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PIE IX. RAPPORTS AVEC LES ETATS

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nouvelles offres au cardinal Antonelli. Il s’engagea à obtenir des puissances signataires du traité de Vienne la garantie de ce que détenait encore le Saint-Siège et promit des indemnités pour l’abandon des provinces perdues. Le cardinal Antonelli repoussa le principe même d’une entente internationale, et celui d’une indemnité financière, car l’un et l’autre conduisaient, en fait, sinon en droit, à reconnaître la spoliation. Or. la constitution de I’ie V interdisait au Saint-l’ère d’aliéner directement ou indirectement la moindre parcelle des biens de l’Église. Bastgen, Die rômische Frage, t. ii, p. 159-161.

Des événements imprévus permirent à l’Italie de prouver à l’Europe qu’elle tiendrait des engagements éventuels visa-vis du Saint-Siège. Elle barra le chemin de Rome à.Garibaldi et lui infligea un cruel échec à Aspromonte (28 août 1862). Mais sa bonne foi se trouva remise en cause par la circulaire que le général Durando adressa, le 10 septembre, à ses agents diplomatiques, en vue de leur rappeler que la nation exigeait Rome comme capitale. Bastgen, op. cit., t. ii, p. 171-173.

La divulgation de cette circulaire et la publication dans le Moniteur du 25 septembre du projet d’accord soumis en juin précédent au Saint-Siège soulevèrent l’indignation des catholiques français : on crut que l’empereur se disposait à abandonner la cause pontificale. L’agitation créa un tel danger que, pour la calmer, Napoléon III confia le portefeuille des Affaires étrangères à Drouyn de Lhuys (octobre 1862). Le nouveau ministre se vit presque aussitôt contraint à suivre la même ligne de conduite que Thouvenel, son prédécesseur. L’Europe officielle paraissait lasse de la question romaine et la puissance de l’Italie s’affirmait. L’Angleterre, surtout, favorisait ouvertement l’unité italienne et réclamait le retrait de l’armée d’occupation française Bastgen, op. cit., t. ii, p. 180, 196-197. Le 15 septembre 1864, une convention fixait les conditions dans lesquelles la France évacuerait Rome et un protocole réglait qu’elle n’aurait de valeur exécutoire que du jour où la capitale de l’Italie serait transférée de Turin dans un lieu convenable. Bastgen, op. cit., t. ii, p. 350.

Si le texte de la convention était rassurant, les réserves de l’Italie constituaient une menace. Les négociateurs avaient déclaré qu’ « il ne pouvait être question ni d’une renonciation aux aspirations nationales, ni d’une garantie collective des puissances catholiques ». Bastgen, op. cit.. t. ri, p. 353-355. Qu’étaient ces « forces morales », invoquées pour la solution de la question romaine ? Sans doute, on escomptait la mort prochaine du pape et l’élection d’un pontife moins intransigeant que lui. Bastgen, op. cit., t. ii, p. 308-316. Renonçait-on à l’emploi des « voies souterraines » qui avaient si bien réussi à feu Cavour ?

Le cabinet de Vienne ne crut pas à la sincérité du gouvernement italien. De concert avec l’Espagne, il suggéra l’idée de garantir, par un acte collectif, les possessions actuelles du Saint-Père. Drouyn de Lhuys, qui connaissait les réserves italiennes, combattit cette motion et proposa de s’en remettre à la loyauté de Victor-Emmanuel II. Sans se montrer convaincu, le cabinet de Vienne n’insista plus, quand Napoléon III lui eut donné l’assurance qu’il ne soutiendrait pas l’Italie dans une guerre contre l’Autriche. Bastgen, op. cit., t. ii, p. 396-410. Les conversations engagées entre les cours de Madrid et de Paris aboutirent à un résultat paradoxal, à la reconnaissance par l’Espagne du royaume d’Italie (1865). Bastgen, op. cit., p. 413422.

Mentana.

Après le départ des derniers bataillons

français, qui eut lieu du 3 au 7 décembre 1866,

l’État pontifical jouit quelque temps d’une réelle sécurité. La police et la petite armée qui subsistait suffisaient à maintenir l’ordre public. Garibaldi rentra malheureusement en scène et se prépara à conquérir Rome. Le 23 octobre 1867, les 10(100 hommes qu’il commandait envahirent la plaine du Tibre. Avec un peu d’audace, Garibaldi aurait pu s’emparer de la Ville éternelle ; il perdit du temps, n’attaqua pas au moment voulu et se retira dans les environs de Mentana. Ce lui fut fatal : les chassepots des troupes françaises revenues de Provence lui infligèrent un échec sanglant, le 3 et le 4 novembre. P. de La Gorce, Histoire du second Empire, t. v, p. 300-310.

La prise de Rome et la loi des garanties.

La

question romaine resta stationnaire jusqu’à l’ouverture de la guerre de 1870. Le rappel de nos troupes qui cantonnaient à Rome décida les Italiens à agir. Le 20 septembre, après que leur artillerie eut pratiqué des brèches dans les murs de la ville et prouvé ainsi l’emploi de la violence, le Saint-Siège capitula. Bastgen, t. ii, p. 649-650. Lui-même provoqua l’occupation, par les troupes royales, de la cité Léonine. F. Carry, Le Vatican et le Quirinal d’après des documents inédits, dans le Correspondant, 10 décembre 1895, p. 781-794. Le dernier acte qui consacra la spoliation des États de l’Église fut la loi des garanties (13 mai 1871), qui n’avait ni portée internationale, ni caractère d’irrévocabilité et qui mettait ainsi le Saint-Siège à la merci du gouvernement italien et du Parlement. Voir le texte dans Bastgen, Die rômische Frage, t. ii, p. 076-679.

Pie IX protesta solennellement le 15 mai 1871. « Le principat civil, aflirma-t-il, avait été donné au pontife romain par un dessein de la divine Providence et lui était nécessaire, afin que n’étant jamais soumis à aucun prince ou pouvoir civil il pût exercer, en pleine liberté, la charge suprême de paître et de régir le troupeau entier du Seigneur et l’autorité reçue, par l’effet de la puissance divine, du Christ lui-même, et agir pour le plus grand bien de l’Église, son utilité et ses besoins. » Bastgen, op. cit., t. ii, p. 684.

III. Pie IX et l’Europe. — 1° Relations avec la Russie. — Après de longues négociations, entamées sous le pontificat de Grégoire XVI, une sorte de concordat, dont Pie IX se plaisait à rappeler le caractère provisoire, avait été conclu avec la Russie le 3 août 1847. A. Mereati, Raccollà di concordati, p. 751-765. On y stipulait, entre autres points importants, la jurisprudence en matière matrimoniale, l’obtention des dispenses réservées d’ordinaire au Saint-Siège et le rétablissement, tant dans l’empire russe qu’en Pologne, de la hiérarchie ecclésiastique qui s’éteignait. t’ne bulle Universalis Ecclesiæ (3 juillet 1848) délimita les anciens évèchés et en érigea un à Kherson, mais son effet se trouva promptement neutralisé par le mauvais vouloir de la bureaucratie de Pétersbourg. Ni Nicolas I er, ni Alexandre II ne respectèrent l’accord passé avec Rome ; au contraire, ils le violèrent froidement et s’appliquèrent à couuattre les droits sacrés de l’Église romaine sur ses sujets. Pie IX connaîtra les pires amertumes. Il protestera vainement contre les persécutions que subiront évêques et prêtres, fidèles à ses enseignements. Sa voix ne sera pas écoutée et son pontificat s’achèvera par le renvoi de Meyendorff et d’Ourousov, agents de l’empereur. Le Moscovite plaidera toujours non-coupable, rejettera la faute sur l’insubordination prétendue des catholiques romains et continuera sa politique de russification tyrannique. Les pires tristesses ne furent pas ménagées au pape : les évêques qui trahirent la cause de la religion reçurent, à Moscou, encouragements, soutien et faveurs ; Marcel Popiel. administrateur intrus de l’évêché de Chelm, apostasiera solennelle-