait. Ainsi s’expliquent : son attitude en face de la loi de 1850 sur la liberté de l’enseignement secondaire ; s’il ne partit pas bruyamment en guerre contre elle, comme l’évêque de Chartres, il ne lui vit jamais que des avantages pratiques ; — son attitude dans la question des classiques (1852) ; l’évêque d’Orléans ayant sollicité ses collègues d’approuver la thèse contraire à celle de Gaume et de l’Univers, Mgr Pie s’abstint et, par conséquent, fut opposant ; — la défense qu’il prit en 1 852 et 1853 d’Auguste Nicolas, dont les Études philosophiques étaient menacées de l’Index, pour quelques vagues traces de fidéisme. Or, Nicolas, par son livre, Du protestantisme dans ses rapports avec le socialisme, venait de réfuter cette thèse plusieurs fois préconisée par Guizot, en 1851, que l’Église romaine devait faire céder quelque peu son intransigeance doctrinale pour s’entendre avec

les autres confessions religieuses contre l’ennemi commun, le socialisme ; — ses attaques vigoureuses contre le livre Du vrai, du beau, du bien, où, en 1853, Cousin rééditait les erreurs de son Histoire de la philosophie mise à l’Index dès 1844 et que défendait Mgr Sibour :

— le mécontentement qu’il manifeste dans une Lettre pastorale du 1 er octobre 1854 de ce que, le 21 août, l’Académie française a partagé son prix annuel pour l’ouvrage le plus utile aux mœurs », entre La connaissance de Dieu, du P. Gratry et le livre rationaliste de J. Simon, Le devoir ; — la dénonciation qu’il fait à Rome des Discours de Matines (1863), et la réfutation qu’en donne sa Troisième instruction synodale sur les erreurs du temps présent ; — l’interprétation bien connue qu’il fait du Syllabus pour lequel ses lumières avaient été demandées par Rome dès 1800. Tandis que Mgr Dupanloup recueillait pour sa brochure, La convention du lô septembre et l’encyclique du 8 décembre et son interprétation du Syllabus, l’approbation de 030 évêques et recevait, le 5 février 1805, un bref élogieux de Pie IX lui-même, Mgr Pie. jugeant que l’évêque d’Orléans avait dit ce que « l’encyclique n’était pas », disait à ses prêtres, dans un Entretien du 10 juillet 1865, ce qu’elle était à son sens : « L’acte pontifical », expliquait-il, « est dirigé contre les adversaires, contre ceux du dehors, …mais il s’adresse encore plus, s’il est possible, à ceux de la maison. Par voie d’affirmation plutôt que de condamnation, il tient à mettre fin à des divisions domestiques. Le naturalisme politique érigé en dogme des temps modernes par une école sincèrement croyante mais qui se met en cela d’accord avec la société déchristianisée…, voilà l’erreur capitale que le Saint-Siège a voulu signaler et à laquelle il a voulu opposer les vraies formes de la croyance chrétienne. » Œuvres, t. v, p. 436. A noter aussi la critique qu’il fait, le 20 septembre 1869, devant ses prêtres du travail de Mgr Maret, Du concih général et de la paix religieuse, mémoire soumis au prochain concile œcuménique du Vatican, et dont il dira à l’auteur lui-même qu’il appelait les plus graves censures théologiques. Œuvres, t. vi, p. 474, 475 et 510. Au concile du Vatican, il fut un personnage en vue. L’un des vingt-quatre membres de la commission de la doctrine et de la foi, il fut choisi par ses collègues pour former, avec l’archevêque de Malines et l’évêque de Paderborn, une sous-commission qui préparât le travail de la commission. Celle-ci le chargea de présenter à la congrégation générale des Pères le rapport sur ces travaux d’abord, puis, en mai 1870, sur le schéma de l’infaillibilité. On voit à quelle distance il se trouvait des deux prélats les plus en vue avec lui de l’épiscopat rançais, Dupanloup et Darboy.

Jusqu’à la mort de Pie IX, il fut le défenseur le plus résolu des directions de ce pape. Après l’avènemjnt de Léon XIII, qui allait le nommer cardinal, il adoucit un peu son attitude, ayant été choisi par le nouveau pontife comme un intermédiaire officieux entre Rome et le gouvernement de la République.

En politique, dès sa jeunesse également, il eut un idéal qu’il n’abandonna jamais. Comme son évêque. Clause] de Montais, il appela toute sa vie, de tous ses vœux, l’avènement du comte de Chambord. Le salut national et social et le triomphe de l’Eglise lui semblaient ne pouvoir venir que de là. Toutes les autres solutions lui paraissaient bâtardes et dangereuses. Le comte de Chambord, c’était la monarchie de droit divin et, par conséquent, c’était Dieu rétabli dans ses droits. Sûr la demande du prétendant, en févriermars 1873, il dressa même la façon dont il concevait le gouvernement de la monarchie très chrétienne. Le roi, fort de son droit traditionnel, restaurera des institutions constitutionnelles semblables à celles qu’avait établies la charte de 1814. Il veillera à avoir un gou-