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PIE X. LA RÉFORME DE L’ÉGLISE
1736
années du xixe siècle par Mann-as et Vaugeois opposai ) une foi monarchique robuste, qui lui faisait voir dans le rétablissement de la royauté en France le seul remède possible. Semblablement, aux « chimères de la démocratie. le groupe opposait une conception de l’autorité civile, politique, religieuse qui semblait de prime abord parfaitement traditionnelle, et qui se superposait assez bien, au moins en apparence, à ce qu’enseignaient plusieurs théoriciens ecclésiastiques. Sans trop approfondir les idées qui étaient à l’origine de cette conception de l’État, nombre de catholiques virent dans les doctrines d’ « Action française », surtout quand elles s’exprimèrent dans un journal quotidien (mars 1908), l’idéal auquel pouvait et devait se rallier l’Église. Toutefois, les discussions très vives auxquelles donnèrent lieu ces confrontations de doctrines devaient, un jour ou l’autre, attirer l’attention sur les postulats antichrétiens qui étaient au point de départ des doctrines mêmes de Maurras. Plusieurs des ouvrages de celui-ci furent dénoncés au Saint-Office ; après ipielques hésitations, car les gens d’ « Action française avaient à la curie de nombreux et puissants amis, Pie X décida que la Congrégation traiterait de cette affaire en pleine liberté, mais il se réservait le droit de publier lui-même le décret. Celui-ci fut rendu le 29 janvier 1914 ; il mettait à l’index sept volumes de Maurras et avec eux la petite revue grise intitulée L’Action française. Mais, en considération des requêtes qu’il avait reçues, Pie X, tout en ratifiant la condamnation portée, se réserva d’indiquer le moment où le décret devrait être publié, s’il se présentait une nouvelle occasion de le faire, étant bien entendu qu’en ce cas le document porterait la date du 29 janvier 1914. En fait, le texte ne fut publié que douze ans plus tard, le 29 décembre 1926, alors que les discussions autour de Y « Action française » prenaient la tournure que l’on sait.
3° La question des syndicats ouvriers en Allemagne.
Un dernier document achève de préciser la doctrine
sociale de Pie X, c’est l’encyclique Singulari quadam,
adressée, le 24 septembre 1912, au cardinal-archevêque
de Breslau et aux autres évêques d’Allemagne,
et relative aux syndicats ouvriers. Depuis quelque
temps, deux tendances se combattaient en Allemagne
au sujet desdits syndicats ; l’une, représentée par la
Germania de Berlin, insistait sur les inconvénients que
présentait, pour les catholiques, le fait de s’inscrire
à des syndicats interconfessionnels, où se coudoyaient
protestants et catholiques : l’autre, défendue par la
Kôlnische Volkszeilung, faisait ressortir, au contraire,
les avantages qu’offraient de vastes associations où
les ouvriers catholiques et protestants ne se fréquentaient,
en somme, que pour étudier en commun leurs
intérêts professionnels. Après avoir rappelé la manière
dont se posait le problème, l’encyclique insiste sur les
principes de solution, et se montre très nettement
opposée à la « tendance de Cologne » et au caractère
interconfessionnel des syndicats. La raison de cette
opposition est celle-ci : toute action sociale met inévitablement
en jeu les principes de la morale et, dès lors,
ressortit, d’une manière ou de l’autre, au jugement de’lise ; des questions telles que la durée ou l’organisation
du travail, les salaires, le droit de grève et ses
applications ne sont pas strictement économiques et ne
peuvent être tranchées posthabita Ecclesise auctorilale.
Il est clair, dès lors, que des ouvriers catholiques seront
mal à l’aise quand ils se trouveront noyés au sein
d’associations interconfessionnelles, qui n’auront nulle
envie (ie s’inspirer, en ces matières, des jugements de
l’Église. Ce point de vue ne saurait triompher que dans
des syndicats strictement catholiques. Ainsi, dans les
pays en majorité catholiques, il ne convenait pas
d’approuver les syndicats mixtes, la formation de syn
dicats confessionnels n’excluant, pas d’ailleurs l’idée
de cartel avec d’autres syndical s. lui pratique, néanmoins,
l’encyclique tolérait les syndicats chrétiens
(ouverts aux catholiques et aux protestants), moyennant
certaines restrictions. Tout en faisant partie
desdits syndicats, les catholiques devraient être
groupés en sociétés (non professionnelles) catholiques,
et les syndicats mixtes devraient s’abstenir de tout
ce qui serait contraire aux doctrines ecclésiastiques.
De tout ceci, l’on retiendra l’insistance avec laquelle Pie X a proclamé que la question sociale, étant surtout une question morale, ressortit au magistère ecclésiastique ; que l’action sociale des catholiques doit s’orienter moins dans le sens politique que dans le sens religieux. A quoi l’on ajoutera une certaine défiance à l’endroit des doctrines démocratiques, une tendance à voir dans l’assistance et la bienfaisance des classes dirigeantes envers le peuple le vrai remède aux difficultés sociales et, dès lors, une tentation de rejeter un peu à l’arrière-plan le concept de justice sociale qui s’était clairement affirmé dans les grandes encycliques de Léon XIII.
V. La réforme intérieure de l’Église. — En ce domaine, l’activité de Pie X fut moins dépendante des contingences extérieures. Il n’est pas bien certain que ce pape ait eu, dès l’abord, un plan d’ensemble des réformes à exécuter dans le gouvernement intérieur de l’Église, mais ayant touché à un certain nombre de questions il s’aperçut vite qu’elles étaient solidaires les unes des autres. Dès lors, sans se laisser arrêter par la routine des bureaux, il procéda avec autorité, accomplissant en quelques années des réformes réclamées depuis des siècles, imposant son point de vue aux collaborateurs à qui il s’adressait, leur donnant en retour pleine mesure de confiance, leur permettant ainsi de faire aboutir au plus vite des mesures dont quelques-unes durent passer, sur le moment, pour révolutionnaires. Nous grouperons ces très nombreuses réformes sous les rubriques suivantes : droit canonique, administration ecclésiastique, liturgie, vie de piété.
1° La ré/orme du droit canonique. — Elle restera le grand titre de Pie X à la reconnaissance des canonistes de l’avenir.
Il n’entre pas dans le cadre de notre dictionnaire d’étudier par le détail les très nombreuses mesures législatives nouvelles édictées sous le pontificat de Pie X. Parmi elles signalons au moins, en suivant l’ordre chronologique, les suivantes qui sont particulièrement importantes : Motu proprio du 17 décembre 1903, attribuant le choix des évêques au Saint-Office (attribution modifiée ultérieurement, lors de la réorganisation générale de la curie romaine). — Constitution Commissum nobis, 20 janvier 1904, supprimant définitivement le droit d’exclusive dans le conclave, et constitution Vacante Sede, sur l’élection du pape. — Lettre apostolique Provida sapicnlique, 18 janvier 1906, étendant à tous les catholiques de l’empire allemand les dispositions du décret Tametsi sur la clandestinité des mariages et réglant la question de validité des mariages mixtes et même des unions contractées entre noncatholiques. — Décret du Saint-Office du 7 septembre 1906, réformant en Italie les lois du jeûne et de l’abstinence. — Décret A’e temere de la Congrégation du Concile, 2 août 1907, relatif aux fiançailles et au mariage. — Motu proprio du 2 juillet 1. Il réduisant définitivement les jours de fête de précepte. — Motu proprio du 9 octobre 1. Il rendant pratiques les anciennes dispositions du droit sur la citation des clercs devant les tribunaux civils. Sur plusieurs des points, le droit çoutumieret le jeu des dispenses avaienl déjà simplifié et partiellement supprimé les vieilles dispositions législatives. Les décrets promulgués par