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PIE X. POLITIQUE EXTÉRIEURE


arrêter et conduire à la frontière le secrétaire de l’ambassade pontificale à Paris, Mgr Montagniui (les papiers trouvés chez lui furent publiés au comptegouttes dans les mois qui suivirent et alimentèrent la curiosité et la malignité publiques) : il mettait sous séquestre les biens des fabriques, des évêchés, des séminaires, déclarait dissous les grands et les petits séminaires qui n’avaient plus, désormais, de statut légal, notifiait à tous ceux qui occupaient des immeubles de l’État (évêchés, séminaires) de les évacuer dans les quarante-huit heures ; enfin, dans les jours qui suivaient, il faisait rappeler sous les drapeaux, d’une manière qui fut jugée plus tard illégale par le Conseil d’État, cinq ou six mille ecclésiastiques qui avaient déjà satisfait à la loi de recrutement. Ordre était donné de dresser procès-verbal aux prêtres qui diraient la messe dans les édifices publics du culte sans avoir fait la déclaration. Cette fin de décembre 1906 fut un vrai cauchemar pour l’Église de France. Loin pourtant de taire grief au pape de tant de sacrifices qu’il lui imposait, elle ne s’en serra que plus étroitement autour de lui.

Cette attitude d’intransigeance aurait d’ailleurs un résultat partiel qui n’était pas sans importance. Voulant à tout prix éviter une interruption brutale du culte — interruption que souhaitaient peut-être certains catholiques partisans de la politique du pire — Priand retouchait à deux reprises, 2 janvier 1907, 28 mars 1907, tant la loi de 1905 que celle de 1881, ces retouches ayant pour effet de rendre légale la situation de fait où se trouvaient, depuis le. Il décembre

1906, les membres du clergé occupant les églises. Au lendemain de la première de ces retouches, dans une httre adressée au clergé et au peuple français, le janvier 19117, Une fois encore. Pie X se défendait d’être la cause des maux qui accablaient l’Église de France et repoussait une fois de plus les avances qui étaient faites à celle-ci. Il avait pressé l’assemblée des évêques d’étudier, en janvier 1907, un projet de locations des églises, qui ne put aboutir. Du moins la loi du 28 mars

1907, en supprimant pour les réunions publiques, quel qu’en fût l’objet, la formalité de la déclaration préalable permettait-elle de considérer que les catholiques, en s’assemblant dans les églises, n’étaient point en contravention. L’exercice du culte public continuait légalement.

Restait la très grave question des biens ecclésiastiques, mis sous séquestre le. Il décembre 1906, et pour lesquels le délai d’attribution avait été prolongé. Ce délai venait à expiration en 1908. En l’absence d’associations cultuelles idoines à les réclamer, ces biens furent attribués, par la loi du 13 avril 1908, aux établissements soit départementaux, soit communaux de bienfaisance ou d’assistance. Exception était faite pour les édifices du culte dont la nue propriété passait aux communes, et aussi pour les biens des caisses de t* Iraite et des maisons de secours pour ecclésiastiques, qui seraient attribués à des sociétés de secours mutuels pour Us ecclésiastiques, constituées dans chaque département et qui jouiraient de l’existence légale. Le législateur voulait ainsi éviter l’odieux de spolier la vieillesse des prêtres. En même temps, et par un scrupule qu’il faut reconnaître, il décidait que ces mutualités ecclésiastiques approuvées seraient aptes à acquitter les fondations de messe dont restaient grevés biens dont la dévolution était faite aux établissements de bienfaisance. Ceux-ci devraient, par l’intermédiaire de ces mutualités, acquitter lesdiles fondations. C’était une manière de ne pas frustrer les morts des prières qu’ils avaient voulu s’assurer ; une manière aussi de sauver une partie du patrimoine ecclésiastique. Quelle que fût d’ailleurs la sincérité de ce dessein, la loi du 13 avril soufîrait du même vi.e interne

que la loi du 9 décembre 1905, dont elle était une conséquence. Portée d’une manière unilatérale, elle ne respectait pas davantage les principes de la hiérarchie ecclésiastique. Pic X, dans une lettre aux cardinaux français en date du 12 mai 1908, déclara donc qu’il ne lui était pas possible d’autoriser la formation des mutualités approuvées ; il préférait renoncer à ces fondations de messes prévues par la loi, puisque l’Église ne pouvait assurer elle-même, par le contrôle de ta hiérarchie, « la célébration légitime, en toute circonstance, du saint sacrifice >. Il demandait au clergé français de suppléer autant que possible aux fondations spoliées ; en novembre de la même année, une lettre de la secrétairerie d’État au cardinal Leiol approuvait l’idée d’un service annuel à célébrer, un des dimanches de novembre, dans toutes les églises paroissiales, pour les défunts privés du bienfait des fondations. Cette coutume fut régularisée par une lettre du 6 juillet 1910. (On sait que, depuis la constitution des associations diocésaines, reconnues par l’Église et par l’État, une partie considérable de ces fondations a pu être régulièrement attribuée à ces établissements.)

La lettre du 12 mai 1908 est le dernier acte important de Pie X dans cette douloureuse afïaire de la séparation en France. Cet acte s’appuie sur les mêmes principes qui ont déterminé les grandes encycliques précédentes, Vehementer A’os, Gravissimo, et la lettre Une fois encore. On ne saurait déiîier, à coup sûr, au pape, le mérite de la continuité. Ce qui l’a empêché de permettre l’application de lois avec qui ses deux successeurs trouveront des accommodements, c’est d’abord le fait que ces lois ont été portées par l’État seul, sans aucune entente avec l’Église, sans aucun égard non plus pour les règles essentielles de la constitution ecclésiastique. Pénétré de l’importance du rôle joué par le pape dans l’Église, Pie X a considéré, à juste titre, comme le comble de l’outrage le fait pour lui d’avoir été mis totalement en dehors de cette action législative. Les députés catholiques sont intervenus dans les débats, les évêques français ont pu être consultés à titre officieux, lui-même n’a jamais été mis en présence que de faits accomplis. Eût-il été possible de négocier avec Pie X un concordat de la séparation ? La question est difficile à résoudre, et l’on doit tenir compte des principes professés dans l’encyclique Vehementer sur l’accord nécessaire des deux pouvoirs. L’état des choses, d’ailleurs, ne permettait guère des négociations. La rupture s’était faite en des conditions telles qu’il était impossible d’y songer de quelque temps. Pie X, d’autre part, n’eut pas en main tous les éléments d’information qui lui eussent permis de porter son jugement « en tenant compte, lui-même, de toutes les circonstances de fait ». Insuffisamment secondé par ses agents diplomatiques, renseigné à Home sur les affaires de France par quelques informateurs officieux dont la modération n’était point la qualité dominante, il n’a pu apprécier à leur exacte valeur les transformations qui se sont opérées dans la politique religieuse du gouvernement français après la chute de Combes. Il n’a vii, dans la loi de séparation de 1905, que la continuation d’une politique bassement anticléricale, alors qu’à coup sûr les intentions de Iiriand, le grand responsable de la loi, dilléi aient notablement de celles de son prédécesseur. Il n’a donc pu tenir un compte suffisant de ce qu’il y aail d’esprit nouveau dans l’article 1 et même dans l’article -8 de ladite loi. Jamais non plus il n’a réalisé de manière exacte les vieilles exigences de l’espril étrangères a ses façons de penser. Il a défendu héroïquement des principes, mais sans faire suffisamment peut-être la part des réalités.

2° Pie X et les autres pai/s. — A côté de cette inter-