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PIE X. POLITIOUK EXTÉRIEURE

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En octobre 1003, le roi d’Italie. Victor-Emmanuel 111. était venu faire visite, à Paris, au président Loubet. Ce voyage supposait comme contre-partie une i--ite de Loubet au roi d’Italie. Dès juin 1003, avant donc la mort de Léon XIII. la secrétairerie d’État. alors gérée par Rampolla, avait eu vent de ces projets de visiU’-— réciproques et axait attiré l’attention de la France mit les très graves inconvénients que pourrait avoir la venue à Rome du chef d’un état catholique. Demeuré jusqu’au bout intransigeant sur la question du i pouvoir temporel », Léon XIII avait à plusieurs reprises formellement déclaré qu’il considérait comme impossibles de semblables visites. De hautes raisons politiques militaient cependant en faveur de la double démarche des deux chefs d’État, Était-il impossible de trouver une transaction ? Rampolla l’eùt-il découverte ? Toutes questions oiseuses. Ce fut au cardinal Merry del Val que revint le pénible devoir de protester contre la visite faite à Rome (24-20 avril 1004) par le président Loubet au roi d’Italie. Dès le 28 avril, il adressait à l’ambassadeur français, Nisard, une note où il insistait sur la gravité « de l’offense faite au souverain pontife par le chef d’une nation catholique en venant prêter hommage à Rome, c’est-à-dire au lieu même du siège pontifical et dans le palais apostolique même, à celui qui, contre tout droit, détenait sa souveraineté civile et en entravait la liberté nécessaire et l’indépendance ». Cette note, très haute de ton, était communiquée à tous les gouvernements en relations diplomatiques avec le Vatican ; elle faisait remarquer d’ailleurs que. « si le nonce pontifical était malgré tout resté à Paris, cela était dû uniquement à de très graves motifs d’ordre et de nature en tout point spéciaux ». Le gouvernement français avait d’abord décidé que la note serait considérée comme non avenue. La publication de la note par le journal L’Humanité l’engagea à demander par son ambassadeur des explications plus précises au secrétaire d’État ; que si le cardinal se dérobait, l’ambassadeur n’avait plus qu’à quitter Home. Ainsi fit-il le 21 mai. laissant d’ailleurs dans la capitale tout le personnel de l’ambassade. Le nonce pontifical. Mgr Lorenzelli, n’abandonnait pas néanmoins son poste de Paris. Ce n’était pas encore la rupture diplomatique.

Se greffant sur cet incident, les affaires de Laval et de Dijon allaient précipiter les choses. Le 23 juillet, le gouvernement français faisait remettre à la secrétairerie d’État une note indiquant que, « si les lettres du et du 10 juillet (sommations péremptoires adresaux deux évêques en question) n’étaient pas retirées, il devrait comprendre que le Saint-Siège n’avait plus souci de ses relations avec le pouvoir qui, remplissant les obligations du Concordat, avait le devoir de défendre les prérogatives à lui conférées par cet acte. Le 20 juillet, réponse du cardinal, déclarant « pie le Saint-Siège, en toute cette affaire, n’avait fait qu’user de ses droits et que remplir ses devoirs ; il n’avait donc rien à retirer, et déclinait toute responsabilité devant Dieu et devant les hommes, au cas où son attitude amènerait le gouvernement français à des actes d’hostilité. C’était la rupture ; le chargé d’affaires français vint la signifier au secrétaire d’État le 3(i juillet ; le lendemain, tout le personnel de l’ambassade quittait Rome. Le même jour le nonce, Mgr Lorenzelli. était rappelé de Paris, ne laissant, pour garder l’ambassade, qu’un secrétaire. Mgr Monlagnini. 2. Lu loi de séparation.

Cette rupture diplomatique n’était pas encore la dénonciation officielle du Concordat ; mais elle rendait impossible l’application du traité en une de ses parties essentielles : la nomination des évêques. Rome évita soigneusement tout acte qui aurait pu donner a croire que le Concordat n’existait plus à ses yeux et la protestation élevée par

fie X, dans l’allocution consisloriale du 1 1 novembre 1001, se borna à des plaintes contre « les injustices (injuria’) faites à l’Église par le gouvernement de la République >. Après quelques mois d’attente, le gouvernement français dut se préoccuper de régler, par voie législative, la situation nouvelle faite à l’Église de France. La séparation de l’État et des Églises (les cultes protestant et israélite furent entraînés dans la même aventure) se réaliserait donc, tant par l’abrogation des textes législatifs anciens réglant le statut des Églises que par la rédaction d’une loi nouvelle, permettant la continuation du culte. Cette loi devait établir les principes généraux qui régiraient désormais l’exercice du culte, mais elle devait aussi faire la liquidation de tous les avoirs possédés par les établissements publics, menses, fabriques, séminaires qui, jusque-là, en assuraient, de par la loi, le fonctionnement extérieur. C’est précisément cette liquidation, plus encore que les questions de principe engagées dans la loi, qui allait donner naissance aux plus graves difficultés. Dès l’abord avaient été écartées les solutions de violence, telle qu’aurait été la confiscation de ces biens. Ceci devint plus clair encore après la substitution au ministère Combes du cabinet Rouvier, beaucoup plus modéré (janvier 1005), et après l’adoption par celui-ci du projet de loi inspiré tout spécialement par Aristide Rriand. Rapporteur de la commission de la Chambre, ce dernier s’était proposé de faire aboutir une loi qui fût acceptable pour les catholiques. A quoi s’opposait pourtant le fait que, rédigée d’une manière unilatérale, cette loi apparaîtrait toujours comme une disposition imposée du dehors. Ceci dit, il convient de reconnaître que l’économie générale de la loi n’était pas aussi défavorable à l’Église — l’avenir devait le montrer — qu’on aurait pu le craindre. La pièce maîtresse était la formation d’associations cultuelles, qui, recueillant le patrimoine des établissements publics supprimés, pourvoiraient aux frais d’entretien des ministres et aux dépenses du culte. Sur la composition, le mode de recrutement de ces associations, la loi se montrait peu explicite, entendant sans doute ne pas engager l’avenir. Du moins, au "cours des débats, une précision fut apportée que l’on pensait de nature à concilier les droits de l’État et les légitimes exigences des catholiques. L’article 4 stipula que les biens des anciens établissements publics seraient « transférés par les représentants légaux de ces établissements aux associations qui, en se conformant aux règles d’organisation générale du culte dont elles se proposent d’assurer l’exercice, se seraient légalement formées pour l’exercice de ce culte ». L’adoption de cette formule, assez élastique pour abriter toutes les exigences du droit canonique, fut considérée, sur le moment, comme un triomphe des revendications catholiques (avril 1905). A la vérité, cette joie fut tempérée quand, un peu plus tard, fut voté l’article 8, lequel prescrivait que les contestations relatives aux attributions de biens seraient soumises, non aux tribunaux, mais au « Conseil d’États, tatuant au contentieux, lequel prononcerait en tenant compte de toutes les circonstances de /ait ». Vainement, le rapporteur insista--t-il sur ceci que, parmi les circonstances en question, l’union avec l’autorité ecclésiastique légitime aurait une place prépondérante ; il ne put effacer l’impression que l’article 8 cherchait à reprendre une partie des concessions faites au principe hiérarchique par l’article 4. Les suspicions qui, dès lors, se firent jour dans le grand public furent à peine atténuées par les dispositions relativement bienveillantes concernant les pensions et allocations temporaires des ministres du culte et la jouissance des églises. La loi fut votée à la Chambre le 3 juillet 1005 ; l’on doit reconnaître que son texte définitif résultait des concessions réciproques