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PIE X. POLITIQUE EXTERIEURE

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obtiendrait les 12 voix nécessaires pour être élu pape ? Les ebances « lu cardinal Rampolla, l’ancien secrétaire d’État de Léon XIII, étaient considérables, encore qu’il ne lu’pas absolument assuré qu’il pût obtenir la majorité requise. In coup de théâtre vint d’ailleurs interrompre l’ascension régulière du nombre de ses voix. Le dimanche 2 août, après le scrutin du matin, le cardinal l’uzvna, archevêque de C.racovie, signifia l’exclusive de l’Autriche à l’endroit du cardinal Rampolla. Contre celle résurrection d’un vieil abus qui semblait périmé, des protestations furent élevées ; elles ne furent pas de nature cependant à rallier au cardinal exclu par François-Joseph la douzaine de voix qu’il lui fallait encore. Soit timidité devant les difficultés que l’Autriche pouvait susciter, soit désir de briser avec la politique de Léon XIII, le conclave se rallia assez vite à la candidature du cardinal Sarto. Celui-ci avait obtenu 5 voix au premier scrutin, 10 au second, 21 à celui du dimanche matin après lequel fut signifiée l’exclusive de Rampolla ; il en eut24 au scrutin du soir et, le lundi matin, il arrivait en tête avec 27, le cardinal Rampolla n’en ayant plus que 24. Le cardinal Sarto obtenait 35 voix le lundi soir ; l’accession des électeurs qui avaient tenu jusque-là pour Rampolla lui assura la quasi-unanimité. Il était élu le mardi 4 août par 59 voix. « Confiant dans les suffrages des saints pontifes qui avaient honoré le nom de Pie et qui avaient défendu l’Église avec fermeté et avec douceur », il voulut être appelé Pie X.

II. La politique extérieure de Pie X.

Le choix du nom, les considérations qui le motivaient indiquaient déjà la direction dans laquelle allait s’orienter le pontificat. On entendit beaucoup parler, dès le début, d’un pape religieux, qui romprait avec les errements où la politique avait entraîné son prédécesseur. D’une tendre piété, animé des intentions les plus droites, les plus surnaturelles. Pie X, dans son encyclique d’intronisation, E supremo (4 oct. 1903), annonçait la pensée qui guiderait son action pontilicale : instaurare omnia in Christo. Pourtant les affaires politiques ont absorbé, par la force même des choses, une grande part de l’activité de ce pape et du secrétaire d’État qu’il se choisit en la personne du jeune Merry del Val, élevé au cardinalat le. Il novembre 1903. Nous étudierons d’abord cet aspect du pontificat, avant d’étudier l’action de Pie X à l’intérieur de l’Église.

Le pontificat de Pie X a vu se réaliser, en France et au Portugal, la séparation de l’Église et de l’État, par suppression unilatérale des vieux accords qui, dans ces deux pays, réglaient les rapports des deux pouvoirs. C’est le geste de la France qui a eu le plus de retentissement ; ce geste a, d’autre part, amené l’autorité pontificale à préciser, à accentuer, sur les rapports entre les pouvoirs civil et ecclésiastique, la doctrine traditionnelle de l’Eglise.

Pie X et la France.

Depuis vingt ans déjà, la

République française s’efforçait de faire prédominer, de plus en plus, le concept de laïcité. Proclamant que les questions religieuses sont essentiellement du domaine privé, les théoriciens en étaient venus, de bonne heure, à préconiser l’idée que l’État ne doit mettre ni son influence, ni le pouvoir dont if dispose au service d’une conception surnaturelle, quelle qu’elle soit. C’est l’idée que les politiciens réalisèrent tout spécialement par la série des lois relatives à renseignement public. Comme, d’autre part, les congrégations religieuses, nombreuses, florissantes, constituaient un des obstacles les plus considérables à la laïcisation de la société, tant par leur action sur l’enseignement que par leur influence en nombre de domaines, elles avaient été violemment attaquées. Les imprudences commises par plusieurs dans le domaine politique

axaient été exploitées contre toutes : au moment où Pie X arrivait au trône pontifical, la ruine des congrégations non autorisées était, malgré les protestations de Léon XIII, à peu près consommée. L’application de la loi du l’r juillet sur les associations avait abouti, en mars 1903, à la suppression de la plupart des congrégations d’hommes non autorisées antérieurement ; celles de femmes allaient en juin partager le même sort, en attendant qu’en mars 1904 le droit d’enseigner fût retiré aux membres mêmes des congrégations autorisées. Contre cette dernière forme de l’action antireligieuse, Pie X invoque, dès le 2 décembre 1903, l’intervention du président de la République, M. Loubet, qui ne peut que se retrancher derrière son irresponsabilité constitutionnelle. Le 18 mars 1904, répondant aux souhaits de fête du Sacré Collège, le pape, en termes émus, se plaint de l’attitude de plus en plus persécutrice adoptée par le gouvernement de la République. Mais, dès ce moment, ce n’était plus seulement contre les congrégations que le ministère radical d’E. Combes allait diriger ses coups : l’existence même du Concordat était mise en question.

1. La rupture diplomatique.

Au fait, la séparation de l’Église et de l’État était inscrite depuis longtemps au programme politique des radicaux, n’y ayant rien de plus contraire à l’idée de laïcité, telle que nous l’avons définie, que l’union plus ou moins intime réalisée par le Concordat entre la puissance civile et le pouvoir religieux. Des considérations d’opportunité, néanmoins, avaient fait longtemps hésiter tous les hommes politiques devant une mesure pleine d’aléas de toute sorte. É. Combes, lui-même, en 1903, demandera encore le maintien du budget des cultes et de l’ambassade auprès du Vatican. Dès ce moment, toutefois, il laisse entrevoir que la dénonciation du Concordat s’imposera à bref délai, quand l’on aura établi manifestement et avec preuves multiples que c’est le clergé catholique lui-même qui la veut. (Discours au Sénat, 21 mars 1903.) Aussi bien, la manière dont il entend appliquer le traité est-elle le plus sûr moyen d’en amener la rupture. Depuis no’embre 1902. et donc depuis la dernière année de Léon XIII, une querelle était ouverte entre le gouvernement français et la secrétairerie d’Etat, tant sur la question de la formule employée depuis quelque temps à Rome dans la rédaction des bulles de nominations épiscopales (question dite du Nobis nominavit), que sur « l’entente préalable » à réaliser entre la nonciature et le gouvernement avant la publication officielle par celui-ci des noms des nouveaux élus. Rien n’était terminé à l’avènement de Pie X. Ce dernier, pourtant, fit montre de condescendance en trouvant, en janvier 1904, une formule de transaction. La querelle ne laissa pas de s’éterniser dans les mois qui suivirent. Aucun évêque ne serait nommé, déclarait Combes, le 19 mars, tant que l’institution canonique n’aurait pas été conférée par Rome à trois candidats qu’il avait désignés. Ce mauvais vouloir, qui paralysait le recrutement de l’épiscopat français, se manifesterait bien davantage encore à propos de mesures canoniques que Rome entendait prendre contre les deux évêques de Laval et de Dijon, dont la conduite avait donné lieu à diverses critiques. Mis au courant des sommations adressées à ces deux prélats. Combes fait faire à la secrétairerie d’État de très vives représentations : « La destitution ou la démission d’un évêque, dit-il, est soumise aux mêmes règles que la nomination ; elle ne peut donc avoir lieu que par le concours des deux pouvoirs. » Des notes d’un tour extrêmement vif furent ainsi échangées au cours des mois de juin et de juillet 1904. Elles se ressentaient d’ailleurs de l’état d’esprit qu’avait créé, de part et d’autre, un troisième incident diplomatique qui avait éclaté quelques semaines plus tôt.