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PIE X. POLITIQUE EXTÉRIEURE


des partis. Le Sénat l’accepta sans aucune modification à la session d’automne. Elle fut promulguée le 9 décembre 1905.

3. Pie X et la loi de séparation.

Dans le temps même que la loi était débattue devant le Parlement, les discussions avaient commencé entre catholiques sur l’attitude que devrait observer l’Église vis-à-vis de cette loi : fallait-il la subir, organiser les associations cultuelles, ou bien l’ignorer, la tenir comme non avenue et exposer ainsi le patrimoine de l’Église à la confiscation prévue par la loi, au cas où ne seraient point formées de cultuelles ? Ces discussions furent très vives, mais chacun de ceux qui y prirent part déclarait se soumettre par avance au jugement que le pape porterait dans la plénitude de son autorité. L’attente générale ne fut pas. entièrement satisfaite par l’encyclique Vehementer Nos, du. Il février 1906. Éloquente manifestation de principes, le document pontifical, après avoir rappelé la progression continue de l’anticléricalisme français, faisait le procès de la thèse qui préconise la séparation de l’Église et de l’État ; il protestait contre la façon dont le pacte bilatéral qu’était le Concordat avait été rompu par l’une des parties contractantes sans aucune dénonciation préalable à l’autre ; il examinait ensuite la loi nouvelle et déclarait que les dispositions en étaient contraires à la constitution même de l’Église, les associations cultuelles devant être, vis-à-vis de l’autorité civile, dans une dépendance telle que l’autorité ecclésiastique n’aurait plus sur elles aucun pouvoir. Le pape réprouvait donc et condamnait cette loi comme profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu, comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité publique due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l’Église, à ses droits essentiels et à sa liberté. Tout ceci demeurait néanmoins dans le domaine de la théorie, puisque, très explicitement, le pape déclarait qu’en temps opportun il enverrait des instructions pratiques, qui seraient aux catholiques de France une règle de conduite sûre au milieu des grandes difficultés de l’heure présente. Faisant d’ailleurs état de la dénonciation du Concordat, il reprenait sa liberté au point de vue de la désignation des évêques et, le 24 février, sacrait lui-même à Rome les quatorze nouveaux évêques français qu’il venait de nommer.

L’encyclique Vehementer parut au moment précis où commençaient les inventaires des biens d’Église, prescrits par la loi pour assurer la transmission de ceux-ci aux associations cultuelles prévues. Ces mesures essentiellement conservatoires furent envisagées par beaucoup, la presse religieuse aidant, comme le prélude de la spoliation. L’initiative de l’opposition à ces mesures fut prise en dehors de la hiérarchie ; la résistance aboutit, en beaucoup d’endroits, à des scènes tumultueuses et, sur quelques points, à de sanglantes rencontres ; elle fit sentir qu’un très grand nombre de catholiques tendait à se prononcer contre la mise en exécution de la loi. Tel n’était pas l’avis d’un certain nombre de personnages influents, qui, dans un document rendu public le 26 mars, demandaient que l’on lit au moins « l’essai loyal » du texte législatif. C’est à la même conclusion qu’après les élections de mai aboutissait la majorité de l’épiscopat français convoqué à Paris en assemblée générale (30 mai-l er juin). Sans doute, à la suite du pape, les évêques condamnaient le principe des cultuelles, mais ils concevaient la possibilité d’associations qui seraient à la fois légales et canoniques, et seraient aptes à recueillir le patrimoine ecclésiastique et à jouir des avantages que la loi reconnaissait. A Rome même, les avis étaient partagés et de vives discussions se produisirent au sein de la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires. Tout faisait voir néanmoins que les intransi geants, olfieiels ou officieux, l’emportaient dans les conseils du pape. Sur ces divers points, voir E. Renard, Le ctinliniil Mathieu, p. 451 sq. Le 10 août, l’encyclique Gravissimo donnait enfin les instructions pratiques annoncées le. Il février. Faisant allusion aux délibérations de l’épiscopat français, le pape écartait même les associations à la fois légales et canoniques : « Nous déclarons, disait-il, qu’il n’est point permis d’essayer cet autre genre d’associations, tant qu’il ne sera pas constant, d’une façon certaine et légale (ici la traduction « officielle < majore le texte latin : usque dam légitime certoque non constiteril), que la divine constitution de l’Église, les droits immuables du pontife romain et des évêques. comme leur autorité sur les biens nécessaires à l’Église, particulièrement sur les édifices sacrés, seront irrévocablement, dans lesdites associations, en pleine sécurité. » A cette grave décision de principe faisait suite une discussion moins sereine des objections que l’on pourrait faire valoir contre l’interdiction pontificale : acceptation par l’Église de dispositions légales analogues en d’autres pays, bonne volonté dont se disaient animés les « fabricateurs de cette loi injuste ». « On s’ingéniera, dit le pape, à rejeter sur nous la faute de ce conflit et des maux qui en seront la conséquence. Mais quiconque examinera loyalement les faits saura reconnaître si nous méritons le moindre reproche, ou si plutôt la faute appartient tout entière à ceux qui, en haine du nom catholique, sont allés jusqu’à de telles extrémités. »

Il ne restait à l’épiscopat français qu’à s’incliner devant le verdict pontifical ; il le fit dans une assemblée qui eut lieu au début de septembre. L’encyclique lui demandait en outre « de se mettre à l’œuvre et de prendre tous les moyens que le droit reconnaît à tous les citoyens pour disposer et organiser le culte religieux ». Il ne semble pas que l’épiscopat ait cherché pour l’instant et d’une manière pratique quelle utilisation pouvait être faite du « droit commun » dans les présentes conjonctures. Il paraît bien que, dès lors, on se soit résigné, à peu près partout, à attendre les événements de manière purement passive.

Or les événements allaient se précipiter. Clemenceau venait de former, le 23 octobre, un nouveau cabinet, où la présence de Briand ne pourrait pas empêcher la manière forte de prévaloir. Ce dernier, sans doute, dans tout le cours de novembre, multipliait les avances et les bonnes paroles pour engager l’Église à faire à la loi un acte quelconque de soumission. En particulier, il déclarait qu’une seule association par diocèse pourrait sulfire, que même elle pourrait être exclusivement composée de prêtres choisis par l’évêque (c’est la formule suivant laquelle Rome a autorisé plus tard nos actuelles associations diocésaines), Briand indiquait même qu’à défaut de la loi de 1905, la loi de 1881 sur les réunions publiques permettait d’assurer la continuation du culte : qu’on se décidât à faire pour les réunions cultuelles les déclarations demandées par la loi de 1881, et peut-être trouverait-il le moyen de régler, d’une manière équitable, le sort des b’iens ecclésiastiques qui allaient demeurer sans maître. A ces diverses propositions, le pape Pie X opposa le même refus : pas de cultuelles, même sous la forme de diocésaines ; pas de déclarations pour les réunions publiques du culte. Des instructions rédigées par la Congrégation des Affaires ecclésiastiques extraordinaires et qui parurent dans le Bulletin religieux de Rouen le 8 décembre 1906 précisaient quelle attitude les ecclésiastiques de divers ordres devraient adopter dans les conjonctures qui étaient à prévoir.

Cette force d’inertie opposée à la loi affola le gouvernement de Clemenceau. La loi promulguée le. Il décembre 1905 était en partie applicable à l’expiration d’une année. Le 1 1 décembre f 900, Clemenceau faisait